Les tests ADN ne sont pas réservés qu’à l’élucidation d’enquêtes criminelles. Ils servent également à résoudre des affaires judiciaires concernant la filiation. (Photo: Natali Mis)

Les tests ADN ne sont pas réservés qu’à l’élucidation d’enquêtes criminelles. Ils servent également à résoudre des affaires judiciaires concernant la filiation. (Photo: Natali Mis)

Popularisés par les séries TV policières, les tests ADN ne sont pas réservés à l’élucidation d’enquêtes criminelles. Ils sont aussi largement utilisés dans les affaires judiciaires concernant la filiation.

Les progrès technologiques ont permis aux laboratoires de démocratiser ces tests au point qu’aujourd’hui, il suffit de se déplacer dans un laboratoire ou de commander un kit sur internet qui contient une brosse de prélèvement de salive et une enveloppe-réponse.

Décryptage avec le Dr. sc. Elizabet Petkovski, expert judiciaire en identification génétique criminalistique, responsable du service Identification génétique – département Médecine légale au Laboratoire national de santé.

Docteur Petkovski, quelle est la finalité des tests ADN proposés au grand public?

«Les laboratoires fonctionnant sur internet réalisent deux types de tests ADN: les tests de paternité et les tests de recherche d’origine éthique. Ces derniers sont très en vogue, mais ils ne présentent au final qu’un intérêt limité.

L’analyse de l’échantillon prélevé délivre une probabilité d’appartenance à une population ethnique – par exemple 10% britannique, 10% germanique, 10% slave, etc. – sans permettre toutefois de définir une appartenance précise.

On en apprend bien plus sur ses origines au travers de la transmission de l’histoire familiale que grâce à ces tests génétiques! On en reste au stade de gadget, sans grand bénéfice ni risque.

Le recours aux tests ADN par correspondance pour la recherche en paternité est, en revanche, beaucoup plus problématique. Le résultat peut en effet impacter directement la paix de la famille et le bonheur de l’enfant.

Peut-on se fier aux résultats obtenus lors d’un test ADN à distance?

«Dans le cas d’un test par correspondance, les prélèvements sont effectués à domicile. L’opération en elle-même ne présente pas de difficulté particulière. Si les protocoles et les méthodes employées pour décoder l’ADN et effectuer les comparaisons peuvent être considérés comme fiables, il convient de garder à l’esprit l’impossibilité pour le laboratoire de garantir l’identité des personnes sur lesquelles ont été collectés les échantillons.

Ce point est pourtant essentiel à la véracité des résultats. De même, les laboratoires qui proposent ce type de service ne sont souvent ni reconnus ni vérifiés. C’est pourquoi je ne cautionne pas ce type de tests de paternité sur internet. Mieux vaut s’adresser à l’un des laboratoires officiels reconnus et accrédités.

Ces tests non encadrés posent-ils des questions éthiques?

«Les laboratoires officiels s’engagent à ne pas conserver les données et à ne pas les utiliser à d’autres fins que celles qui sont l’objet du test. Ce n’est pas forcément le cas des laboratoires proposant des tests via internet, installés hors du Luxembourg et échappant à la législation du Grand-Duché.

En outre, les résultats sont envoyés pas la poste et rien n’assure qu’ils ne tombent pas dans d’autres mains que celles de son destinataire.

Enfin, il ne faut pas minimiser l’aspect psychologique lié à la découverte de résultats de tests de paternité et aux conséquences qui pourraient en découler, aussi bien pour l’enfant, qui n’a souvent rien demandé, que pour le reste de la famille.

Les experts officiels plébiscitent un encadrement psychologique professionnel lors de la transmission de ce type de résultats. Avec les tests par correspondance, rien de tel. Outre l’absence de garanties sur la fiabilité du résultat, l’individu est laissé face à lui-même et à la potentielle mauvaise nouvelle.»