Laurent Seve, marketing manager, Broadcasting Center Europe (Photo : David Laurent/Wide)

Laurent Seve, marketing manager, Broadcasting Center Europe (Photo : David Laurent/Wide)

Monsieur Seve, comment fonctionne le marketing pour Broadcasting Center Europe (BCE) ?

« BCE est une entreprise qui en fait est organisée en cinq entités différentes. Chacune fonctionne de manière autonome, jusqu’à un certain point. J’ai l’habitude de dire que je travaille en fait pour cinq entreprises différentes. À chacune son approche, son marché, ses objectifs.

Quelles sont ces activités ?

« Il y a tout d’abord l’activité de diffusion. Nous nous occupons de ce qu’on appelle le broadcast de différentes chaînes de télévision en Europe depuis le Luxembourg. Nous diffusons RTL, RTL2 et Chamber TV au Grand-Duché, et nous avons d’autres chaînes du groupe en Belgique, aux Pays-Bas ou en France. Nous ne nous limitons pas à des chaînes faisant partie du groupe.

Du point de vue marketing, nous avons affaire à des clients matures et très importants sur le plan économique. La fidélité sur ce secteur est un facteur particulièrement important. Nous ne faisons pas de marketing opérationnel mais nous travaillons beaucoup la relation client. Cela veut dire rester informé des besoins des clients existants, mais également des nouveautés technologiques qui pourraient les intéresser. Les moyens sont tout simplement des réunions régulières, en jouant la transparence maximale sur la nature des services que nous leur proposons.

Cette activité a également développé des logiciels spécialisés dans la gestion de la diffusion. Sur ce point particulier, par contre, nous sommes beaucoup plus agressifs : nous faisons des mailings et des démonstrations, pour assumer notre rôle de leader du marché. Ces logiciels permettent aux entreprises de rentabiliser au maximum la gestion de leur grille de programmes et les droits d’auteur. Notre produit permet d’organiser et d’optimiser la diffusion de programmes achetés sur différentes chaînes d’un groupe. Par exemple, une série achetée pour M6 pourra être diffusée ensuite sur W9, Teva, et terminer sur GameOne. Mon travail est de générer un maximum de leads, via des contacts directs ou des salons technologiques.

Et pour les autres activités, le marketing est-il différent ?

« Via l’activité d’ingénierie, nous installons les plates-formes nécessaires à la diffusion, comme les régies, les systèmes d’archives numériques ou les infrastructures pour la vidéo à la demande. Nous pouvons fournir des chaînes de télévision clé en main, en allant jusqu’à la gestion de leur site Internet. Le marketing pour cette activité est totalement différent. Il y a des appels d’offres européens pour l’évolution des infrastructures de certaines chaînes. Par exemple, d’ici le milieu de l’année, nous aurons entièrement reconstruit l’équipement d’Arte, en HD et sans cassette.

On ne peut cependant pas vivre que sur ces appels d’offres. Nous visons ainsi les pays de l’Est, qui veulent adapter leurs moyens de production. Nous avons par exemple travaillé pour Nova TV en Bulgarie. Les pays du Golfe sont également un marché très intéressant. Ils ont beaucoup d’idées, et veulent leur place sur le marché mondial. Du point de vue marketing, ce qui est intéressant là-bas, c’est que c’est un marché qui aime beaucoup lire… Nous collaborons donc avec la presse spécialisée, en leur fournissant des avis d’experts, des articles sur les technologies et leurs enjeux. Nous reproduisons cette stratégie ailleurs en Europe.

Il y a ensuite les activités de production et de postproduction. La production, ce sont les créatifs. Ils filment et créent des contenus de tout type. La postproduction, elle, s’occupe de l’édition et de la distribution des contenus. Nous pouvons par exemple faire renaître des films anciens, dont les bobines étaient abîmées, comme nous pouvons travailler pour des grands studios américains, comme 20 Century Fox, pour convertir leurs films au format européen. La production travaille essentiellement au Luxembourg. Nous travaillons alors sur des créations publicitaires ou la diffusion de grands événements, avec des acteurs comme RTL, Lalux ou bien encore la Ville de Luxembourg. La promotion de cette activité se fait par le relationnel. La postproduction travaille beaucoup avec l’étranger. Nous faisons de la prospection directe, et avons choisi de positionner certains produits de manière originale. Par exemple, nous offrons gratuitement un service que nous appelons Movie2Me. Lorsqu’auparavant nous devions travailler sur un film venant des États-Unis, il devait nous être envoyé physiquement par transporteur. Vous imaginez les risques et les coûts associés ! Avec notre système, il suffit à notre client de créer un fichier numérique que nous allons récupérer par un protocole adapté et sécurisé, pour le rapatrier sur nos serveurs. Un film d’une heure et demie peut ainsi arriver au Luxembourg en 20 minutes. Pour promouvoir cette activité, il faut pratiquer un networking très important. C’est un monde très technologique, et la relation personnelle y est importante. Un flyer envoyé par courrier ne donne pas de résultats. Le même, donné en main propre, apporte beaucoup plus, et multiplie les chances de revoir son interlocuteur. Le face-à-face est essentiel.

Cela fait donc trois activités… Et les dernières ?

«La quatrième activité, nous l’appelons STNS, pour System, Telecom, Network, Solution. Nous sommes en fait un opérateur télécom, avec un centre de données, dans lequel nous proposons de la colocation d’espace. Nous y avons une véritable expertise IT, et nos clients ne sont pas que des médias : outre des portails Internet pour des chaînes telles que Euronews ou TV5 Monde, nous avons également des banques, des assurances. Nous ne sommes pas PSF, mais ces établissements ont bien compris que nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir une rupture, à aucun moment, dans nos prestations. En s’hébergeant chez nous, ils s’assurent d’une certaine manière contre la perte de données. Auparavant, la promotion de cette activité se faisait par marketing direct. Depuis quelque temps, nous privilégions les salons professionnels. Nous avons un stand, sur lequel nous pouvons démontrer notre savoir-faire et développer notre chiffre d’affaires. Après quelques réticences initiales, les résultats étant là, nous avons laissé tomber le mailing. Et les clients sont prospectés au-delà du Luxembourg et au-delà du groupe.

Comment préparez-vous vos présences sur les salons ?

« Pour moi, c’est comme match de rugby. Il s’agit d’aller chercher le passant dans l’allée, de l’arrêter et de le faire entrer sur notre stand. Je ne comprends pas pourquoi, quand je suis visiteur, je peux passer devant plusieurs stands sans que personne ne m’adresse la parole. Certains considèrent leur espace comme un territoire marqué par une frontière invisible. Je conçois fort bien que les équipes trouvent qu’un salon avec moi, c’est quelque chose de très fatigant. Je leur dis toujours que je ne veux jamais les voir sur le stand. Je veux les voir à côté, autour, chez la concurrence, mais pas sur une chaise à attendre que quelqu’un vienne. De manière générale, je pense que, plutôt que d’affirmer que nos services sont les meilleurs, il est plus efficace d’expliquer ce que l’on fait pour les autres. Il faut faire des études de cas, de la relation presse, des interviews. Il faut aussi être présent dans des tables rondes et expliquer les choses de manière pédagogique. Notre meilleure publicité est un client qui explique comment notre expertise l’a aidé à fonctionner.

Il reste une ligne de service historique ?

« La dernière activité, c’est celle de la transmission, pour la télévision et la radiodiffusion. C’est en fait le plus vieux département de l’entreprise, il existait déjà avant la télévision. Ce département s’occupe d’entretenir les différents canaux de transmission, pour le Luxembourg, et propose des services de consultance pour d’autres pays. Le développement de la TNT, par exemple, a été pour nous une opportunité intéressante. Nous avons moins de clients dans ce domaine que dans d’autres, mais chacun apporte énormément d’activité. Il s’agit de s’assurer que le client restera avec nous une fois son contrat arrivé à terme. Cela passe nécessairement par un contact sans cesse renouvelé, un travail de fidélisation à la fois tranquille et efficace.

Combien êtes-vous pour couvrir toutes ces activités ?

Nous ne sommes que deux. Je pense qu'il faut être particulièrement polyvalent aujourd'hui lorsque l'on veut faire du commercial et du marketing. Plutôt que de devoir expliquer à une agence ce que je veux voir sur mon site Internet, je préfère m'en occuper moi-même. De plus, si les actions et les activités sont très variées, il y a une logique commune. Tout est organisé en fonction des besoins du client, pas en fonction de notre structure interne. Les services proposés par un département peuvent être mis en avant à côté des services d’un autre département, s'il s'adresse au même client.

Quelle stratégie privilégiez-vous ?

« Je crois qu’il faut simplement démontrer que nous sommes compétents, et utiliser nos réalisations pour démontrer la qualité de notre service. C’est pour cela que le networking est particulièrement important. Tout le monde ne sait pas le faire. Je joue régulièrement le rabatteur dans des soirées. Je réussis à entamer la conversation avec une personne, à identifier ses besoins, avant de passer la main aux spécialistes avec lesquels je suis sur place. En effet, si je ne suis pas capable de tenir une conversation technique pendant 30 minutes, je suis plutôt efficace pour servir d’intermédiaire et présenter les bonnes personnes de notre équipe.

Certains ont peur de faire du networking, car ils ne se sentent pas à leur place. Il faut partir du point de vue que son interlocuteur ressent exactement la même chose, et qu’il est peut-être tout simplement soulagé de trouver quelqu’un avec qui discuter. »

BCE n’est pas forcément réputée pour être le prestataire le moins cher…

De fait, nous ne le sommes pas. Notre outil de différenciation, c’est notre expertise, liée à l'utilisation de nos services par nos clients. Une autre différence avec nos concurrents, c'est que nous ne vendons que ce que nous utilisons nous-mêmes. Par exemple, pour l'activité d'ingénierie, nous sommes différents d'autres intégrateurs qui ne connaissent pas l'usage réel de ce qu'ils proposent. De la même manière, nous n'avons aucun fournisseur avec lequel nous avons signé un accord d'exclusivité. De fait, nos solutions sont peut-être plus chères, mais nous sommes également capables d'adapter notre offre aux véritables besoins du client.

Notre slogan, c’est : « Votre projet. La technologie. Nos solutions. » Tout est dit. Et si nous participons à la création d'un studio en Égypte, nous ne parlons pas de ce que nous faisons pour le groupe RTL. Nous ne nous sentons pas obligés de lui proposer la même gamme de matériel ou la même prestation. Nous lui proposons la technologie qu'il demande, et qui va remplir au mieux son objectif.

Comment faire pour bien suivre les offres et savoir comment s’adresser au client ?

Nous avons mis en place ce que j’appelle l’observatoire des offres. Il a été mis en place en collaboration avec notre directeur financier, Frédéric Lemaire, auquel je rapporte directement. À chaque offre que nous faisons, nous détaillons l’origine de l’offre, mais également tout ce qui touche aux raisons de son succès ou de son échec. Le client a-t-il visité notre site Internet ? A-t-il été rencontré sur un salon ? Sommes-nous trop chers ? Est-ce un problème de confiance ? Tout cela, fait de manière régulière et rigoureuse, nous permet de revenir vers le client et de mieux répondre. Cela peut permettre également de réussir à anticiper les demandes, en détectant des tendances sur le marché. L’enjeu d’un marketing réussi, c’est d’anticiper ce que le client souhaite. Lorsque l’on va consulter certains appels d’offres dans la presse, ou apprendre que tel groupe souhaite développer ses activités, c’est quelque part déjà trop tard. La courbe de décision est déjà entamée, la piste n’est pas très fraîche. Cet observatoire, qui est également enrichi des différents contacts que nous avons à travers le monde avec des médias ou d’autres partenaires, nous permet de centraliser toutes les informations dont nous avons besoin en un seul endroit.
 

Parcours - Cuisine et expériences

La formation de Laurent Seve, aujour­d’hui âgé de 33 ans, a commencé par… l’école de Paul Bocuse. « J’ai été chef de rang au Buerehiesel, à Strasbourg, sous les ordres d’Antoine Westermann. Après quelques mois, je me suis rendu compte que je ne voulais pas vivre cette vie au quotidien. Elle est très dure, très difficile. » Il se réoriente alors et rejoint l’Institut Commercial de Nancy. Pendant son cycle de formation, il travaille notamment au Mexique, au sein de la société Allied Domecq. « Je m’y suis occupé du e-marketing. C’est un marché fascinant, qui réagit fortement aux actions que l’on peut y mener. Ce que l’on apprend en école de commerce peut y être mis en œuvre, et produire de résultats. » Après différentes expériences, il rejoint BCE il y a quatre ans : « C’est un poste qui me correspond bien, et me permet de valoriser mes différentes expériences. La polyvalence y est essentielle… »