«Un paradis fiscal», «un pays artificiel». Des termes peu flatteurs à l’égard du Luxembourg en provenance du voisin français qui ont suffi à déclencher une nouvelle polémique. À l’origine de ces déclarations, devenues l’un des sujets de discussion des vacances pascales 2014: le député UMP et vice-président du parti, Laurent Wauquiez.
Auteur de l’ouvrage «L’Europe: il faut tout changer», il a détaillé durant différentes interviews, dont celle de BFM TV/RMC la semaine dernière et de France Inter hier mercredi, sa vision d’une Europe reconstruite au départ d’un «noyau dur» de six pays partageant des objectifs communs, notamment en matière d’imposition. Exit donc le Luxembourg dans cette perspective.
«Je ne veux pas condamner le Luxembourg, cela ne ferait pas de sens et ce n’est pas le propos de mon livre», déclare Laurent Wauquiez à paperJam.lu. «Le Luxembourg a fait un choix respectable de structurer une industrie financière qui est utile. Je pose en revanche la question de façon tout à fait lucide de la propension du Luxembourg à modifier certaines règles de son système fiscal, comme celles touchant aux revenus des dividendes. Si le Luxembourg est prêt à faire ces efforts, il faut bien entendu laisser la porte ouverte.»
Un ton adouci
Probablement avisé de l’impact de ses propos de chaque côté de la frontière, Laurent Wauquiez rappelle qu’il a par le passé travaillé avec ses homologues luxembourgeois et qu’il connaît bien le pays «qu’il n’a pas besoin de découvrir», en référence à l’invitation du député CSV Serge Wilmes.
Lorsque nous lui indiquons que de nombreuses entreprises françaises et groupes financiers de l’Hexagone sont implantés au Luxembourg, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, justement en charge des affaires européennes, fait amende honorable.
«Je ne veux pas faire de caricatures, le Luxembourg reste un pays que j’apprécie, mais le Luxembourg d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a 40 ans. Sa première activité est la finance et c’est tout à fait respectable et utile pour l’Europe. Je persiste cependant quant à la volonté du Luxembourg à intégrer un noyau dur partageant les mêmes règles sociales et fiscales.»
Mises au point à l’Est
Irritée par les propos du jeune député (39 ans depuis samedi dernier), son ancienne collègue de gouvernement Nadine Morano, tête de liste de l'UMP aux européennes dans l’Est, avait condamné ses propos via son compte twitter.
Même réaction de la part de la député de Moselle et nouvelle maire de Thionville, Anne Grommerch, qui illustre les divergences d’opinions au sein de l’UMP sur l’Europe. L’élue a voulu s’expliquer ouvertement avec le principal intéressé en tant que membre du réseau de réflexion «la droite sociale» animé par… Laurent Wauquiez.
«La réaction d’Anne est normale, elle connaît l’importance du Grand-Duché par sa proximité et il était compréhensible qu’elle me fasse part de son point de vue, nous nous sommes donc expliqués sur le sujet», précise Laurent Wauquiez. Dont acte.
Quo vadis?
Derrière la liberté de penser volontairement affichée au sein de l’UMP se pose la question de la véritable vision du parti, rallié au PPE à l’échelon européen pour cette campagne européenne, d’autant plus que sa figure de proue n’est autre que Jean-Claude Juncker…
Entre le repli sur soi prôné par des formations anti-Union et la refondation proposée par certains, dont M. Wauquiez, la finalité du débat pourrait s’orienter vers un statu quo au sortir des urnes, en fonction de la répartition des rôles des uns (à la tête de la Commission) et des autres (à la présidence du Parlement).
Les points de vue divergents sur l’Europe ont pour le moins le mérite de faire exister le débat, pourvu qu’ils ne charrient pas – comme trop souvent – des arguments ad hominem laissant entendre que l’UE est la cause de tous les maux nationaux.