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Ce salon, organisé par la société Ptolémée (www.prole-mee.com), en est à sa troisième édition et ne cesse de voir le nombre d'exposants et de visiteurs croître chaque année. Signe d'un début de maturité, aux start-up de la première heure ont succédé des grands acteurs de l'industrie informatique, se lançant eux aussi dans la bataille, comme EMC, Microsoft, Compaq, GlobeCast, Oracle ou Sun. Mais cette maturité ne s'est pas faite sans heurts: les faillites de sociétés éditrices de télévisions sur Internet (des start-up pour la plupart) se sont succédées ces derniers mois, aux Etats-Unis comme de ce côté-ci de l'Atlantique. Après FastTV, qui a ouvert le feu des dépôts de bilan en juillet 2000, Pseudo.com a suivi deux mois plus tard, puis Nouvo en avril dernier. Que s'est-il passé? Pas grand chose, justement, pourrait-on répondre. Car depuis 1999, date de la première édition, si le salon a pris ses aises à la Porte de Versailles et que le nombre de prestataires a été multiplié, la télévision sur Internet semble toujours chercher ses marques et son public. L'année zéro de la vidéo sur Internet, ce ne sera pas encore pour cette année. La faute à qui? Les débits répondent les uns, l'absence de modèle économique répliquent les autres.

Les débits d'abord. Bien sûr, on nous annonce que le logiciel MediaPlayer de Microsoft offre une qualité quasi égale à celle de notre bonne vieille TV? à condition de faire partie des happy fews qui ont un accès à Internet rapide? ce qui représenterait 200 000 personnes en France et un peu plus de 4 millions de foyers dans le monde. Même si les cabinets d'études rivalisent de prévisions encourageantes, la généralisation du haut débit ce n'est pas pour demain.

Il suffit d'aller faire un tour sur le réseau pour s'en rendre compte: si de plus en plus de sites proposent de la vidéo streamée, il faut bien admettre que la qualité laisse à désirer, avec des images de quelques centimètres carrés renouvelées au mieux une dizaine de fois par seconde. Il y a de quoi décourager les internautes? Pourtant, un récent phénomène tend à montrer que le contenu prime parfois sur la qualité, ce qui remet en question les grandes théories des acteurs du secteur concernant la largeur réduite des tuyaux. L'engouement pour l'émission Loft Story de M6 est sans appel: un million de visiteurs se seraient rendus chaque jour en mai sur le site de la chaîne pour regarder les lofteurs s'ébattre dans la piscine. Ils ont passé outre les lenteurs du réseau et l'encombrement des serveurs (qui devaient assurer 20 000 flux vidéo live, soit quatre fois plus que le site de TF1.fr?) pour regarder une imagette de très mauvaise résolution. Des utilitaires ont même fleuri pour permettre aux patrons soucieux de la rentabilité de leur entreprise de censurer l'accès au site de M6? Preuve que c'est le programme qui crée l'intérêt.

Le business model à présent. On pourrait comparer l'engouement des Web TV à celui des radios libres, qui ont fleuri par centaines au début des années 80 avant de s'éteindre. Il y a encore deux ans, les gourous de la TV sur Internet promettaient un bel avenir à une TV hyper personnalisée, où chacun pourrait choisir son programme en fonction de ses intérêts personnels (sur le même principe que le foisonnement de magazines spécialisés qui est proposé dans les maisons de la presse). Ainsi, CanalWeb, l'un des pionniers du secteur, propose depuis sa création des programmes dédiés aux joueurs d'échec (ici, 10 images par seconde suffisent largement?), aux aquariophiles, etc.

Ces chaînes TV sont accessibles gratuitement et devraient être financées par la publicité. Mais les annonceurs ne suivent pas, faute d'un nombre suffisant de spectateurs. Et même lorsque les spectateurs sont au rendez-vous, comme dans le cas de LoftStory, les annonceurs n'y sont pas. Ainsi, alors que les prix des spots publicitaires télévisés sont rapidement passés de 50 000 FF à 230 000 FF pour un 30 secondes, le fait que le site du loft soit l'un des sites les plus visités de France n'a pas pour autant fait augmenter le coût du CPM (coût pour mille publicités affichées). Le problème: celui de l'image, car le parrainage associe clairement la marque et le contenu de l'émission. Pourtant, les rares annonceurs sont plus que satisfaits: le site Priceminister.com (achat et vente d'occasion) a ainsi vu son trafic multiplié par deux à la suite des bandeaux diffusés sur le site. Il faut ajouter à cela que les Web TV ont un avantage indéniable pour les annonceurs par rapport aux sites Web classiques: la durée de la visite de l'internaute (entre 12 à 30 minutes).

Il semble bien que le n'ud du problème réside dans le modèle économique. Il est difficile d'appliquer le même business model aux Web TV qu'aux chaînes TV classiques, car le coût pour le site sera proportionnel au nombre de flux vidéo à assurer en live (c'est-à-dire à la bande passante et aux serveurs à dédier à la diffusion). Difficile dans ce cas-là de proposer une diffusion gratuite, surtout quand on a déjà investi beaucoup dans la création de contenus (e-TF1 aurait ainsi dépensé en 2000 150 millions de francs français? pour 20 millions de recettes?).

Il manque un modèle économique capable de faire remonter une partie des revenus de l'accès jusqu'aux éditeurs de contenus. Même si des alliances avec les opérateurs de télécommunications sont enfin envisagées, à l'instar de Clicvision, qui met en place une solution avec France Télécom afin de surtaxer la minute de communication pour certains programmes, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour aboutir à ce modèle, très inspiré de celui du kiosque Minitel.

C'est pour cela qu'aujourd'hui, les éditeurs de WebTV qui sont encore sur le marché revoient leur business model.

Deux modèles économiques sont en train de sortir du lot:

Le modèle de l'abonnement payant pour les contenus «fédérateurs», à l'image de la chaîne SexyTV de CanalWeb, avec ses programmes «Gay per view», «Sans dessus dessous», «Lahaie show». Tout un programme?

Il faut dire que la concurrence est rude pour les chaînes indépendantes, confrontées à des concurrents qui peuvent se reposer sur des groupes ayant les reins solides et les moyens d'investir à perte en attendant des jours meilleurs, à l'instar des rubriques TV des sites portails (Yahoo Broadcast),  ou des WebTV des grandes chaînes hertziennes ou diffusant sur le câble ou le satellite (TF1, M6, RTL,?). Ainsi, le site de TF1 enregistre près de 5 millions de pages vues par mois et est en tête des sites de contenu consultés par les Français? mais à y regarder de plus près, ce ne sont pas les émissions retransmises qui font les plus forts taux d'audience, mais bien plutôt les jeux et autres horoscopes. Autrement dit, la Web TV grand public n'a pas encore trouvé la clé d'un modèle économique viable.

Le modèle qui s'appuie sur le marché des entreprises, qui, mieux équipées en connexions hauts débits, sont convoitées par bien des acteurs (y compris des acteurs comme CanalWeb, qui après s'être essayé au modèle B-to-C a monté une offre «corporate», au travers d'une filiale dédiée au marché des entreprises).

Car pour les entreprises, le marché existe déjà. Les prestataires, qu'ils soient issus de la production traditionnelle tels que Perfect Technologies ou qu'ils soient des start-ups tels que Streampower ou Pointe Noire, proposent aux sociétés de prendre en charge la chaîne complète allant de l'acquisition à la diffusion de la vidéo en passant par l'ajout d'interactivité et le stockage des volumineux fichiers.

Les applications les plus souvent rencontrées sont la diffusion des assemblées générales, les conférences de presse, ou encore la présentation de produits et la formation des employés. Ces contenus peuvent être dédiés à un public restreint (actionnaires, employés,?) au travers de l'Intranet de l'entreprise, ou être en accès libre, disponible à l'ensemble des publics (presse,?). Les nombreuses entreprises qui mènent depuis plusieurs mois une telle stratégie de communication sont la preuve que la vidéo sur Internet fait désormais partie intégrante de la communication interne.

Le marché, bien qu'occupé par de nombreux prestataires proposant des services très similaires, semble plutôt florissant, les entreprises prestataires ayant atteint l'équilibre ou étant en passe de le faire.

Quelles étaient sur ce terrain de la télévision B-to-B les nouveautés présentées lors du salon Narrowcast?

Le salon a confirmé l'engouement des entreprises pour ce nouveau moyen de communication, qu'elles utilisent aussi bien à destination de leurs employés que de leurs actionnaires. Selon la société d'études Arbitron, les trois quarts du marché du webcast (autre nom du vidéo streaming par Internet) européen sont professionnels.

La technique les accompagne pour rendre la vidéo toujours plus interactive et attractive. Ainsi Kinomai a développé une solution d'encodage et d'indexation de contenus vidéo segmentés. Grâce à l'exploitation de l'intelligence artificielle, la solution de Kinomai permet de reconnaître des objets, des actions et de les interpréter par une analyse sémantique en temps réel. Autrement dit, elle transforme la vidéo en texte, et permet aux utilisateurs de chercher des séquences précises dans des bases de vidéos. Kinomai s'adresse aux fonds d'archivage et aux prestataires spécialisés, par exemple dans l'e-learning.

Hypnotizer, qui présentait sa suite comprenant un éditeur, un serveur et un player, propose d'ajouter à la vidéo des menus déroulants, des incrustations de texte, des liens dynamiques pour ouvrir des fenêtres (ce qu'on appelle du «rich media»). L'objectif: apporter une véritable valeur aux contenus diffusés en streaming? et permettre de faire remonter des informations sur le comportement de l'internaute. Ainsi, l'application permet de suivre le pointeur de la souris pour déterminer les zones les plus sollicitées et les actions les plus utilisées, ou encore de déduire le nombre de vidéos vues par l'internaute et le temps passé. Si le profil de l'internaute est connu, des publicités personnalisées peuvent venir en transparence sur la vidéo (deux spectateurs pourront voir la même vidéo, mais pas la même publicité).

Si cette possibilité d'interagir avec ce qu'il voit à l'écran n'a pas forcément séduit l'internaute lambda, elle pourrait bien représenter un atout majeur pour les applications B-to-B, comme l'e-learning, auquel tous les acteurs s'accordent à promettre un brillant avenir.

On a ainsi l'exemple d'une formation sur la bonne utilisation des verres et des vins associés, destinée aux employés d'une chaîne d'hôtels (voir image).

Intégrer de la vidéo dans son site ou dans son Intranet devient de plus en plus simple, avec des solutions comme celle du TVNavig de Westcast Systems, qui propose aux entreprises la gestion et la diffusion de leurs vidéos en mode ASP (location d'applications en ligne), sur Internet ou Intranet.

L'objectif étant de fournir une solution de TV d'entreprise simplissime à mettre en place et avec des coûts d'acquisition et de maintenance fortement réduits. Westcast Systems présentait une offre couplée à celle de la société Elseware, spécialisée en datamining, qui permet de déduire le profil de l'internaute à partir des vidéos regardées et de lui proposer des contenus correspondant à son profil, qui est enrichi à chaque visite (principe du filtrage collaboratif).

Egalement présentes à Narrowcast: les solutions pour augmenter le débit, par des systèmes de caching et d'acheminement de contenus (CDN ou content delivery network). La société Activia Networks présentait sa solution CDN, qui exploite le multicast et permet de l'émuler sur des routeurs dépourvus de cette fonction (par la diffusion d'un seul flux à plusieurs utilisateurs), ou encore optimise le routage des flux vidéo suivant le mode de diffusion avec un contrôle de qualité (correction d'erreur).

La télévision sur Internet, après deux ans de tâtonnements, semble donc s'installer de plus en plus sur le marché des entreprises. Reste encore à ces dernières à mettre en place les applications qui exploiteront au mieux le potentiel de la vidéo et apporteront un plus indéniable à leur offre. La technique est là, reste à avoir les (bonnes) idées? «