De nos jours, pas une entreprise ou presque ne peut évoluer sans un parc informatique, plus ou moins évolué en fonction des métiers. Le conseil informatique représente d'ailleurs un enjeu majeur pour les entreprises dont l'IT ne constitue pas le core business. Cependant, si de plus en plus de sociétés optent pour l'externalisation - celles évoluant dans le secteur financier en tête - à des degrés divers, on relève cependant que le cosourcing - un partenariat avec des équipes mixtes - a la cote. L'idée étant, dans tous les cas, que le consultant trouve des solutions afin de rendre les organisations de ses clients plus performantes. Les grands donneurs d'ordre au Luxembourg étant les banques et les entreprises du secteur financier, et le gouvernement.
Premièrement, "il existe une volonté des banques à garder en interne une expertise fonctionnelle et métier. Dans ce cas-là, elles préfèrent insourcer, car cela répond à des craintes liées au risque et à l'audit. Elles vont demander du conseil, mais toujours en partenariat avec des ressources internes", souligne Michel Bovesse, directeur de Fujitsu Services. Le deuxième volet touche à la mise en place de systèmes d'information, que les banques ne veulent plus confier à des entreprises externes et préfèrent opter pour le cosourcing. "On leur apporte une valeur ajoutée en termes de technologies, mais aussi au niveau métier. En matière d'infrastructures, les banques et les clients en général demandent de l'outsourcing car cela touche moins au core business", ajoute-t-il. "Le cosourcing est utilisé, aujourd'hui, avec beaucoup plus de maturité", ajoute Jérôme Gastaldi, directeur associé, services financiers de Fujitsu Services. "En termes de risques, les entreprises veulent une solution en interne. Le cosourcing permet d'apporter une valeur ajoutée, ce n'est pas négatif pour nous. Il y a un partage du risque. On se situe dans un mode win-win", enchaîne Michel Bovesse.
Erwan Floch, senior manager financial services chez NRG Consulting, constate l'existence de plusieurs tendances, liées à la question suivante: Est-ce que les clients préfèrent investir ou vendre à d'autres? Ce qui est certain, selon lui, c'est que l'avantage compétitif d'une entreprise ne sera jamais outsourcé.
De l'offshoring au nearshoring
"Aujourd'hui, il existe différents types d'outsourcing: infrastructures, maintenance et service management, gestion de serveurs, help desk, back office", précise Nordine Garrouche, associate director chez NRG Consulting. Ce qui est nouveau, selon lui, c'est que la gestion des applications commence à être outsourcée. "Nous sommes là pour aider les clients à déterminer le périmètre à externaliser. Nous essayons de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Aujourd'hui, les activité outsourcées sont principalement le back office, car les processus sont les mêmes d'une banque à l'autre et leur externalisation n'engendre pas de perte de compétitivité", précise M. Garrouche.
Dans l'outsourcing du back office, on assiste, depuis trois-quatre ans, à une nouvelle tendance: alors que par le passé, on parlait beaucoup d'offshoring - outsourcer dans des pays lointains comme l'Inde où les coûts étaient moins élevés -, aujourd'hui, on évoque le nearshoring, à savoir l'outsourcing dans des pays proches du Luxembourg, tels que les pays de l'Est ou l'Espagne, où les gens sont bien formés, de culture européenne et ont des prétentions salariales moins élevées.
En terme de back office, certaines entreprises ont crée une société à laquelle elles confient l'externalisation de cette activité pour l'ensemble du groupe. "Dans le cas de l'outsourcing dans le groupe, notre principale compétence est d'agir sur la partie stratégie: qu'est-ce qu'il faut outsourcer? Comment? Quel est le périmètre à auto-riser? Quels sont les risques?", précise M. Garrouche.
Du côté d'Accenture, 40% du chiffre d'affaires à l'échelle mondiale est réalisé dans l'outsourcing et le BPO, Business Process Outsourcing, "mais on est bien en dessous au Luxembourg, même si cela commence à changer", indique Jean Faltz, senior executive. "En Europe, les Anglais, les Hollandais et les Suisses sont en avant-garde. En Suisse, beaucoup de banques se mettent ensemble pour outsourcer leur informatique. C'est plutôt de l'insourcing, de la mise en commun de services (gestion titres, paiements) qui se fait ici au Luxembourg", ajoute-t-il.
Une des raisons expliquant ce constat réside dans les centres de décision des banques, qui se trouvent, la plupart du temps, à l'étranger et dans la tendance à l'économie au niveau du groupe. "Aujourd'hui, ce qui change beaucoup, c'est qu'il faut être dans les pays où se trouvent ces centres de décision. Si on ne fait pas partie d'un groupe présent au Benelux, on ne peut d'ailleurs pas répondre aux appels d'offres", souligne Rénald Wauthier, managing director CTG Luxembourg PSF.
En revanche, les petites banques actives dans le private banking ou les fonds possèdent encore leur centre de décision au Luxembourg. "On a quand même le secret bancaire qui protège le Luxembourg, car les maisons mères ne peuvent intervenir directement dans les comptes",se réjouit-il.
"La loi sur les PSF a un grand impact, car dès que l'on touche aux données client, on est obligé d'être PSF et on a l'obligation d'insourcer à un PSF dans le pays. L'infrastructure des données clients doit se trouver au Luxembourg. Les banques outsourcent en interne mais font appel à des sociétés externes", constate Rénald Wauthier.
Le secteur bancaire a connu une très forte reprise en 2006 et les banques ont été confrontées à un manque de ressources humaines. Elles n'ont eu d'autre choix que d'avoir recours à de la main-d'oeuvre externe, à des sociétés de services. "C'était ponctuel mais il y a encore beaucoup de demandes aujourd'hui. Il y a moins de concurrence sur le marché. Notre part de marché a augmenté, car certaines banques ne font appel qu'à des PSF, ce qui ne veut pas dire qu'elles ont externalisé. Aucune des quatre grandes banques de la Place n'outsource son service informatique. Pour ces grandes banques, il faut penser de manière transversale", souligne-t-il.
Garder la mainmise
Les cas de figure sont multiples en matière de gestion de projets. Soit le partenaire prend en charge le projet de A à Z, soit sa mise en place se fait avec le client, le consultant jouant ici le rôle de maître d'oeuvre. Certains clients utilisent les compétences d'un consultant en amont puis confient la réalisation à d'autres.
"Dans le secteur public, on maîtrise un projet du début à la fin. Dans le secteur bancaire, on laisse le choix au client. Même si nous avons un contrat de cosourcing, il se peut que l'on ait la maîtrise totale pour une certaine partie du projet, avec un transfert de connaissances à la fin de celui-ci", souligne M. Bovesse.
La plupart des banques aujourd'hui veulent garder la mainmise mais n'ont plus les moyens financiers et humains pour cela. "Travailler avec un prestataire ne veut pas dire perdre la main. On définit le problème, la solution, le système et on le teste. Si le projet n'est pas géré par la banque de manière rigoureuse, ça peut mener à des pertes sèches au niveau financier. L'outsourcing ne doit pas diminuer le contrôle et la mainmise", estime Pascal Denis, executive partner chez Accenture.
Deux choses ont changé, selon Jean Faltz, les consultants sont beaucoup plus acceptés comme des partenaires. "Nous sommes dans le même bateau. Nous sommes davantage risk sharing que body shopping, ce qui représentait auparavant 90% de la tendance". Par ailleurs, les consultants pratiquent de plus en plus les prix fixes.
Si les banques veulent garder le contrôle sur l'implémentation d'un projet, elles sont aussi plus exigeantes et réclament du personnel qui ait également des compétences dans leur métier.
"C'est de plus en plus important de connaître le métier du client, car il outsource de plus en plus d'activités - back office, accounting, salaires - depuis ces trois ou quatre dernières années. On croit davantage à l'outsourcing dans l'activité que dans l'IT pur. De manière presque systématique, le client préfère avoir un partenaire par grand domaine fonctionnel", constate Erwan Floch (NRG Consulting). Selon Rénald Wauthier (CTG), il faut faire comprendre aux informaticiens que maîtriser l'informatique ne suffit plus. "La technologie évolue chaque jour. Vous êtes un expert aujourd'hui et demain, plus rien, si vous n'avez pas remis vos compétences à jour".
Nouvelles tendances
"En conseil, depuis un an, nous sommes confrontés à une forte demande en termes d'informatique décisionnelle, de business intelligence. Les banques sont en train de redéfinir leurs nouvelles solutions de gestion décisionnelle en prenant en compte les évolutions technologiques qui permettent d'aller plus loin que les solutions de datawarehouse des années 90", indique Michel Bovesse (Fujitsu Services).
"La demande est en train de changer car le parc des logiciels existe depuis 10-15 ans et arrive en fin de vie. Le deuxième grand chantier, c'est aider les banques à s'orienter proprement dans leur groupe respectif", note Pascal Denis (Accenture).
"Nous avons souvent été confrontés à des clients qui nous demandaient de les aider à faire face à l'augmentation de leur business: économiser des tâches subalternes, classer des documents, les retrouver... Ce sont des process qui peuvent être longs et problématiques en termes de risque opérationnel", poursuit Jérôme Gastaldi (Fujitsu Services). Celui-ci note encore une progression des demandes d'évaluation et d'étude de mise en place de BPM, Business Process management, une solution qui permet aux clients de suivre de manière plus efficace leur processus.
"En matière de conseil informatique, ce qui est nouveau, c'est ce qui est lié à la compliance, à Bâle II, Soax, pour lesquelles on ne nous contactait pas. Nous sommes capables de fournir des produits liés à ces problèmes. A côté de cela, nous nous sommes spécialisés dans le test. Peu de sociétés se sont spécialisées dans ce domaine et lorsqu'on fait du développement, 40% passent dans le test", tient à préciser Rénald Wauthier.
Le secteur du conseil informatique évolue de manière régulière depuis deux à trois ans, mais on ne peut pas parler de boom. Michel Bovesse prédit que dans le secteur financier, la tendance à la mise en place de solutions package et à l'outsourcing va se poursuivre. Et Jérôme Gastaldi d'estimer qu'il faut continuer à rendre l'IT plus flexible et adaptable avec le BPM et les packages. "Il y a encore des choses à faire au Luxembourg de ce côté-là", assure-t-il.
L'idéal, pour Rénald Wauthier, ce sont les contrats qui courent sur plusieurs années. La gestion d'un parc informatique peut se planifier sur du long terme, alors que le développement de solutions comporte une date de fin. "Les contrats à long terme peuvent aussi fonctionner dans le cadre d'équipes mixtes ou de joint-venture. Les banques sont encore hésitantes. Si on ne réussit pas à faire tourner l'IT de la banque, le business s'arrête. L'avenir verra plutôt un mixte de partenaires, consultants et ressources internes".
De son côté, Jean Faltz voit venir deux tendances au Luxembourg: l'externalisation de l'informatique et de l'opérationnel. La question stratégique pour les banques est de savoir où se situe le core business. "Dans 10 ans, l'externalisation sera générale car les banques sont trop petites pour tout gérer et la complexité du métier continue. Ce qui est vraiment différenciateur pour une banque, c'est la manière dont elle écoute et gère la relation client. Les parties applicatives seront considérées comme quelque chose sur lequel le banquier ne doit plus nécessairement concentrer une partie de ses efforts". Les prestataires de services devront anticiper les besoins de leurs clients et être prêts à leur proposer des solutions quand de nouvelles réglementations apparaîtront.
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Recrutement
Le secteur du conseil informatique, dans son ensemble, est confronté à des difficultés pour recruter du personnel qualifié, d'autant plus que certaines entreprises de ce secteur envisagent de doubler leurs effectifs en 2007. "Nos clients aiment nos employés et les recrutent un peu trop , le marché est très compétitif sur les profils spécialisés. On attire les profils qualifiés, mais à un rythme trop lent", regrette Jean Faltz, senior executive chez Accenture.
Les jeunes universitaires sont très courus et se voient offrir la formation bancaire qui leur fait défaut. La connaissance métier est plus difficile à trouver que la connaissance technique, estime-t-on chez NRG Consulting. Les profils les plus recherchés sont des experts en architecture et informatique, des experts en business consulting, mais aussi dans les nouvelles technologies, les spécialistes Java et dotnet. "La difficulté est de recruter via les moyens habituels. Nous avons mis en place d'autres canaux de recrutement via le réseau de connaissances d nos consultants. Pour des profils très spécialisés, nous faisons appel à des chasseurs de têtes", avoue Michel Bovesse, directeur de Fujitsu Services.
Le Canada a de bons profils à offrir, mais "il est compliqué de faire venir des gens de loin, en raison du permis de travail qui très difficile à obtenir", déplore Rénald Wauthier, managing director CTG Luxembourg PSF. "L'effort de recrutement est 50% plus important qu'en 2006, en temps et en coûts et la croissance des salaires en 2007 atteindra 5 à 10% hors index", annonce M. Wauthier.