Guy Ertz: «Lorsque les investisseurs estiment le rendement exigé pour prêter sur une certaine période, l’incertitude concernant la croissance et l’inflation future joue un rôle-clé.» (Photo: BGL BNP Paribas)

Guy Ertz: «Lorsque les investisseurs estiment le rendement exigé pour prêter sur une certaine période, l’incertitude concernant la croissance et l’inflation future joue un rôle-clé.» (Photo: BGL BNP Paribas)

Quel est le potentiel haussier des taux d’intérêt à moyen terme? 

On observe un consensus de marché que les taux d’intérêt à court et long termes augmenteront au cours des prochaines années. Quatre raisons principales expliquent cette situation: (1) l’inflation et les anticipations d’inflation sont à la hausse, (2) les estimations concernant le potentiel de croissance économique à moyen terme des économies industrialisées sont plus élevées et suggèrent une hausse progressive des taux d’intérêt «réels» (taux d’intérêt moins l’inflation), (3) l’incertitude quant aux anticipations d’inflation et de croissance a progressé et enfin (4) une réduction de la demande d’obligations liée à la fin des programmes d’achats des banques centrales. En supposant que celles-ci mettent fin à ces programmes au cours des prochains mois, nous nous concentrons sur les trois premiers facteurs pour estimer la juste valeur des taux d’intérêt à long terme (mesurés par le taux de rendement à maturité d’obligations d’État à 10 ans) aux États-Unis et en Europe.

Les anticipations d’inflation remontent

Les taux d’inflation se sont normalisés plus rapidement aux États-Unis. En effet, la baisse du taux de chômage a été beaucoup plus rapide comparativement à d’autres pays industrialisés. L’inflation américaine est attendue à plus de 2%, car le taux de chômage devrait tomber à des niveaux qui n’ont plus été observés depuis les années 1960. En Europe, le mouvement serait moins fort et l’inflation devrait se stabiliser autour de 1,7% les deux prochaines années. Un mouvement vers l’objectif de 2% tel que fixé par la BCE est attendu à moyen terme.   

Le concept de croissance économique potentielle est étroitement lié au concept de ‘taux d’intérêt naturel’.

Guy Ertz, chief investment advisor chez BGL BNP Paribas

Croissance économique potentielle révisée à la hausse

Le deuxième facteur-clé est la croissance économique «potentielle». En effet, la littérature académique suggère un lien étroit avec les taux d’intérêt réels. Les dernières estimations suggèrent des révisions à la hausse après une longue séquence de mouvements baissiers. Ceci s’explique par une reprise des investissements d’entreprises et l’augmentation attendue de la productivité. Le concept de croissance économique potentielle est étroitement lié au concept de «taux d’intérêt naturel»1. Ce taux peut être défini comme «le taux directeur réel d’une banque centrale compatible avec une inflation stable en l’absence de chocs de l’offre et de la demande».

L’incertitude quant aux prévisions de croissance et d’inflation

Lorsque les investisseurs estiment le rendement exigé pour prêter sur une certaine période, l’incertitude concernant la croissance et l’inflation future joue un rôle-clé. En effet, plus l’horizon est long, plus le risque est élevé. L’inflation est tombée à des niveaux extrêmement bas ces dernières années et elle est restée dans une fourchette étroite. C’est également le cas pour les anticipations d’inflation à long terme. La croissance économique n’a pas beaucoup fluctué. La prime de risque a donc été faible. Il est toutefois peu probable que cette situation persiste. En effet, on observe une divergence d’opinions croissante, surtout quant aux risques d’inflation aux États-Unis.

Une inconnue-clé reste la prime de risque.

Guy Ertz, chief investment advisor chez BGL BNP Paribas

Hypothèses et estimations de taux d’intérêt à long terme

Les estimations moyennes de la croissance économique réelle potentielle sont en général de l’ordre de 1% pour la zone euro et de 1,5% pour les États-Unis. Pour l’inflation, on peut utiliser l’objectif de la BCE de 2% pour la zone euro et les États-Unis, tout en gardant en tête que les risques sont plus élevés.

En utilisant les chiffres ci-dessus, l’estimation du niveau d’équilibre des taux d’intérêt à long terme serait de 3% pour la zone euro et de 3,5% aux États-Unis. Une inconnue-clé reste la prime de risque. Une prime comprise entre 0,5% et 1% ne serait pas surprenante, même si nous supposons que la crédibilité des banques centrales reste élevée. Selon ces hypothèses, les taux d’intérêt à long terme pourraient converger vers une fourchette de 3-4% en Europe et 3,5-4,5% aux États-Unis. Cette analyse suppose que les banques centrales aient mis fin à tous les programmes d’achat d’obligations d’ici là.

1 Ce concept est basé sur les travaux de K. Wicksell. Pour plus de détails, voir aussi John C. Williams (2003) «The Natural Rate of Interest», Federal Reserve Bank of San Francisco, Economic letter, Number 2003-32.