La Grand Hôtel Cravat, 60 chambres en plein centre-ville et trois générations d'hôteliers qui se battent pour leur indépendance. (Photo: Grand Hôtel Cravat)

La Grand Hôtel Cravat, 60 chambres en plein centre-ville et trois générations d'hôteliers qui se battent pour leur indépendance. (Photo: Grand Hôtel Cravat)

«Ce n'est pas de gaieté de cœur ni pour faire plaisir à des actionnaires, mais nous sommes contraints de fermer la brasserie de l'hôtel pour sauver une institution.»

Carlo Cravat aura tenté de trouver des solutions pour maintenir l'établissement familial qu'il dirige depuis 25 ans, mais il a dû se rendre à l'évidence: l'activité de restauration pèse trop lourd par rapport au chiffre d'affaires global de l'hôtel.

«Pour sauver l'arbre, il faut savoir couper une branche», argumente-t-il avec une des métaphores dont il ponctue ses phrases. Depuis la crise financière en 2008, l'activité est en effet déficitaire. D'une part, les banquets, cocktails et tickets moyens ont baissé, d'autre part, les coûts d'exploitation d'une brasserie ouverte tous les jours de l'année, avec deux services quotidiens, n'étaient plus maîtrisables.

Après des premières mesures, comme la fermeture en plusieurs étapes du restaurant gastronomique Le Normandy, la direction a décidé de fermer la brasserie, devant se résoudre à mettre en place un plan social.

«Il n'y aura finalement que 14 personnes qui seront affectées par le plan social, c'est-à-dire presque un tiers de moins qu'initialement prévu», remarque Romain Daubenfeld, secrétaire syndical de l'OGBL qui a conseillé la délégation du personnel dans le cadre des négociations pour l'établissement du plan social. En effet, lors des négociations du plan social, le Grand Hôtel Cravat s'est engagé à garder certains salariés pour fournir des services aux clients de l'hôtel.

La direction a aussi réussi à placer plusieurs de ses collaborateurs auprès d'autres restaurants. «Mes confrères me font confiance, quand je leur recommande un employé. Certains ont plus de 10 ans de maison», explique Carlo Cravat qui est aussi en négociation avec un repreneur.

Une maison de tradition

Pour l'instant, un accord n'est pas encore trouvé, mais le gérant-directeur de l'hôtel tient à trouver «une famille luxembourgeoise qui saura garder l'esprit de la maison». L'esprit Cravat, c'est en effet du local et de la tradition. «C'est ce que cherchent les clients: une qualité constante, une cuisine luxembourgeoise classique, un patron présent qui les reconnaît.»

Le futur ex-maître des lieux espère que la brasserie restera fermée le moins longtemps possible et qu'au moins une partie de l'ancien personnel pourra être réembauchée. «Mais ce sera leur restaurant, je ne m'en mêlerai pas.» Pour Carlo Cravat, cette décision a été difficile à prendre: «Je suis né dans cet hôtel et je représente la quatrième génération.»

Il reste en effet peu d'hôtels aux mains de privés, surtout dans la capitale. Si les 60 chambres de l'hôtel connaissent un taux d'occupation «dans la moyenne de la ville», les établissements se livrent «une guerre des prix qui a fait baisser les tarifs moyens au niveau de 2006 alors que les frais sont bien ceux de 2014».

Vu l'emplacement de choix en plein centre-ville, les offres de groupes internationaux ou de financiers se répètent régulièrement. Jusqu'ici, Carlo Cravat a tenu bon, voulant préserver l'aventure familiale face aux sirènes financières. «Je suis un peu le dernier des Mohicans qui résiste parce que je ne veux pas être un riche rentier qui a trahi les trois générations qui avant moi ont construit cet établissement.»