Cette soirée a aussi offert un regard intéressant sur les compromis que l’architecte doit accepter. (Photo : Jessica Theis / archives)

Cette soirée a aussi offert un regard intéressant sur les compromis que l’architecte doit accepter. (Photo : Jessica Theis / archives)

D’un espace de travail à un autre, la tendance générale s’oriente définitivement vers le « durable ». C’est en tout cas ce qu’ont laissé transparaître les 10 architectes invités par le paperJam Business Club pour une soirée « 10X6 » organisée ce mercredi 27 février aux Établissements Namur. Cette notion de « durable » se rapporte – quasiment de facto – aux aspects environnementaux, énergétiques et aux normes qui y sont liées. Mais il est aussi question de durabilité dans la relation qu’entretien l’entreprise avec ces collaborateurs au travers d’un lieu de travail, soit le bâtiment qu’elle occupe. « Les sociétés ont besoin de se différencier, de communiquer sur leurs valeurs au travers du bâtiment, note Tom Beiler du bureau Beiler + François Architectes. L’identification de l’entreprise via le bâtiment est un moyen de fidéliser les collaborateurs. »

Ces bâtiments, les architectes doivent pouvoir les concevoir en prenant en compte un maximum de paramètres, dont l'environnement et la déclivité du terrain. Tatiana Fabeck (Tatiana Fabeck Architecte) a ainsi partagé son approche pour concevoir à Munsbach, sur base d’un briefing sommaire, le futur siège d’un groupe suisse relocalisant ses activités au Luxembourg. D’autres projets concernent des immeubles au centre-ville, comme celui de la rénovation des anciens bâtiments de la Commerzbank, rue Notre-Dame, aujourd’hui occupés par l’État et en particulier par le Guichet. « Il est important de maintenir des bureaux en centre-ville, a souligné Martin Lammar (Decker, Lammar & associés). Il reste des projets similaires à effectuer en maintenant l’architecture externe, tout en adaptant l’intérieur pour le moderniser. »

Dans la peau de l’architecte

Pour repenser l'utilisation d’une bâtisse existante ou imaginer un nouvel espace de travail, les architectes s’appuient sur des techniques éprouvées ainsi que des méthodes personnalisées, comme la « discécation » de Jim Clemes (JCA), auteur du bâtiment qu’occupe désormais LaLux à Leudelange. « Il est important de savoir comment les employés se voient dans le bâtiment et de tenir compte des besoins spécifiques », a rappelé M. Clemes, non sans rappeler, exemples historiques à l’appui, que le bâtiment de travail jouait un rôle important dans la tranmission du savoir-faire et de l’information. François Thiry (Polaris Architects) est, quant à lui, revenu en images sur la rénovation au sein du bâtiment qu’occupe Maison Moderne pour agrandir et adapter l’espace de travail de la maison d’édition de paperJam. « Nous avons réalisé ce projet sans toutefois interrompre les processus de travail, en l’occurrence les échéances de bouclage des différents magazines. »

Cette introspection, avant d’élaborer les esquisses, a aussi occupé le témoignage de Stefano Moreno (Moreno), auteur notamment du futur siège de PwC : « Nous établissons un questionnaire avec les responsables des ressources humaines pour déceler les points de blocage propres à l’entreprise. Nous partons de l’intérieur pour aboutir à des projets qui correspondent aux besoins. »

Au-delà de ces approches, que reste-t-il comme espace de création à l’architecte à l’heure de l’estimation budgétaire ? Marie Lucas (m3 architectes) n’a pas manqué de lancer un véritable appel à plus de latitude dans la « réserve architecturale » dont elle et ses confrères disposent, en particulier concernant la façade de projets dans le secteur commercial. « L’épaisseur de la peau du bâtiment, sa façade, marque son caractère. Il faut garder une réserve architecturale à cet égard, car nous sommes parfois pris en tenaille entre des calculs non compatibles. Nous comptons sur la collaboration du maître d’ouvrage pour donner de l’expression à la façade et qu’elle ne se réduise pas à peau de chagrin. »

L’âme du bâtiment

Inscrit parmi les priorités du ministère du Développement durable et des Infrastructures pour 2013, le site de Belval est aussi synonyme d’activité intense pour les architectes. Arlette Schneiders (Arlette Schneiders Architectes) et Patrick Siebenaler (Bsarc) sont venus le rappeler en présentant respectivement l’aménagement de l’ancien vestiaire des ouvriers hébergeant désormais l’incubateur de startups du Technoport et la construction de la maison de l’innovation pour le CRP Henri Tudor. « Nous avons imaginé un projet flexible tout en tenant compte d’une structure existante bâtie dans les années 60 par des ingénieurs d’usine », se souvient Arlette Schneiders. Une architecture industrielle qui cohabite, au fur et à mesure de l’avancée des chantiers, avec des projets modernes. « Il ne faut pas chercher la confrontation des différentes architectures, mais favoriser leur dialogue en les opposant », a souligné Patrick Siebenaler.

Des réalisations ou des projets en devenir qui ne seraient pas réalisables sans le concours des corps de métier qui se succèdent . Autant de techniciens qui apportent une facette à l’âme du bâtiment. « C’est le processus qui mène au bâtiment qui a de l’importance dans l’architecture a indiqué Michel Petit (Michel Petit Architecte), auteur de la deuxième Ecole européenne à Mamer. Faire une école est une responsabilité importante, car nous devons construire un lieu qui subit la brutalité des usagers, sans construire un bâtiment brute. Il faut donc lui donner à la fois une structure et du rythme pour qu’une musique s’en dégage quand il se construit et quand il est construit. » Une métaphore musicale qui rappelle que l’architecte tente, tel un chef d’orchestre, quotidiennement de concilier différents instruments, tout en évitant les fausses notes qui lui seraient, forcément, attribuées.