Monsieur Berghmans, pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte le Casino 2000 a été créé et quelle a été son évolution?
«L’idée qui a prévalu à la création du Casino était de renforcer le pôle touristique du Luxembourg. Mondorf s’est imposé pour sa situation de ville thermale et sa proximité de la France et de l’Allemagne. L’histoire a donné raison à ce choix puisqu’avec quelque 500.000 visiteurs annuels, nous sommes l’attraction touristique la plus visitée du pays. Notre chiffre d’affaires est passé de l’équivalent de 6 millions d’euros en 1984 à 53 millions d’euros l’année dernière. Il faut dire que pendant ces 30 années, nous avons quadruplé nos surfaces. Nous venons encore d’investir 35 millions d’euros pour répondre à la forte demande des activités de loisirs et de restauration, avec la création du Chapito et bientôt la rénovation du hall d’entrée et des circulations. La part de revenus issus des activités annexes au casino lui-même (hôtel, restaurants, événements) est donc croissante. La part liée à l’activité de jeu est à peu près stable depuis quelques années autour de 45 millions d’euros, ce qui est très valable dans un environnement européen où, en moyenne, les casinos ont perdu 32% de leur chiffre d’affaires depuis 2007. Il y a plusieurs explications à cela: la crise, bien sûr, mais aussi les lois antitabac et surtout la concurrence des jeux en ligne.
Comment êtes-vous touchés par cette concurrence?
«Les règlementations autour des casinos sont renforcées partout en Europe. Mais, bizarrement, la Commission européenne n’a pas l’air de vouloir se pencher sur les jeux en ligne, qui sont pourtant en grande partie illégaux. Au début, il y a une dizaine d’années, la Cour de Justice européenne a considéré que les jeux faisaient partie du domaine des services et bénéficiaient donc de la libre implantation et circulation en Europe. Les sociétés se sont implantées à Malte ou à Gibraltar, où il y a très peu de taxes et de contrôles. Certes, depuis 2009, on demande des licences nationales pour opérer, mais les frontières du net sont totalement perméables… C’est un problème global que le Luxembourg ne peut pas régler seul. Selon les chiffres donnés par les opérateurs en ligne eux-mêmes, ces jeux représentent 13 milliards d’euros par an, alors que les casinos traditionnels en Europe totalisent à peine 7 milliards. L’écart est énorme et c’est une concurrence totalement déloyale.
Autre concurrence: les autres casinos. On parle depuis quelque temps de la possibilité d’ouvrir un deuxième casino au Luxembourg. Cela vous fait peur?
«Je pense que nous pourrions très bien encaisser l’ouverture de tables de jeu au Château d’Urspelt qui est situé assez loin dans le nord du pays et cible les Belges. Mais, il ne faudrait pas que le gouvernement autorise plus que cela. Pour nous, la concurrence est déjà à nos portes avec le Schloss Berg en Sarre et Amnéville en Lorraine qui ciblent clairement la population luxembourgeoise, sans parler des sept salles de machines à sous à la frontière belge… Il faut donc mesurer quelle est la population qui est concernée par l’implantation d’un casino. La France, avec 200 établissements pour 60 millions d’habitants est championne en la matière alors que l’Allemagne n’en compte que 80…
Les casinos sont aussi pointés du doigt pour représenter un risque de dépendance à l’argent. Comment réagissez-vous?
«Il faut savoir qu’il n’a fallu rien de moins que 127 ans entre la première demande déposée pour un casino dans la station thermale et l’accord de la Chambre des députés pour son implantation… La création du Casino2000 a suscité de nombreux débats et d’appréhension à la fin des années 70. Il y avait de nombreux préjugés sur les établissements de jeux et sur les risques de dépendance. La loi qui nous encadre est très stricte et l’addiction est un sujet que nous prenons très au sérieux. Nous avons ainsi, dès 2002, mis en place Play it safe, un programme de prévention. Sept chefs de salle sont en charge de prendre contact avec les clients qui ont des comportements atypiques, exagérés ou jugés compulsifs. Nous réagissons et mettons en place des aides avant que les problèmes deviennent trop importants. Nous avons aussi créé un programme spécial pour encadrer les jeunes joueurs…»