Tom Théobald: «Ces notations sont un atout indéniable pour vendre le pays hors des frontières, elles sont un gage de stabilité et de prévisibilité.» (Photo: Shutterstock)

Tom Théobald: «Ces notations sont un atout indéniable pour vendre le pays hors des frontières, elles sont un gage de stabilité et de prévisibilité.» (Photo: Shutterstock)

AAA. Trois lettres sonnant comme un grand éclat de rire que les autorités luxembourgeoises pourraient lancer à la face du monde tant son bulletin de santé est insolent.

Les années passent, les règles du jeu évoluent et les cotations du Luxembourg auprès des agences de notation internationales frisent l’ennui: triple A avec perspective stable. Grand bleu, aucun nuage en vue. On aurait évidemment tort de s’en plaindre. Les pays aptes à revendiquer le AAA ne sont que 11 sur la planète: Allemagne, Australie, Canada, Danemark, Liechtenstein, Norvège, Pays-Bas, Singapour, Suède, Suisse et Luxembourg. Et dans ce club de privilégiés – ou de bons élèves –, le Grand-Duché détient à nouveau la place la plus enviable.

Selon l’agence Moody’s, avec un produit intérieur brut par habitant de 105.000$ en 2017, le Luxembourg a le taux le plus élevé des pays triple A. Il équivaut en plus au double de la moyenne des PIB/habitant de ce groupe d’élite. Fitch Ratings note qu’il présente aussi la dette publique la plus faible des pays triple A et lui prédit une croissance supérieure à la moyenne du groupe: 3% à moyen terme contre 2,1% pour l’ensemble des États cotés AAA.

Bien sûr, dans ce portrait particulièrement rassurant, les grandes agences pointent des risques à moyen ou long terme. Mais dans la plupart des cas, ils sont liés à l’environnement international et aux répercussions qu’une dégradation ou une crise externe pourraient provoquer sur l’économie luxembourgeoise.

Un précieux étendard

Mais en attendant, les organismes chargés de la promotion internationale du pays portent bien haut ce bulletin de premier de la classe décerné uniformément et sans concertation par les agences qui font référence dans les milieux internationaux. «Ces notations sont un atout indéniable pour vendre le pays hors des frontières, elles sont un gage de stabilité et de prévisibilité», note Tom Théobald, CEO adjoint de Luxembourg for Finance, l’agence chargée de la promotion de la finance luxembourgeoise à l’étranger.

Dans des périodes d’incertitude, les entreprises cherchent de la stabilité. Or, l’écosystème de la Place luxembourgeoise peut la leur offrir.

Tom Théobald, CEO adjoint de Luxembourg for Finance

«Les entreprises qui cherchent à investir ont besoin de cette stabilité politique, fiscale et financière. Ce sont des arguments qui rassurent.» Il pointe aussi que, dans le contexte du Brexit, ce triple A a joué en faveur du Luxembourg lorsque des acteurs financiers basés à Londres ont fait le choix de créer ou déplacer des structures au sein de la future Union à 27. «Dans des périodes d’incertitude, les entreprises cherchent de la stabilité. Or, l’écosystème de la Place luxembourgeoise peut la leur offrir», observe Tom Théobald.

Unanimes sur la note du pays, les agences diffèrent toutefois sur leurs impressions détaillées de la situation du Luxembourg. S&P Global s’attend à une croissance de 3,3% par an entre 2018 et 2021 alors que l’agence canadienne DBRS l’estime à 3,9% pour 2018. Partant de l’évidence du poids de la place financière dans l’économie luxembourgeoise, les unes pointent les dangers d’un manque de diversification de l’économie alors que d’autres parlent, elles, d’un «haut niveau de diversification au sein même du secteur financier».

Des risques existent

Si de véritables risques existent, ils doivent davantage être vus au niveau de la volatilité des marchés financiers internationaux et des répercussions possibles, notamment sur l’industrie des fonds d’investissement. Les agences constatent aussi la grande ouverture économique du Luxembourg et, donc, sa dépendance aux autres pays.

De là, la crainte des conséquences d’un choc externe comme pourrait l’être le Brexit – même si actuellement il est plutôt vu positivement –, la remise en question des grands accords commerciaux ou la tendance au protectionnisme.

L’autre grand facteur de risque est lié à la population, sa tendance à grisonner et à se diversifier avec une frange de plus en plus large de résidents venus directement de l’étranger. Cet accroissement de population crée des inquiétudes en matière de logements. 

Quant à l’âge moyen croissant de la population, constaté aussi par ces gendarmes économiques, il ne devrait pas remettre en question la stabilité du système des retraites au cours des deux prochaines décennies. Fitch note toutefois un défi au niveau de la soutenabilité du système de
sécurité sociale, surtout pour l’après-2040. À politiques inchangées, les coûts liés à l’âge représenteront 9% du PIB entre 2040 et 2070, contre 3,6% entre 2020 et 2040. Mais jusqu’ici, tout va bien.