Claude Bizjak: «Il faut prendre conscience que les avancées technologiques n'attendent pas le régulateur.» (Photo: Julien Becker)

Claude Bizjak: «Il faut prendre conscience que les avancées technologiques n'attendent pas le régulateur.» (Photo: Julien Becker)

S elon l’article 16, paragraphe 6 de la directive cadre européenne, chaque pays membre doit pouvoir garantir un marché des télécoms suffisamment concurrentiel en termes de choix, de prix et d’innovation. L’avis motivé émis par la commission européenne en date du 13 novembre 2013 a témoigné du retard accumulé par le Luxembourg dans ce contexte.

Début 2014, l’ILR (Institut luxembourgeois de régulation) n’a clôturé que trois des sept analyses des marchés définies en 2007. Ainsi, des technologies commercialisées depuis des années ne sont soumises à aucune régulation au Luxembourg. «Il faut prendre conscience que les avancées technologiques n’attendent pas le régulateur!», précise Claude Bizjak, secrétaire général de l’Opal, la fédération des opérateurs alternatifs. L’analyse de marché sur le dégroupage de la fibre optique est de celles qui manquent. «Cette étape est nécessaire avant toute régulation qui doit permettre de définir l’établissement des offres de revente ou d’accès au réseau de l’opérateur dominant.»

Si une offre commerciale existe depuis deux ans, aucun opérateur n’y recourt, et ceci pour des raisons évidentes, estime Claude Bizjak, «de prix prohibitifs et de non-transparence quant au déploiement du réseau». Aussi une concurrence saine ne peut s’installer, au grand dam des opérateurs alternatifs comme des consommateurs.

Le Luxembourg en est là concernant le haut débit. Pourtant, le gouvernement précédent avait lancé une stratégie nationale pour les réseaux à ultra haut débit. Volonté de redynamiser le marché ou velléité sans conviction? L’État, actionnaire unique de l’opérateur historique (EPT, sous bannière Post Luxembourg aujourd’hui) poursuit son œuvre d’investissement. Unilatéralement? «Un opérateur aussi présent et dominant fait peur aux investisseurs privés», prévient Claude Bizjak. L’ILR constate dans son rapport annuel que 90% des investissements dans les réseaux fixes sont effectués par Post. À l’inverse, dans la téléphonie mobile, ce sont les opérateurs alternatifs qui réalisent 80% des investissements. Pour Claude Bizjak, l’explication est évidente: «Les réseaux mobiles sont indépendants. Chaque opérateur définit librement sa stratégie technologique et commerciale. Ce n’est pas le cas pour la téléphonie fixe ou encore l’accès large bande, pour lesquels les opérateurs sont largement dépendants des conditions d’accès au réseau national.»

Pour l’investissement privé

Pourtant, les opérateurs alternatifs voient dans le Luxembourg un marché à développer, et la présence de quelques grands noms européens, voire internationaux, le prouve. Néanmoins, la situation sur le marché d’accès, voire une certaine forme de protectionnisme, semble freiner les investissements potentiels des acteurs privés. «Aussi devrions-nous nous inspirer davantage des modèles d’accès étrangers et mieux intégrer le know-how des grands groupes présents au Luxembourg», suggère Claude Bizjak.

Dans une démarche générale de réduction des budgets publics, ce dernier estime qu’il serait avantageux à plus d’un titre de favoriser les investissements privés afin notamment de réduire les mises publiques indirectes et de permettre le déploiement de la stratégie gouvernementale.

«Par ailleurs, il ne faut pas oublier les câblo-opérateurs. Ces derniers ont largement contribué à l’augmentation des bandes passantes. Il est dommage de ne pas les intégrer davantage dans la stratégie», précise le secrétaire général de l’Opal.

Pour l’avenir, la commission européenne semble privilégier la mise en place d’un marché unique des télécommunications. Aussi, d’aucuns prédisent, à terme, la disparition des petits opérateurs au profit des grands acteurs européens. «Dans ce contexte,il serait judicieux que le gouvernement revoie le rôle de l’opérateur historique qui, pour l’heure, détient la majorité des infrastructures au Luxembourg et reste la première force commerciale du secteur. Et, même si le gouvernement a pris quelques précautions, il n’est pas totalement inconcevable que cet opérateur soit repris un jour par un acteur international», conclut-il.