La Cour de Justice de l’UE devra se prononcer sur la conformité du mécanisme du crédit d’impôt de 300 euros pour les pensionnés. (Photo: David Laurent / archives)

La Cour de Justice de l’UE devra se prononcer sur la conformité du mécanisme du crédit d’impôt de 300 euros pour les pensionnés. (Photo: David Laurent / archives)

Un ingénieur chimiste luxembourgeois, retraité de la Shell aux Pays-Bas mais résidant au Grand-Duché, pourrait faire bouger les lignes sur le traitement fiscal que l’Administration des contributions directes réserve à ceux qui touchent une partie de leur pension des caisses étrangères.

L’homme est bénéficiaire de deux pensions néerlandaises et d’un complément qui lui vient du Royaume Uni. En vertu de la convention de non-double imposition entre le Luxembourg, où il réside avec sa femme, et les Pays-Bas, ses revenus sont imposés au Grand-Duché.

Or, depuis 2009, les règles du jeu sur le traitement fiscal des retraites ont été modifiées au Luxembourg (loi du 19 décembre 2008 et règlement grand-ducal du même jour réglant les modalités d’application de l’octroi du crédit d’impôt pour pensionnés ou CIP): un crédit d’impôt de 300 euros par an est octroyé aux contribuables. Le dispositif a remplacé l’abattement de retraite.

Il existe une restriction à l’octroi de ce CIP: il bénéficie uniquement aux contribuables étant en possession d’une fiche de retenue d’impôt et réalisant un revenu résultant de pensions ou de rentes. Ce qui limite donc la bonification aux personnes touchant une pension d’une caisse de retraite au Grand-Duché.

Derrière les intentions du législateur

Or, les pensions de l’ex-ingénieur n’ont pas été passibles d’une retenue à la source luxembourgeoise. L’Administration des contributions directes lui a donc refusé de lui bonifier le crédit d’impôt de 300 euros par an au titre de ses bulletins d’imposition entre 2009 et 2011, alors qu’il avait droit auparavant à l’abattement, même sans fiche d’impôt.

Cette fin de non-recevoir fut contestée devant le Tribunal administratif (sans passer par l’intermédiaire d’un avocat), qui a rendu son verdict le 16 juin dernier.

Le retraité de Shell jugea «inconcevable» que le législateur luxembourgeois, en adoptant les changements en décembre 2008 remplaçant l’abattement de retraite par le CIP, «ait voulu exclure expressément les résidents ne touchant que des pensions étrangères». Quoi qu’il en soit, fit-il encore remarquer, ni les textes des délibérations de la Chambre des députés en 2008 ni les divers articles de loi et règlement ne font état de pareilles intentions.

L’homme y a vu l’expression d’une «législation déficiente» en conflit tant avec l’article 10bis de la Constitution interdisant toute discrimination devant la loi qu’avec les principes fondamentaux de l’UE sur la libre circulation des personnes. Le plaignant réclama aux juges d’interroger la Cour de justice de l’UE sur la portée de la réglementation luxembourgeoise de 2008, ce à quoi l’agent du gouvernement s’opposa, ne voyant dans le traitement qui lui avait été réservé aucune discrimination et assurant que le mécanisme mis en place il y a sept ans se justifiait «parfaitement et objectivement» par des considérations d’intérêt général.

Discrimination indirecte?

Les juges administratifs, par précaution, n’ont pas suivi son raisonnement. «La disposition nationale litigieuse, en l’occurrence l’article 139ter LIR (loi sur l’impôt sur le revenu, ndlr)», écrivent-ils, «ne comportant pas de condition par rapport à la nationalité du bénéficiaire potentiel de l’avantage fiscal y inscrit, elle est cependant susceptible de comporter, le cas échéant, une discrimination indirecte dans la mesure où elle soumet l’octroi de l’avantage fiscal litigieux à la condition que le bénéficiaire potentiel soit en possession d’une fiche de retenue d’impôt.»

Le Tribunal estime que l’arbitrage de la Cour de justice de l’UE, à travers une question préjudicielle, présente un «intérêt général pour l’application uniforme du droit», vu l’absence de jurisprudence sur ce cas de figure.

La suite de l’affaire introduite par un retraité aujourd’hui âgé de 85 ans est donc désormais conditionnée à la réponse de la juridiction européenne.