Images d'archives de Pascal Lissouba, l'ancien président du Congo Brazzaville. (Photo: Global Congo)

Images d'archives de Pascal Lissouba, l'ancien président du Congo Brazzaville. (Photo: Global Congo)

L’affaire du compte en banque de Pascal Lissouba au Luxembourg revient sur le devant de la scène avec la publication ce jeudi par l’hebdomadaire allemand Stern d’un article intitulé «Der schweigsame Herr Juncker» (Le taciturne Monsieur Juncker) relatant un des volets les plus méconnus du scandale du Service de renseignement de l’État, lorsqu’en 2006, le Premier ministre Jean-Claude Juncker et le ministre de la Justice et des Finances Luc Frieden se font donner un briefing par le directeur du Srel Marco Mille et deux de ses agents.

Au menu de la réunion, il fut question d’un compte que l’ancien président du Congo Brazzaville (1992 à 1997) Pascal Lissouba avait ouvert dans une banque allemande avec un dépôt de quelque 150 millions de dollars et les tentatives qui avaient été faites en 2001 par des intermédiaires dûment mandatés de récupérer les fonds, alors que Lissouba, chassé du pouvoir, était en exil en Europe, 

Le Srel s’était emparé de l’affaire, relativement ancienne, d’abord parce que des documents avaient été retrouvés qui retraçaient les circuits de l’argent et son origine plus que suspecte; ensuite parce que l’affaire pouvait présenter un risque important de réputation à la fois pour la place financière et pour des membres du gouvernement et leur éventuelle implication. Toutefois, il n’y eu aucune suite judiciaire. Et le Srel ne semble pas avoir poussé très loin ses investigations.

L’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements du Srel à l’été dernier n’avait fait qu’effleurer l’affaire Lissouba. La filiale luxembourgeoise de la banque allemande Bayerische Landesbank, de son côté, a toujours farouchement démenti l’existence de ce compte. La candidature de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne et la visibilité de l’ancien premier ministre luxembourgeois ont fait ressortir l’affaire dans la presse allemande.

L’enquête du magazine Stern apporte un éclairage nouveau de l’affaire en mentionnant notamment l’existence d’une attestation testimoniale de l’ancien président de la Chambre des comptes (ancêtre de la Cour des comptes) Gérard Reuter, un des témoins clefs de l’affaire Lissouba. C’est en effet chez lui qu’une partie des documents exhumés par le Srel lors du briefing de 2006 furent retrouvés. Reuter n’avait jamais fourni d’explications très convaincantes sur la présence de ces pièces à son domicile.

Deux attestations testimoniales de Reuter

Selon les informations en possession de la rédaction de paperJam.lu, Reuter a rédigé et fait enregistrer chez le notaire (probablement à la demande de fonds vautours américains, qui ont racheté la dette du Congo Brazzaville et cherchent à mettre la main sur les actifs en vadrouille dans les juridictions offshore), deux attestations testimoniales, une première en septembre 2011 et une seconde fin août 2013.

Dans l’une d’elle, il déclare qu’en sa qualité de président de la Chambre des comptes et dans l’exercice de ses fonctions il avait «pris connaissance au courant des années 1990, sans préjudice de la date exacte, que le gouvernement luxembourgeois aurait été sollicité, tant par ses homologues français qu’allemands, dans le but de faciliter le dépôt de fonds au nom de et/ou en faveur du Président du Congo-Brazzaville, Monsieur Pascal Lissouba, dans la Bayerische Landesbank à Luxembourg, filiale d’un groupe financier allemand».

«Pour des raisons d’État», poursuit-il, «les comptes afférents ont par la suite été ouverts dans cette banque à Luxembourg». «Il a été mentionné, lors de réunion à la Chambre des comptes, quoi qu’en dehors de l’ordre du jour, que ces fonds constitueraient la rétrocession de commissions perçues dans le cadre notamment de l’affaire Elf Aquitaine, laquelle venait d’éclater en public et qui a abouti à une enquête parlementaire en France».

La question est maintenant de savoir si la classe politique luxembourgeoise, qui a probablement envie de tirer définitivement le rideau sur les dysfonctionnement du Srel et ses à côtés non élucidés, se saisira de l’affaire, pour mettre fin une fois pour toutes à la suspicion pesant sur d’anciens membres du gouvernement.