Laurent Schonckert (Cactus) (Photo: David Laurent/Wide)

Laurent Schonckert (Cactus) (Photo: David Laurent/Wide)

A la tête, depuis 2002, du groupe Cactus, profondément ancré dans le paysage luxembourgeois et fort de quelque 4.000 employés, Laurent Schonckert n’est pas du genre à pratiquer la langue de bois. Ses avis sont toujours tranchés, ce qui rend le personnage attachant ou agaçant, c’est selon. Cela l’expose, parfois aussi, à des critiques qu’il juge injustifiées. «Ma vision du capitalisme est de vouloir créer une plus-value pour ensuite pouvoir investir et donc créer des emplois. On peut ne pas être d’accord avec ce système, mais ce n’est pas moi qui peut le changer.»

Investir, Cactus le fait et n’a pas freiné ses projets en dépit du ralentissement économique global. Entre l’agrandissement du supermarché de Mersch, l’ouverture de deux autres à Windhof et à Redange et l’extension massive de la Belle Etoile, ce sont pas moins de 250 millions d’euros d’investissement qui sont programmés sur quatre années, avec des perspectives de plusieurs centaines d’embauches. «Nous restons proactifs et confiants, même si nous n’avons évidemment pas de boule de cristal», assure M. Schonckert. Pas question non plus, donc, de revenir sur la tradition annuelle du cadeau de fin d’année à chacun des salariés du groupe. «Il aurait été facile de couper dans ces coûts-là, mais nous ne l’avons pas fait. Nous demandons simplement à chacun d’être un peu plus conscients et responsables. Et même, nous n’avons pas réduit ou limité nos budgets publicitaires. Nous avons agi en personnes averties et responsables par rapport à cette situation de crise.»

Un état d’esprit «positif» qui ne cache pas, néanmoins, une certaine amertume au vu de la façon dont se sont déroulées les choses ces dernières années. «Je suis un capitaliste, au bon sens du terme, et certains l’ont été dans le mauvais sens. Il y a une certaine déception par rapport au comportement de certains en qui j’avais une grande confiance, comme beaucoup d’autres citoyens d’ailleurs. Il y a eu beaucoup de choses dites, mais les actions qui ont suivi n’ont pas été en rapport, comme si les leçons de la crise n’avaient pas été retenues. Je vise en particulier certains financiers, politiciens et analystes. Quand j’écoute ce qu’ils disent, je me demande comment ils peuvent encore se prendre au sérieux. L’économie n’est pas une science exacte. Certains modèles étaient plus ou moins à la mode selon les époques. Aujourd’hui, on observe un amalgame de tout. Les économistes devraient être plus humbles.»

«Manque de flexibilité intellectuelle»

A l’échelle du Luxembourg aussi, la déception de Laurent Schonckert s’est montrée très vive. L’absence de consensus entre gouvernement, syndicats et patrons a du mal à passer pour le vice-président de la Confédération Luxembourgeoise du Commerce. Mais pas question de remettre de l’huile sur le feu pour autant. «Je trouve juste qu’il y a un manque de flexibilité intellectuelle de la part de certains qui voient les choses sous un certain angle, alors que la réalité est moins heureuse.»

Les discussions autour des horaires d’ouverture des magasins et la décision prise de les prolonger jusqu’à 20 heures le samedi ont également occupé une partie de son temps, et le «poids» qu’il représente en tant que numéro deux de la CLC a certainement pesé dans la balance. «Ma légitimité a sans doute aidé dans ce dossier, peut-être aussi parce que je suis le plus visible. Mais je ne doute pas que les autres grandes enseignes avaient la même position que moi. Seul, on ne peut de toute façon rien faire dans ce genre de dossiers.»

C’est aussi dans la prise de décision en commun que Laurent Schonckert avance chez Cactus, en étroite relation avec la famille Leesch, propriétaire de l’enseigne. «Il y a une grande complémentarité entre nous et une grande confiance. Nous nous voyons régulièrement pour faire le point et si nous sommes d’accord sur une décision, alors j’ai une très grande souplesse, mais pas infinie non plus, pour la mettre en œuvre. Parfois certaines idées diffèrent. La carte Cactus, par exemple, cela faisait dix ans que je l’avais dans le tiroir. Je l’ouvrais régulièrement, puis je le refermais. Mais quand nous avons tous les deux convenu que le système était au point, nous l’avons lancé avec un succès (190.000 adhérents, ndlr.) qui a dépassé nos espérances et qui a permis de sauver l’un ou l’autre pourcent de notre chiffre d’affaires.»