Le Conseil d’État s’interroge sur l’impact du projet de loi sur «la configuration de la place financière et sur l’emploi», alors que les syndicats évoquent 5.000 emplois menacés. (Photo: Licence C.C.)

Le Conseil d’État s’interroge sur l’impact du projet de loi sur «la configuration de la place financière et sur l’emploi», alors que les syndicats évoquent 5.000 emplois menacés. (Photo: Licence C.C.)

Déposé le 29 juillet par le ministre des Finances, le projet de loi 7024 sur les commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte poursuit son parcours législatif, non sans provoquer des réactions externes. Par ricochet, c’est tout un pan du secteur financier qui risque d’être affecté par la transposition du règlement européen éponyme, puisqu’il s’agit de faciliter le recours à l’externalisation de données auprès d’un prestataire intragroupe ou externe.

L’article 41 de la loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier doit donc être réformé dans le sens d’un assouplissement du secret professionnel, ce qui pourrait se solder dans la pratique par la levée du traitement impératif des données d’acteurs financiers au Grand-Duché. L’Aleba fin novembre et l’OGBL-SBA la semaine dernière ont fait part de leur vive inquiétude auprès du ministre des Finances Pierre Gramegna, sans que celui-ci cherche à les rassurer pleinement. Près de 5.000 emplois pourraient être menacés.

Quid des répercussions sur la Place?

Au tour du Conseil d’État de livrer son point de vue dans un avis publié mardi. Il souligne également que le projet de loi affecte directement l’article 41 de la loi modifiée du 5 avril 1993 sur le secteur financier en «[allongeant] la liste des exceptions au secret professionnel afin de faciliter la coopération intragroupe et la sous-traitance». «Le Conseil d’État regrette tout d’abord le peu d’éléments que les auteurs du projet de loi livrent pour expliquer et motiver leur démarche», note l’avis. «Ils se limitent en effet à des considérations opérationnelles.»

Selon les Sages, «l’effet premier résidera probablement au niveau des coûts de fonctionnement qui pourront être diminués». Ils entrevoient toutefois un impact significatif sur «la configuration de la place financière et l’emploi», déplorant que les auteurs du projet de loi ne semblent pas s’en préoccuper.

Sur le fond, si depuis 2003 et la fin du secret bancaire, «l’obligation au secret n’existe (plus) à l’égard des établissements de crédit et des PSF de support lorsque les renseignements communiqués à ces professionnels sont fournis dans le cadre d’un contrat de services», les Sages prônent un encadrement strict.

Et de rappeler le contenu de la circulaire 05/178 de la CSSF: le régulateur y admet que «la sous-traitance peut, dans de bonnes conditions, contribuer à une meilleure gestion par le transfert de certaines fonctions à des tiers disposant d’une plus grande expertise et permettant des économies d’échelle accrues», notant toutefois également qu’«en cas de recours à de tels services auprès de prestataires autres que les PSF connexes, les professionnels financiers s’exposent à un risque de divulgation plus important que dans l’hypothèse où ils utilisent leur propre personnel pour gérer leur système informatique».

La Commission nationale pour la protection des données devrait être entendue en son avis.

Le Conseil d’État

Le Conseil d’État soulève ainsi un autre enjeu: celui de la protection des données à caractère personnel, très nombreuses à être conservées par les banques. Il s’étonne de la «certaine retenue» avec laquelle les auteurs du projet de loi prônent d’encadrer la divulgation des données et milite pour que le texte exige un «respect strict de la loi modifiée du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel notamment de ses articles 18 et 19 traitant du transfert de données vers des pays tiers et de son article 26 sur le droit à l’information de la personne concernée».

«La Commission nationale pour la protection des données devrait être entendue en son avis, vu les enjeux, en l’occurrence, au niveau de la protection des données à caractère personnel», insistent les Sages.

Ils remarquent par ailleurs qu’à force d’ajouter des missions à la Commission de surveillance du secteur financier, il faudrait veiller à revoir le descriptif de ses pouvoirs de surveillance, d’intervention, d’inspection, d’enquête et de sanction directement dans la loi organique de 1998.