«Quand on change la façon de regarder les choses, les choses que l’on regarde changent»; cet adage est particulièrement pertinent dans le cas des «statistiques» concernant le marché du travail. Suivant qu’on prenne une définition (du BIT) ou une autre (de l’Adem), le taux de chômage varie. Prenons le chômage des jeunes. Suivant le «point de vue» adopté (taux de chômage des jeunes, proportion de jeunes au chômage), la réalité diffère. Il en va de même de la participation des femmes au marché du travail ou du chômage des seniors qui, suivant les chiffres considérés, sont «inquiétants» ou «alarmants».
Explorant ces différentes «facettes», la Fondation Idea asbl a élaboré une série de six contributions, intitulée «Chômage et marché du travail dans tous leurs états: c’est 'graphe' docteur?». Elles offrent plusieurs angles de vue sur le marché du travail luxembourgeois dont la troisième sera celui du chômage des jeunes.
Les jeunes sont-ils particulièrement touchés par le chômage au Luxembourg?
Comme le soulignait le Statec dans une remarquable étude, «en se penchant de plus près sur les chiffres et leur évolution, le phénomène du chômage des jeunes s’avère [...] complexe». Ainsi, si le taux de chômage des 15-24 ans était au Luxembourg de 18,5% en août 2015 (selon la définition BIT du chômage), il est pour le moins «hasardeux» d’en conclure que les jeunes y sont particulièrement mal lotis, et faux de dire que près d’un jeune sur cinq est au chômage au Grand-Duché. Certes, le taux de chômage des jeunes est près de quatre fois plus élevé au Luxembourg que celui des adultes (25-64 ans) - contre deux fois en moyenne dans la zone euro - mais ce chiffre ne permet pas d’apprécier «réellement» la situation des jeunes au regard de l’emploi.
Le taux de chômage des jeunes ne concerne, par définition, que les jeunes «actifs». Puisque le taux d’activité (le rapport entre le nombre d'actifs - actifs occupés et chômeurs - et l'ensemble de la population correspondante) des jeunes est au Luxembourg particulièrement faible (26%), ce ne sont pas 22% des jeunes qui sont chômeurs, mais (seulement) 22% des 26% de jeunes «actifs», soit environ 6% des jeunes. Par ailleurs, avec la généralisation tardive des études secondaires et supérieures, et parce que le cumul travail-emploi (y compris les formations en alternance) est très peu développé au Luxembourg, les étudiants ne font pas partie de la population active, si bien que les non-qualifiés y sont surreprésentés.
En définitive, les «jeunes au chômage» au Luxembourg sont donc principalement des jeunes non qualifiés et/ou en situation d’échec ou de décrochage scolaires, et pas très nombreux. La part des jeunes dans le total des inscrits à l’Adem ne représente d’ailleurs actuellement que 11%, et les jeunes n’ont compté que pour 5% dans la hausse du nombre de chômeurs au Luxembourg depuis la crise.
Répartition des chômeurs en fonction de l’âge
(Source: Statec)
Il ne peut toutefois être exclu que certains jeunes (disponibles pour travailler) ne soient pas dans les statistiques car non inscrits à l’Adem, c’est d’ailleurs tout le sens de la Garantie pour la jeunesse.