Les conclusions de la phase test effectuée dans huit crèches volontaires sont débattues ce jeudi au Forum Geesseknäppchen, avec en toile de fond la question de l'identité. (Photo: Marion Dessard/archives)

Les conclusions de la phase test effectuée dans huit crèches volontaires sont débattues ce jeudi au Forum Geesseknäppchen, avec en toile de fond la question de l'identité. (Photo: Marion Dessard/archives)

La présentation, le 21 mars dernier, du bilan de la phase test menée dans huit crèches volontaires n’a pas permis d’évaporer toutes les craintes. Certaines réticences persistent, dont celles exprimées mercredi par Françoise Hetto-Gaasch (CSV), qui estime notamment que l’enseignement du luxembourgeois et du français à tous les enfants âgés entre 1 et 4 ans se ferait «définitivement trop tôt».

Une crainte que ne partage pas Christine Hélot, professeur d’anglais de l’Université de Strasbourg, présente jeudi au Forum Geesseknäppchen dans le cadre de la conférence organisée par le ministère de l’Éducation nationale intitulée «L’éducation plurilingue dans l’accueil de la petite enfance au Luxembourg». «Cette assertion n’est absolument pas fondée, puisque le plurilinguisme existe déjà dans les familles où les enfants entendent ou parlent plusieurs langues. C’est donc normal que les structures éducatives s’adaptent», estime-t-elle, ajoutant que «la mise en contact avec plusieurs langues est tout à fait bénéfique pour les enfants et répond à une logique adaptée à la société luxembourgeoise.»

Cette solution devrait permettre de faciliter l’intégration.

Christine Hélot, professeur de l’Université de Strasbourg

Mais la question sous-jacente des critiques émises contre le programme voulu par Claude Meisch (DP), ministre de l’Éducation nationale, tient dans la place accordée au français par rapport à l’allemand, première langue étrangère apprise à l’école, car proche du luxembourgeois. C’est ce changement de paradigme que reprochent en creux certains opposants au projet, accusé par Françoise Hetto-Gaasch de s’apparenter à «une expérimentation».

Pour Christine Hélot, la mise en contact des tout-petits avec le luxembourgeois et le français serait en revanche «tout à fait logique» puisqu’elle répondrait aux besoins aussi bien des enfants parlant luxembourgeois à la maison qu’aux autres. «Le fait de commencer plus tôt une familiarisation avec le français va permettre un apprentissage plus facile par rapport à la situation actuelle dans laquelle les élèves se retrouvent face à une langue scolaire qui peut paraître rébarbative, ce qui va accentuer le plurilinguisme entre langues germanique et romane», estime l’enseignante qui pense que cette solution «devrait permettre de faciliter l’intégration, notamment des lusophones».

«Introduction progressive» à partir d’octobre 2017

Une position qui rejoint notamment celle défendue par Fernand Fehlen, sociolinguiste de l’Uni, qui plaide pour «une mise à l’écart provisoire» de l’allemand au sein de l’école luxembourgeoise. Et ce jusqu’au lycée dans une logique basée sur ce qu’il nomme «le modèle néerlandais». Cette réflexion s’inspire de ce qu’il se passe aux Pays-Bas où la langue de Goethe n’est pas enseignée, mais que tout le monde parle grâce à la télévision ou à internet. Autant de réflexions qui ne sont pas sans provoquer de polémique puisque, selon Christine Hélot, «la question des langues est toujours politique, car liée à la notion d’identité».

De ce point de vue, la mise en place du programme plurilingue dans toutes les crèches du pays, «de manière progressive» à partir d’octobre 2017 devrait faire encore couler beaucoup d’encre. Pour mémoire, ce projet de loi, déposé en septembre 2016 à la Chambre, représente un investissement de 80 millions d’euros et prévoit la mise en place d’un encadrement gratuit de 20 heures par semaine pendant 46 semaines par an pour tout enfant âgé de 1 à 4 ans présent dans une crèche, mais aussi dans toutes les autres structures qui adhèrent au chèque-service. Tous ces établissements devraient également bénéficier d’«une certaine flexibilité» dans la mise en application de la mesure.