La vente de la BIL (symboliquement) sous les scellés de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne.  (Photo : Commission Européenne)

La vente de la BIL (symboliquement) sous les scellés de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne.  (Photo : Commission Européenne)

Au ministère des Finances, on multiplie les appels au calme. À en croire ses représentants, « l’enquête approfondie » menée par la Commission européenne dans le cadre de la vente, par le groupe Dexia, de sa filiale Banque internationale à Luxembourg (BIL), est une procédure de routine.
Même son de cloche route d’Esch, au siège de la banque dont 90 % des parts devraient revenir, selon les termes de l’accord trouvé en octobre 2011, au fonds d’origine qatarie, Precision Capital, et 10 % à l’État luxembourgeois : « Nous prenons note de la communication de la Commission européenne concernant l'ouverture d'une procédure formelle d’examen sur la cession de la BIL. Il s'agit d'une étape du processus d'analyse de la Commission dans le cadre de la réglementation européenne en matière d'aides d'État. Cette procédure fait partie du processus normal de cession de la BIL qui suit actuellement son cours », indique la direction.

Éviter la fuite des dépôts

On cherche en fait à éviter toute fuite des dépôts éventuellement provoquée par la diffusion d’un mauvais message ; celui laissant croire que l’offre des deux acquéreurs sera rejetée par Bruxelles. La tempête traversée par le groupe Dexia en octobre 2011 et la situation d’incertitude dans laquelle sa filiale luxembourgeoise était placée avait en effet déjà provoqué de nombreux retraits de dépôts. Les avoirs de la clientèle de la BIL au 31 décembre 2011 avaient baissé de 13,8 % par rapport à la même date en 2010.

Jusqu’à ce mardi, on n’attendait plus que le feu vert de Bruxelles pour que la transaction ait effectivement lieu. Dorénavant, dans ses termes actuels, elle ne pourrait être acceptée par l’autorité régissant les conditions de marché en Union européenne. La direction générale de la Concurrence de la Commission a en effet adressé au gouvernement un courrier pour lui demander des informations complémentaires sur ce qui est compris dans la vente, « la banque de détail et la banque privée », et sur ce qui ne l’est pas, comme par exemple les 50 % détenus dans la joint venture RBC Dexia, cédés justement hier à la contrepartie canadienne, ou encore le portefeuille obligataire (legacy).

Un mois pour clarifier

L’État luxembourgeois et toutes les parties prenantes ont un mois, à compter du 23 mars, jour de la « notification de la vente », pour clarifier la situation. Contactée, la Commission précise qu’elle souhaite vérifier si le « principe de l’investisseur privé en économie de marché » a été respecté, c'est-à-dire que les investissements publics dans une entreprise ont été réalisés dans les conditions normales du marché.

Or, certains observateurs, à commencer par l’Asbl luxembourgeoise Protinvest, s’interrogent sur la valorisation de l’établissement financier. Il est vendu par le groupe Dexia à Precision Capital et l’État luxembourgeois pour 730 millions d’euros, alors même que la BIL déclarait un bénéfice de 73 millions d’euros sur les six premiers mois de l’année 2011. Si ce rythme était maintenu, et toutes choses égales par ailleurs, l’investissement serait bien vite rentabilisé…

La Commission donne donc du crédit à cette thèse, d’autant plus que ladite vente a été effectuée dans le cadre de « négociations exclusives avec un investisseur privé ». Le ministre des Finances luxembourgeois, Luc Frieden, a beau rappeler que la situation était « exceptionnelle » et qu’il fallait agir en urgence, il n’empêche, d’autres éléments liés au dossier inquiètent l’institution européenne.

Dans son communiqué, la Commission européenne rappelle que des garanties ont été apportées au groupe Dexia – qui ressemble dorénavant à un portefeuille d’actifs gérés en extinction - par l’État luxembourgeois en 2008 (3 % de 150 milliards d’euros, soit 4,5 milliards), puis en 2011 (3 % de 45 milliards d’euros, soit 1,35 milliard).

Question sans réponse

Une question reste donc en suspens et aucune des parties prenantes, ou en tout cas pas les porte-parole du ministère des Finances ou de la Commission européenne, n’ose se prononcer. Les autorités européennes craignent-elles que la valorisation de la banque ait été liée à l’engagement de l’État luxembourgeois dans la garantie apportée au groupe Dexia ? Le doute sera levé quand les réponses attendues seront envoyées à Bruxelles. Nul doute que les parties prenantes s’exécuteront promptement pour clore au plus vite la transaction.