Les administrateurs de LSK se voient réclamer près de 75.000 euros d’arriérés d’impôts. Une goutte d’eau par rapport aux 100 millions de créances accumulées par le holding dans les mains du liquidateur Laurent Fisch. (Photo: Maison moderne / archives)

Les administrateurs de LSK se voient réclamer près de 75.000 euros d’arriérés d’impôts. Une goutte d’eau par rapport aux 100 millions de créances accumulées par le holding dans les mains du liquidateur Laurent Fisch. (Photo: Maison moderne / archives)

Désireux de faire la différence dans ce qui pourrait sembler une banale affaire d’appel en garantie après une mise en faillite, Me Lutgen s’est employé à soulever deux questions préjudicielles «qu’il est indispensable de poser à la Cour constitutionnelle». La première avait déjà été évoquée devant le tribunal administratif en octobre dernier, sans toutefois convaincre les juges. Il s’agit de la légalité de la procédure tirée de la loi sur la fiscalité (Abgabenordnung) selon laquelle «le percepteur des impôts (l’Administration des contributions directes, ndlr) tire de son chapeau, et en l’occurrence de son ordinateur, un préimprimé dans lequel il retient la faute caractérisée par le non-paiement de l’impôt sur les salaires».

Une procédure qui permet donc à une administration de prononcer la faute d’un particulier et de prendre une décision exécutoire, alors que la créance relevant de prestations sociales, comme les cotisations à la Caisse nationale de santé ou à la Caisse des pensions, se retrouve dans la masse. Pire: depuis la loi du 23 décembre 2016, les administrateurs sont soumis à un nouveau régime de TVA dont le recours se situe non pas au sein des juridictions administratives mais bien civiles.

Trois créances, trois régimes différents: une incongruité que Me Lutgen souhaite porter à l’analyse de la Cour constitutionnelle.

J’ai un mauvais sentiment quand je vois avec quelle vigueur et quelle véhémence le tribunal a refusé de poser [mes questions préjudicielles] à la Cour constitutionnelle.

Me André Lutgen, avocat de Dominique Strauss-Kahn

La deuxième question préjudicielle est liée à la première puisque Me Lutgen met en cause le privilège de l’Administration des contributions directes, en droit de réclamer les arriérés d’impôts sur les salaires alors que d’autres organismes étatiques comme la CNS ou la Caisse des pensions doivent attendre, comme les autres créanciers, que le liquidateur ou le curateur procède au remboursement des créances dans la masse. «Nous nous retrouvons dans une situation ambiguë où, selon le tribunal administratif, un employeur ferait mieux de ne pas payer les salaires, mais de payer les impôts sur les salaires», ironise l’avocat. Une «rupture d’égalité» que la Cour constitutionnelle devrait également trancher, selon lui.

«Ces deux questions préjudicielles méritent absolument d’être posées à la Cour constitutionnelle, mais j’ai un mauvais sentiment quand je vois avec quelle vigueur et quelle véhémence le tribunal a refusé de les poser à la Cour constitutionnelle», lâche Me Lutgen.

Sans trop d’espoir, celui-ci a tout de même plaidé le fait que son client n’a jamais touché à la gestion journalière de LSK et n’est donc pas à retenir comme responsable des errements et malversations du véritable administrateur délégué, Thierry Leyne, qui s’est tué quelques jours après les révélations sur l’état réel du holding financier à l’automne 2014.

74.792 euros d’arriérés d’impôts

Le délégué du gouvernement n’a pas plaidé, considérant avoir tout dit dans ses mémoires à la Cour. Celle-ci a placé sa décision en délibéré. Si elle accepte de poser les questions préjudicielles soufflées par Me Lutgen et si la Cour constitutionnelle donne raison à l’interprétation de ce dernier, les autres administrateurs de LSK, dont les cas ont été plaidés en janvier, pourraient profiter de la nouvelle jurisprudence.

Les administrateurs de LSK se sont vu réclamer solidairement la somme de 74.792,40 euros au titre des retenues sur les traitements et salaires versés en 2014 qui auraient dû faire l’objet d’une retenue automatique à la source. L’Administration des contributions directes s’était manifestée à peine deux semaines après la faillite du holding financier Leyne Strauss-Kahn (LSK), présidé jusqu’au 20 octobre précédent par DSK. Les administrateurs avaient opposé une fin de non-recevoir au bulletin d’appel en garantie de l’ACD, considérant qu’ils n’avaient pas la gestion courante des affaires.