Thierry Pace (Consultrade) : « L’article 1 du ‘règlement du chef’ – ‘le chef a toujours raison !’ – a la vie dure. » (Photo : Olivier Minaire)

Thierry Pace (Consultrade) : « L’article 1 du ‘règlement du chef’ – ‘le chef a toujours raison !’ – a la vie dure. » (Photo : Olivier Minaire)

Monsieur Pace, on met souvent l’accent, dans le management, sur les « compétences personnelles » du manager. Il y a également l’organisation générale de l’entreprise. Primordial?

« Pour faire une analogie sportive : c’est le pilote de Formule 1 et sa voiture. Il faut que les deux soient au top pour gagner. Des organisations mal définies, par exemple, induisent du stress sur chaque membre de l’équipe, manager ou collaborateur : qu’est-ce qu’on attend de moi ? Ai-je bien fait ? Est-ce que je dois prendre une initiative ? D’un autre côté, un manager qui a mal compris sa tâche mettra l’organisation en défaut.

On a, de la part des collaborateurs, l’envie d’avoir une meilleure qualité de vie. Le besoin d’avoir une meilleure productivité, une meilleure efficacité économique, n’est-ce pas incompatible avec cette envie de mieux vivre ? Surtout dans un contexte concurrentiel ?

« Il y a là un préjugé à la fois important et tenace ! En fait, justement le bien-vivre favorise la performance. Le contexte de concurrence mondiale favorise le stress. Il n’y a pas de formule magique pour régler ça évidemment. L’objectif est double : ne pas en rajouter sur les domaines que l’on maîtrise et tenir le niveau de stress sous le seuil de tolérance. L’équipe est tout à fait sensible à ces efforts. D’une part, elle les prendra en compte et les saluera à sa façon et, rapidement, elle participera spontanément à cette démarche. C’est vraiment une spirale vertueuse qui s’enclenche de cette façon : des équipes plus satisfaites répondent mieux aux demandes managériales, les managers ont plus de résultats. Les directions, plus satisfaites et convaincues par ces résultats, écoutent d’autant plus et répondent mieux aux demandes.

Lorsque l’on parle de mieux exploiter les potentiels des collaborateurs, n’est-on pas dans un discours un peu creux, étant donné la réalité du terrain ?

« Il y a dans cette perception de la ‘réalité du terrain’ une sous-estimation manifeste des capacités des uns – les collaborateurs – et une surestimation des capacités des autres – les chefs. L’article 1 du ‘règlement du chef’ – ‘le chef a toujours raison !’ – a la vie dure. Pourtant, l’histoire est pleine d’exemples d’organisations reposant sur un seul homme : toutes se sont effondrées. Qui connaît mieux son travail que celui qui le fait tous les jours, huit heures par jour ? Celui qui sait est indispensable. À partir de là, la question devient : comment en tirer parti ? Cet être humain qu’est le chef a aussi ses limites. Il va les repousser grâce à ses interactions avec les autres.

À partir d’objectifs définis par un autre pouvoir, il faut percevoir comment s’y prendre avec l’équipe, savoir agir avec elle pour servir ces objectifs. Ça s’apprend. Ça construit un vrai pouvoir solide parce qu’il produit des résultats. »