Il aurait pu être footballeur professionnel, statut que peu de joueurs luxembourgeois ont connu dans leur carrière… Une fracture de la jambe, à 18 ans, lors d’un match international face au Portugal, en a sans doute décidé autrement. Un mal pour un bien? Laurent Schonckert en a, en tous les cas, tiré une grande leçon de vie et d’envie… «La déception de ne pas continuer sur ma lancée et devenir pro a été relative, car sans déception, il n’y a pas non plus de satisfaction. Cela m’a en tous les cas fait prendre conscience qu’il y avait autre chose dans la vie».
Dans sa carrière professionnelle, Laurent Schonckert n’a jamais connu d’autre employeur que le groupe de distribution Cactus, au sein duquel il est entré en 1984 et où il a gravi les échelons jusqu’à devenir, en 2002, administrateur directeur. Il y avait, auparavant, effectué son stage de troisième cycle d’études en droit et en économie à l’Université de Nancy. Et si son choix d’entreprise s’est porté sur le leader national de la grande distribution, c’est peut-être aussi parce que Cactus était aussi, en ce temps-là, le sponsor principal de l’équipe de football de l’Union Sportive Luxembourg dont il portait les couleurs.
«C’était l’époque du lancement des produits blancs, sans nom et au sein du service marketing où j’ai effectué mes deux mois de stage, j’ai procédé à des études de marché, interviews et sondage… A la fin de mon stage, le chef du personnel m’a dit que je pouvais toujours le rappeler plus tard si je le souhaitais. Sur le coup, je n’y ai pas prêté attention, mais c’est effectivement ce que j’ai fait un peu plus tard. Et j’ai été embauché».
Placé sous la coupe directe de Paul Leesch (petit-fils du fondateur Joseph Leesch), il évolua de missions en missions, notamment en contact étroit avec les réviseurs externes auprès de qui il apprit tous les rouages de fonctionnement et les multiples facettes du groupe. Son ascension au sommet de la hiérarchie s’est donc faite le plus naturellement du monde.
«J’ai toujours été animé de la volonté de progresser et de cet esprit de combattant que j’avais en tant que sportif. Cela m’a toujours beaucoup aidé, notamment à reculer mes limites au-delà de ce que je croyais possible. En sport, on peut gagner un jour et perdre le lendemain. Dans la vie privée et professionnelle, c’est la même chose. Je sais donc relativiser les revers. Sans avoir été le premier de la classe à l’école, j’ai toujours été ambitieux et je ne m’en suis jamais caché. L’ambition fait partie de moi, de mon caractère, mais elle n’a jamais été démesurée par rapport à mes propres capacités. Quand j’étais enfant, à chaque fois que je jouais aux billes ou aux cartes, je voulais déjà gagner. Je n’aime pas perdre, même si avec le temps, j’ai aussi appris à le faire».
«Les ‘grosses’ sociétés font parfois peur»
A la tête du deuxième employeur privé du pays (avec près de 4.000 salariés), dont le statut confine à celui d’institution nationale, cette ambition pourrait s’étioler avec le temps, mais il n’en est rien. «Mes origines familiales et ma carrière dans le sport m’ont inculqué le respect des valeurs et de chacun, quelle que soit sa classe sociale. Le groupe compte 4.000 employés et j’ai pleinement conscience que toute erreur de gestion met non seulement en danger la société et l’actionnaire, mais aussi plus de 10.000 personnes en comptant les familles de chacun. Il est difficile de se juger soi-même, mais je pense être quelqu’un de très ouvert et n’importe qui veut me voir peut le faire».
Son bureau se trouve d’ailleurs juste en face de l’escalier menant au premier étage du bâtiment administratif du groupe et sa porte est vitrée… Et soucieux de montrer le bon exemple, Laurent Schonckert est toujours à son poste tôt le matin, entre 7h et 8h.
Contrairement à d’autres pays, le poids économique direct et indirect du secteur de la grande distribution n’est pas chiffré au Luxembourg. On l’imagine tout de même très important, même si ce n’est pas forcément l’avis de tout le monde. «Beaucoup de gens, y compris certains politiques, sous-estiment l’apport de Cactus dans le pays, pour le secteur de l’agriculture, par exemple, ou du socio-culturel. Au contraire, sous prétexte que nous sommes un grand groupe, on s’imagine que tout nous est dû. C’est faux et c’est même tout le contraire, car les ‘grosses’ sociétés font parfois peur. Il n’est pas question de réclamer une médaille, mais au moins d’avoir une juste reconnaissance de ce que nous faisons vraiment».
Impliqué dans la Confédération luxembourgeoise du Commerce – dont il est un des vice-présidents – Laurent Schonckert met aussi son savoir-faire et ses relations au service d’Unicef Luxembourg. Après plusieurs années de collaboration «économique», avec des opérations menées en commun, il en a récemment rejoint le conseil d’administration. «Il y a un temps pour tout et aujourd’hui, je découvre ce monde dans les coulisses et je tire mon chapeau à tous ceux qui œuvrent dans ce métier-là».