S’il n’y a pas de «vote musulman», la Shoura, l’assemblée de la communauté musulmane du Grand-Duché, ne se prive pas de mettre en cause certains partis, dans son analyse des programmes électoraux en vue du scrutin de ce dimanche 20 octobre.
Dans une lettre ouverte publiée ce lundi, la Shoura critique notamment les positions prônées par l’ADR et son «programme ciblant les musulmans» ou celles des Verts qui prêchent la neutralité de l’État face aux convictions religieuses et philosophiques des citoyens.
On ignore combien des 10.000 à 15.000 résidents de confession musulmane répertoriés au Luxembourg sont inscrits sur les listes électorales, mais on sait, en revanche, que la composition du futur gouvernement se jouera à quelques centaines de voix. La sienne n’étant sans doute pas à négliger, la Shoura refait donc parler d’elle.
L’opportunisme du CSV
Sur neuf pages recensant «ce que disent les programmes électoraux concernant le conventionnement du culte musulman», thème sur lequel se focalise toute l’attention de la Shoura, la profession de foi opportuniste des chrétiens sociaux apparaît comme la plus rassurante pour les musulmans, qui se plaignent de faire l’objet de discriminations, leur culte étant privé de la manne publique.
Alors que Jean-Claude Juncker, qui avait repris au printemps dernier des mains de François Biltgen le ministère des Cultes, se terre dans le silence et refuse d’avancer sur le terrain glissant de l’arrosage financier de l’islam au Luxembourg, le président du CSV, Michel Wolter, a rappelé les bonnes dispositions du parti à garder intactes les relations entre l’État et la religion. «Pour le CSV», écrit-il, «la liberté de religion de même que la pratique de celle-ci doivent trouver leur place dans la Constitution et être garanties par elle.»
Le parti chrétien social entrevoit la question des relations entre l’État et les communautés religieuses et philosophiques à deux niveaux: un premier au stade de la reconnaissance et un second avec le conventionnement, via des «contrats de financement», déterminés sur base de critères objectifs et du respect de la démocratie. «Notre parti», explique Michel Wolter, «a estimé qu’il serait indiqué de conclure dans l’immédiat une convention avec le culte musulman».
ADR, anti-islam
Sollicité par la Shoura, Xavier Bettel, le président du DP, n’a pas voulu prendre position dans la lettre (non datée) qui lui est parvenue début septembre. Les libéraux n’ont pas fait mystère, au nom de la neutralité de l’État sur les questions de religiosité, de leurs options favorables pour une séparation de l’Église et de l’État et, de ce fait, pour une révision des conventions en vigueur avec les cultes conventionnés.
Les Verts mettent en avant deux options extrêmes pour régler les futurs rapports entre la religion et l’État: soit fermer définitivement le robinet du financement des cultes par la manne publique et les laisser s’autofinancer par les cotisations de leurs adeptes, soit introduire le prélèvement d’un «impôt d’église», inspiré de ce qui se fait en Allemagne. En cela, les Verts sont rejoints par le LSAP, bien que le programme des socialistes se focalise essentiellement sur la religion catholique.
L’ADR est le parti qui apparaît comme le plus hostile aux musulmans, fidèle à ses clichés selon lesquels l’islam n’est pas soluble dans la démocratie: «ADR se prononce explicitement contre le conventionnement du culte musulman et ne reconnaît donc pas notre droit constitutionnel et la discrimination dont nous sommes l’objet», écrit la Shoura.
Pour aggraver son cas, le parti de Gast Gibéryen «se croit obligé de mentionner l’interdiction de la 'burqa', de la polygamie ou de tribunaux basés sur la 'Sharia'»; des prises de position qui brouillent les musulmans avec un parti qui s’inscrit «dans cette phobie, voire cette psychose européenne concernant les musulmans, leurs intentions et leurs revendications supposées».