L’OGBL craint que tout le périmètre sidérurgique soit menacé. (Photo: David Laurent/Wide/archives)

L’OGBL craint que tout le périmètre sidérurgique soit menacé. (Photo: David Laurent/Wide/archives)

Décidément, le temps n’est pas au beau fixe pour les sites ArcelorMittal. Au lendemain de la «journée morte» organisée à Liège, par toute une population victime de l’arrêt brutal de la phase à chaud dans le bassin sidérurgique historique, et avant les grandes manoeuvres syndicales, que la fédération européenne des métallurgistes veut mener sur huit ou neuf pays concernés, dans une manifestation conjointe le 7 décembre, c’est à nouveau au Luxembourg qu’une alerte tombe.

Selon l’OGBL, l’usine ArcelorMittal de Bettembourg serait démantelée en douce. Raymond Kapuscinsky, responsable de la section «transformation des métaux et garages» (TMG), estime qu'il y a «une grave menace sur le site». En fait, le personnel a été informé, le 14 octobre, que, «pour des raisons conjoncturelles», le site allait tourner au ralenti jusqu’à la fin de l’année. Et passer de 155 salariés à 104 en activité sur le site. La cinquantaine de travailleurs serait alors admise à la CDR (cellule de reclassement).

Mais, pour l’OGBL, le malaise est beaucoup plus profond. En témoigne la constatation faite, ce jeudi de bon matin. «Je voulais faire le point avec mes délégués, je me suis rendu sur le site, témoigne M.Kapuscinsky. Et j’ai vu des gros camions qui embarquaient des machines. Apparemment vers la Hongrie. D’autres machines étaient en cours de démontage. Et personne n’est au courant de rien!»

Sollicité par paperJam.lu, le porte-parole d'ArcelorMittal a précisé: «Quelques anciennes machines de Bettembourg ont été transportées vers une usine à Szentgotthárd (Hongrie) où nous produisons du fil d’acier pour armatures pneumatiques. La plupart de ces machines n’a jamais été utilisée à Bettembourg, mais avait été entreposée sur le site.»

Une activité de niche

Outre cette délocalisation de machines, l’OGBL craint un démantèlement. «Tout est possible puisque, désormais, ArcelorMittal prend les décisions du jour au lendemain, parfois en contradiction avec la décision de la veille», pointe un syndicaliste.

La question de la conjoncture se pose aussi en regard des choix stratégiques. «Il y a une baisse de production partout. Mais à Bettembourg, on n’est pas dans un modèle ancien; il y a une activité de niche, présentée comme porteuse et innovatrice.» La tréfilerie, plutôt spécialisée dans les produits à destination de l’industrie automobile notamment, s’était reconcentrée, en 2009, sur l’activité «saw wire», la production de câbles de découpe pour matériaux très résistants, prisés dans l’industrie des panneaux solaires ou de l’électronique. «En 2009, il y a eu de gros investissements, dans à peu près 80 machines spécifiques», dit Mil Lorang, le porte-parole de l’OGBL. «Si cette activité de niche se fait ailleurs, uniquement parce que cela coûtera moins cher en production, c'est la mort de Bettembourg», clame M.Kapuscinsky.

Pour ArcelorMittal, le transfert de machines «n'a aucun rapport avec la situation actuelle du marché du fil de sciage. La demande de l’industrie photovoltaïque a diminué de façon spectaculaire depuis le début de 2011. Cela a conduit à des entrevues avec les représentants des syndicats sur les adaptations de l’emploi à Bettembourg. Nous sommes en dialogue social étroit avec les représentants des salariés. Il n’y a pas de plans de fermeture de nos installations de Bettembourg.»

Bissen et Dudelange aussi

L’OGBL se dit néanmoins furieux d’être mis devant le fait accompli. Et ne cache pas son inquiétude. Selon la section TMG, l’usine de Bissen, qui emploie encore quelque 280 personnes, ne serait pas au mieux non plus. «Bissen dépend des quelque 85.000 tonnes/an que lui fournit Schifflange. Avec l’arrêt de Schifflange, Bissen doit se fournir auprès de la concurrence d’ArcelorMittal! A cette allure, les coûts seront vite prohibitifs.» Et comme les syndicats redoutent que l’extinction de Schifflange passe du provisoire au définitif…

«Il est temps que les politiques prennent la mesure de ce qui se passe. Voyez Florange, voyez Liège…», dit-on à l’OGBL, où l’on a reçu des informations alarmantes en provenance du site de Dunkerque, dans le nord de la France. Or, glisse un syndicaliste, «Dunkerque est directement lié, pour la production industrielle, avec Dudelange. C’est vraiment le périmètre sidérurgique luxembourgeois qui risque gros. Et avec lui, toute une industrie lourde dans une vaste région d’Europe.»