Francis Delpérée ne cautionne pas une remise en question de la Cour constitutionnelle, dont il avait lui-même inspiré la création en 1997. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Francis Delpérée ne cautionne pas une remise en question de la Cour constitutionnelle, dont il avait lui-même inspiré la création en 1997. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Évoquée dès 1984, relancée en 1999, la refonte de la Constitution luxembourgeoise de 1868 devait aboutir dans les prochains mois, le gouvernement DP-LSAP-Déi Gréng prévoyant initialement un référendum en 2018. Si cet aspect demande à être confirmé au vu du fiasco de la dernière campagne référendaire, les travaux sur la révision constitutionnelle ont bien avancé sous la commission Bodry, après la commission Meyers.

L’occasion pour le Jeune Barreau de participer au débat en «investi[ssant] un chantier juridique qui intéresse le Luxembourg», indique Me Henry de Ron, président de la CJBL. Avec un invité de marque en la personne de Francis Delpérée, professeur de droit constitutionnel en Belgique. «C’est une figure emblématique qui a donné plusieurs avis sur des questions précises, et c’est aussi une personne tierce qui peut apporter un regard différent sur notre cuisine interne.»

Francis Delpérée demeure une figure emblématique du droit constitutionnel belge. (Photo : licence CC)

La Constitution actuelle [est devenue] un ensemble plus très cohérent.

Francis Delpérée, professeur émérite de droit constitutionnel à l’Université catholique de Louvain et député

«La plupart des observateurs du monde constitutionnel, au Luxembourg et en Europe, ont relevé un certain nombre de défauts dans la Constitution actuelle», constate Francis Delpérée, contacté par Paperjam.lu en amont de la conférence. «À savoir des formules un peu désuètes – elles datent du 19e siècle -, des lacunes et un phénomène bien connu qui est la stratification avec des couches successives venues au cours des différentes révisions, donnant un ensemble qui n’est plus très cohérent.»

D’où la nécessité d’une refonte en profondeur, «courageuse et méritoire, mais pas facile», souligne le constitutionnaliste, rappelant que la révision de la Constitution belge en 1993 avait perturbé le travail des professionnels de la justice en décalant toute la numérotation de ses articles.

Parmi les écueils de cette refonte constitutionnelle, la question des droits fondamentaux. L’introduction de droits inconnus au 19e siècle et intégrés depuis la Charte européenne des droits fondamentaux pose moins de soucis que le contrôle de la conformité des lois, avec une remise en question de la Cour constitutionnelle, qui célèbre ses 20 ans cette année. De quoi «remettre en cause l’équilibre des institutions judiciaires», avertit M. Delpérée.

La tentation du «parler vrai»

Autre point d’achoppement: la formulation de la répartition des pouvoirs. «Tant la commission Meyers que la commission Bodry sont parties de l’idée de parler vrai et de ne pas se contenter de formulations qui risquent d’induire en erreur, par exemple en disant que la Chambre des députés peut renverser le gouvernement ou qu’il y a un Premier ministre, un ou plusieurs vice-Premiers ministres, etc. C’est ce que j’appelle le dogme du parler vrai et qui n’est pas toujours très simple parce qu’on risque d’entrer dans le détail de la cuisine politique. Faut-il dire que ce sont les partis qui forment le gouvernement – ce qui est vrai?»

Autant d’enjeux et de questions que M. Delpérée doit aborder devant près de 150 personnes mardi en fin d’après-midi au château de l’Arbed, en présence du Grand-Duc héritier.