Georges Muller:  Les clients regardent les services et le prix d’un œil plus critique. Il faut s’adapter.» (Photo : Luc Deflorenne)

Georges Muller:  Les clients regardent les services et le prix d’un œil plus critique. Il faut s’adapter.» (Photo : Luc Deflorenne)

Monsieur Muller, quelles évolutions majeures ont marqué ces derniè­res années ?

« Depuis la création de Cegecom, il y a 14 ans, nous n’avons cessé de voir gonfler la bulle ICT. L’évolution techno­logique nous a permis de développer la fibre optique en 2000, l’ADSL en 2003. Essentiellement destinés aux professionnels à leurs débuts, les infrastructures et services se sont démocratisés. Le client bénéficie aujourd’hui de plus en plus de services et de capacités pour un coût qui, lui, n’évolue pas ou peu.

La crise s’est invitée. Si elle n’a pas mis un frein à la demande, elle a tout de même modifié l’approche des clients : ils regardent les services d’un œil plus critique, donnant une importance plus grande au prix. À nous de nous adapter. Nous sommes dans un secteur d’activité qui change sans cesse, où la crise n’est finalement qu’un épiphénomène. Un marché changeant est un marché plaisant, car stimulant. Et l’innovation reste le moteur. Nous avons par exemple développé un système moins coûteux que la fibre optique – mais tout aussi efficace – de contrôle et de lecture des quantités d’énergie fournies par les éoliennes. Une antenne, placée sur le mât, relaye en temps réel la production d’énergie émise. Ce marché de niche se développe très bien. Nous avons par exemple équipé les plateformes éoliennes de la Mer du Nord et certains de nos projets nous amènent jusqu’en Algérie. Les services de télécommunication purs vont stagner, il faut étendre son éventail de services.

Quelles futures (r)évolutions attendre ?

« Je ne peux que saluer le ‘plan fibre’ lancé par le gouvernement, même si, dans la pratique, on assiste à quelques couacs. Depuis janvier dernier, Cegecom s’investit également dans un consortium en compagnie d’Interact, BPL Global, Creos et l’Université du Luxembourg, dans le but de développer les futurs compteurs intelligents qui seront installés dans chacun des foyers luxembourgeois d’ici 2020 (projet SGL 2.0). Ces compteurs permettront entre autres d’optimiser la consommation des énergies et d’eau. Ce réseau intelligent, appelé ‘Smart Grid’, sera développé en tenant compte d’un volet sécurité pointu. À terme, pourquoi ne pas développer ce concept hors frontières ? Enfin, le cloud computing va faire évoluer le secteur. Développer des clouds régionaux est, entre autres, une option à creuser, qui permet de stocker les données dans le pays et d’éviter les cyberattaques.

Rencontrez-vous des difficultés pour recruter les profils dont vous avez besoin ?

« Le problème n’est pas tant la recherche des profils (essentiellement des ingénieurs en télécom et en énergie) que leur fidélisation. Le niveau des salaires ici est problématique. Pourquoi un niveau bac au Luxembourg gagne-t-il l’équivalent d’un bac+4 ou +5 en Allemagne ? Comment les PME peuvent-elles rivaliser ? Pour notre part, nous misons beaucoup sur la formation continue.

Des aspects à changer pour améliorer le secteur ?

« Si je le pouvais, je ferais déjà en sorte de stopper cette hémorragie des décideurs. Les décisions se prennent de plus en plus hors Luxembourg et se trouvent ainsi souvent en total décalage avec les réalités du terrain. Cette globalisation enlève une bonne part de flexibilité au marché local. Je verrais bien, aussi, que, au niveau national, nous nous remettions en question. On doit travailler ensemble, avec bon sens, pour continuer à faire un pays d’excellence et d’avenir. On voit bien quelques initiatives, mais cela ne va pas assez loin. Jadis, le pays a réussi à avancer parce que tout le monde, acteurs politiques, économiques et sociaux, a œuvré de concert. Aujour­d’hui, je ne vois pas cela. Pas encore… »