Les Missionnaires d'Afrique Pères blancs n'ont jamais vu l'argent légué par des vieilles dames. (Photo: ehamel.fr)

Les Missionnaires d'Afrique Pères blancs n'ont jamais vu l'argent légué par des vieilles dames. (Photo: ehamel.fr)

Le «cas Jeannot Biver» est à la fois inédit mais aussi inquiétant, sinon stupéfiant. Inédit, parce que cela fut la première et seule fois qu’un cabinet d’avocats était placé en «liquidation judiciaire», suite à la mise en détention préventive de son principal associé (en 2008). Selon l’avocat curateur, Yann Baden, la partie récupérable de la dette s’élève à 1,221 million d’euros et la créance est de 860.138 euros. Inquiétant, parce qu’il a fallu près de 40 plaintes de clients auprès de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg pour que le Bâtonnier finisse par intervenir contre un des siens (Biver a été interdit d'exercer à vie le 22 mai 2008, après une suspension de trois mois quelques années plus tôt). Il faut ajouter à cela la stupeur, du fait que le Barreau soit l'une des nombreuses parties civiles dans le procès pour détournement et faux de l’avocat et de deux de ses complices, également des avocates, contre lesquelles le Parquet n’a retenu que le recel.

Ceux qui l’ont connu se souviennent de Jeannot Biver, actuellement placé sous contrôle judiciaire et qui est en aveu complet de ses méfaits, comme d’un grand collectionneur de bouchons de bouteilles de champagne. C’est dire que ce petit bout d’homme menait grand train. Ce qui explique sans doute pourquoi il se retrouve, six ans après avoir été rayé de la liste des avocats, devant un tribunal correctionnel pour détournement de l’argent de ses clients, face à une quarantaine de parties civiles.

Les sommes pas restituées

Lundi, une demi-douzaine de parties civiles ont défilé à la barre à titre de renseignement pour expliquer que l’avocat ne leur avait pas restitué les sommes auxquelles ils avaient droit. «J'ai rien reçu de cet argent», a témoigné un ouvrier, qui avait obtenu une indemnité de 4.083 euros dans un procès contre son patron qui ne l'avait pas payé. «Je ne pense pas que M. Biver me doit quelque chose», affirme un chef d'entreprise, dont la société n'existe plus et qui ne se souvient plus de cette affaire. C'est sa femme, du fond de la salle d'audience, qui lui dictera une partie de ses réponses. 

L’ordonnance de renvoi de plus de 30 pages du Parquet, rédigée en juillet 2013, dresse une liste impressionnante des détournements présumés. L’une des principales parties civiles est la compagnie d’assurances Bâloise Luxembourg. L’avocat est accusé d’avoir détourné frauduleusement au préjudice de cette compagnie la somme de 177.000 euros dans le cadre de 290 dossiers, parmi lesquels une affaire de recouvrement de créance opposant Bâloise à Cepal (Centrale paysanne).

Pension alimentaire détournée

Un autre cas de détournement concerne le paiement d’une pension alimentaire de 8.200 euros à une femme divorcée, dont une partie seulement lui fut restituée. Un carrossier qui avait fait appel aux services de l’avocat pour recouvrer des montants auprès de ses clients mauvais payeurs fait partie des victimes de Biver, qui ne restituait souvent qu’une partie des sommes. L’avocat ne faisait pas de distinction entre ses victimes, qui allaient des épouses délaissées aux travailleurs en demande d’invalidité ou ouvriers en litige avec des entreprises de construction, en passant par des sociétés industrielles condamnées à indemniser l’État, via le fonds de l’Emploi. L’avocat ponctionnait une partie des montants pour son propre compte.

Parmi les parties civiles figurent les Missionnaires d’Afrique Pères blancs, une asbl que trois vieilles dames avaient mise sur leur testament, mais qui n’a jamais vu la couleur de l’héritage.

Le procès, qui va s’étaler sur plusieurs audiences, concerne aussi des faux en écriture présentés par le prévenu aux banques ING et BCEE pour obtenir des prêts en masquant la réalité de son endettement auprès d’autres établissements.