Certains dossiers imposent de manière naturelle une collaboration transfrontalière. (Photo: Shutterstock )

Certains dossiers imposent de manière naturelle une collaboration transfrontalière. (Photo: Shutterstock )

Si en 1985 les frontaliers belges étaient de loin les premiers au Luxembourg, cela a bien changé. Désormais, ils sont moins nombreux que les Allemands et les Français.

Mais ces travailleurs continuent à peser très lourd dans l’économie, notamment en province de Luxembourg, où ils sont près de 35.000 à passer tous les jours la frontière. Leur nombre ne cesse d’ailleurs d’augmenter dans tous les arrondissements, et cela de manière assez spectaculaire: +18% dans l’arrondissement d’Arlon entre 2009 et 2017, +28% dans l’arrondissement de Neufchâteau au cours de la même période...

Les frontaliers sont présents dans les 44 communes de la province de Luxembourg. Mais ils sont aussi représentés en province de Liège (8.280), de Namur (1.160), de Hainaut (490) et du Brabant wallon (470). On en dénombre aussi 390 dans la région de Bruxelles-Capitale. Et même 1.640 en Flandre, dont 150 à Anvers, 60 à Gand et 40 à Knokke.

La répartition des frontaliers par commune

Chaque mois, 120 millions d’euros sous forme de salaires sont versés à des travailleurs qui vivent en Région wallonne. Cela souligne assez l’importance d’entretenir de bonnes relations entre la Wallonie et le Luxembourg, et plus certainement encore en ce qui concerne les communes frontalières. 

Afin de faire un état des lieux des liens entre les communes des deux pays, mais aussi de cibler les principales préoccupations, le Cercle européen Pierre Werner a pris l’initiative d’organiser deux réunions entre les responsables communaux de la province de Luxembourg (et des communes liégeoises de Burg-Reuland et de Saint-Vith). En prélude, Franz Clément, docteur en sociologie et chercheur au Liser, a élaboré une enquête destinée à ces mêmes communes. 7 communes directement frontalières sur 10 ont répondu. De même en ce qui concerne 16 communes non directement frontalières avec le Luxembourg, sur 36. Assez pour tirer des conclusions pertinentes et alimenter le débat. Paperjam a pu, en primeur, en prendre connaissance.

La proximité renforce la collaboration

Ce n’est pas une surprise, l’intérêt de relations solides avec le Luxembourg est d’autant plus important que la commune belge en est proche. Ainsi, 7 des communes directement frontalières qui ont répondu au questionnaire ont dans leur collège un échevin dédié aux questions relatives à la coopération transfrontalière. Seul Habay en a fait de même parmi les 16 communes plus éloignées qui ont répondu.

Cela se remarque aussi dans les réponses à un intérêt de la part des citoyens pour une collaboration transfrontalière: 7/7 pour les communes frontalières, 4/16 en ce qui concerne celles qui sont un peu plus éloignées. En tête de liste des sujets qui intéressent les habitants de ces communes: la mobilité, les transports publics par la route et le rail, la gestion de l’eau, le tourisme...

Les communes belges ont-elles eu, au cours de la dernière législature, des contacts avec des communes luxembourgeoises? Là aussi, la proximité impacte les réponses. C’est oui pour 4 des 7 communes frontalières, Aubange soulignant un contact épisodique. Seulement 1/16 pour les autres. C’est à peine mieux dans le cadre de contacts occasionnels: 5/7 d’une part, 2/16 d’autre part.  

Un intérêt pour plus de contacts

En Belgique, de nouveaux exécutifs communaux ont été installés voici quelques mois. Ces nouvelles équipes souhaitent-elles des contacts ou plus de contacts avec les communes luxembourgeoises dans le cadre de dossiers ayant un intérêt commun? Oui pour 6 des 7 communes frontalières et 3 des 16 communes non directement mitoyennes de la frontière belgo-luxembourgeoise. Une nouvelle fois, ce sont les dossiers de mobilité, en lien avec les transports, la gestion de l’eau, les liaisons routières, la sécurité et le tourisme qui sont le plus souvent évoqués.

À la question de savoir si les communes belges avaient un ou des dossier(s) commun(s) avec des municipalités luxembourgeoises depuis un certain temps, 7 sur 7 des communes frontalières ont répondu oui, 2 sur 15 quand elles sont un peu plus éloignées.

Enfin, 9 des 23 communes qui ont répondu estiment que des sujets seront à traiter dans le futur avec le voisin luxembourgeois en raison de leur caractère transfrontalier. Et une nouvelle fois, les dossiers de mobilité, de transports, de covoiturage, de parkings P+R, de sécurité sont cités en premier.

Zonings et zones franches

Lors de la première réunion des communes belges qui a eu lieu samedi à Martelange (une autre aura lieu en février pour les communes du nord de la province de Luxembourg), plusieurs problèmes ont pu être mis en lumière de manière plus précise. Jean-Paul Dondelinger, bourgmestre d’Aubange, a ainsi expliqué que sa commune souffre en raison de l’arrivée massive de frontaliers à la gare d’Athus chaque jour. Il souhaite une réunion rapide à ce sujet entre les CFL et la SNCB. Vincent Magnus, bourgmestre d’Arlon, est revenu sur le projet de P+R de Viville, souhaitant que celui-ci soit accompagné de développements technologiques adéquats en matière de signalisation routière, par exemple.

Mais la collaboration doit aussi se faire dans le domaine économique. Le ministre régional René Collin a ainsi pointé le problème du développement des zonings sans concertation, comme c’est le cas à Sterpenich et Grass. Jean-Paul Dondelinger a aussi attiré l’attention sur le risque que les terrains belges, moins chers, deviennent de simples zones de stockage pour des entreprises luxembourgeoises si l’on n’y prend garde.

Son échevine Véronique Biordi a plaidé pour la concrétisation des zones franches aux frontières. Alexandre Petit, de l’intercommunale de développement économique Idelux-Aive, a souligné que cela passera peut-être par un nouveau modèle économique à développer avec le Luxembourg. Des contacts en ce sens sont pris avec le ministère luxembourgeois des Infrastructures et avec la Fedil.

Il ne faut pas seulement penser aux problèmes aigus pour une collaboration transfrontalière, mais bien à tous les domaines pour lesquels cela peut être efficace.

René Collin, ministre wallon 

«Si des projets communs, transfrontaliers, le méritent, il faut les signaler à la Région», a indiqué le ministre René Collin. «Et ne pas voir que les problèmes aigus pour une collaboration transfrontalière, mais bien penser à cela dans tous les domaines où une telle collaboration peut être efficace.»

Après la seconde réunion organisée par le Cercle européen Pierre Werner, l’ambition sera de faire de même avec les communes frontalières, mais du côté luxembourgeois, afin de dégager des possibilités d’actions communes et de sensibiliser les organes de tutelle.

Il est certain que les thématiques transfrontalières vont nécessiter dans les années à venir plus de collaboration, de meilleure qualité, dans un cadre qui devra sans doute être repensé.  C’est un des messages que le ministre Collin fera passer à la ministre Corinne Cahen (DP) lors du Sommet des exécutifs de la Grande Région mercredi.