Paperjam.lu

 

La société commerciale est dotée de la personnalité juridique qui, comme pour les personnes physiques, se traduit par une identité propre, c’est-à-dire un nom et une forme sociale. La loi coordonnée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (la «LSC») «reconnaît comme sociétés commerciales dotées de la personnalité juridique: la société en nom collectif, la société en commandité simple, la société anonyme, la société en commandité par actions, la société à responsabilité limitée, la société coopérative et la société européenne», explique Marie-Claude Frank, avocat à la Cour et counsel chez Bonn Steichen & Partners.

Le domicile de toute société commerciale est situé au siège de son administration centrale. «L’administration centrale d’une société est présumée, jusqu’à preuve du contraire, coïncider avec le lieu du siège statutaire de la société.» À cela s’ajoutent la nationalité luxembourgeoise et un patrimoine. Chacune des sociétés commerciales constitue une individualité juridique distincte de ses associés. Tout au long de sa vie, la société commerciale est autonome. Elle jouit de certains droits et est soumise à certains devoirs et obligations qui lui sont propres et donc bien distincts de ceux de ses associés.

Droit à l’information

Avant de nouer des contacts ou afin de mieux connaître une société, chacun est libre d’aller à la pêche aux renseignements. En vertu de l’article 9 §2 de la LSC, toute personne peut prendre connaissance des documents déposés concernant une société déterminée et en obtenir, même par correspondance, copie intégrale ou partielle, sans autre paiement que celui des frais administratifs tels que fixés par règlement grand-ducal.

En effet, la société commerciale est soumise à diverses obligations légales de publicité. «Elle doit faire publier notamment son capital, la composition de ses organes de gestion et de surveillance, l’identité de la personne en charge du contrôle des comptes, ainsi que ses comptes annuels», précise Mme Frank. De même, les actes constitutifs dont les statuts, les actes de modification des statuts, y compris les actes de transformation ou de fusion, les actes de liquidation volontaires ou judiciaires et les actes d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, en particulier de faillite, doivent être communiqués au registre de commerce et des sociétés (RCS) aux fins de publicité.

«Selon la LSC, la publication est faite au ‘Mémorial C, recueil des sociétés et associations’. Toute personne intéressée peut ainsi consulter le RCS ) et le Mémorial C ) à cet effet.»

La technique de l’inopposabilité

Les tiers qui contractent avec une société sont protégés de deux façons. Premièrement, toute information dont une loi prescrit la publicité n’est opposable aux tiers qu’à partir de sa publication. L’article 9 §4 de la LSC indique que les actes et extraits d’actes ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour de leur publication – au Mémorial C, sauf si la société prouve que ces tiers en avaient antérieurement connaissance. «En revanche, les tiers peuvent se prévaloir eux-mêmes des actes ou extraits d’actes encore non publiés», prévient Marie-Claude Frank. En d’autres termes, la société ne peut se cacher derrière son manque de diligence dans la publication des informations requises par la loi.

Deuxièmement, tout tiers est protégé contre la remise en cause d’un contrat qu’il a conclu avec une société. «D’un côté, et conformément à l’article 53 de la LSC, tout contrat signé par les dirigeants sociaux de la façon prévue par les statuts – signature unique ou conjointe – est valable même si une restriction statutaire des pouvoirs des dirigeants n’a pas été respectée.»

D’un autre côté, l’article 60bis de la LSC prévoit que la société reste également liée par tout acte excédant l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers avait connaissance du dépassement de pouvoir ou ne pouvait raisonnablement l’ignorer, mais sans que la seule publication des statuts ne suffise à constituer cette preuve.

Les responsabilités civile et pénale

En dernier lieu et dès lors qu’ils ont subi un dommage causé par la faute ou la négligence de la société, les tiers ont le droit d’agir en justice pour intenter une action en responsabilité contre la société.

Un tiers peut poursuivre la société en responsabilité civile en cas de violation de la LSC ou de ses statuts. «C’est le cas par exemple si une société a opéré en dehors du champ de l’objet social ou a omis ou retardé la préparation et la publication des comptes annuels. Ce recours s’exerce contre l’un des dirigeants de la société qui sont en principe solidairement tenus dans cette hypothèse.»

Une action en responsabilité civile délictuelle peut en outre être exercée sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil par tout tiers qui peut prouver une autre faute ou négligence de la société.

Certaines responsabilités civiles se retrouvent seulement dans un contexte de faillite. «Par exemple, selon l’article 495 du Code de commerce, la faillite de la société peut être étendue à un dirigeant ayant lui-même la qualité de commerçant, dès lors qu’il a confondu le patrimoine et l’intérêt de la société avec son propre patrimoine et son intérêt personnel.» De la même façon, un dirigeant peut en outre être interdit d’activité commerciale et condamné à supporter les dettes de la société faillie lorsqu’à son égard sont établies des fautes graves et caractérisées ayant entrainé la faillite. «En cela, une tenue irrégulière de la comptabilité, une continuation déraisonnable et à perte de l’activité de la société ou une omission d’aveu de faillite dans le délai légal.»

La responsabilité pénale, elle, ne peut être retenue qu’en cas d’infraction expressément punie comme telle par la loi. Elle est engagée, à titre personnel, par les dirigeants de la société qui n’ont pas soumis les comptes annuels à l’assemblée générale des associés pour approbation, qui ne les ont pas fait publier dans les délais ou qui ont commis un abus de biens sociaux.

Depuis la loi du 3 mars 2010, une personne morale, telle la société, peut elle-même être objet de poursuites pénales, à l’instar de ses dirigeants, auteurs ou complices de la même infraction. «Avant cette loi, les personnes morales ne pouvaient être pénalement poursuivies au Grand-Duché de Luxembourg.» Seuls les dirigeants, personnes physiques, pouvaient faire l’objet de poursuites pénales et étaient susceptibles d’être condamnés pénalement. «Depuis, la société peut elle-même être condamnée pénalement si l’infraction en question est un délit ou un crime, et a été commise par l’un de ses dirigeants ou a été perpétrée au nom et dans l’intérêt de la société.»

Parmi les sanctions, une dissolution de la société peut être prononcée lorsque certaines conditions sont remplies. «D’après l’article 38 de cette loi, la dissolution peut être prononcée lorsque, intentionnellement, la société commerciale aurait été créée ou, en cas de crime ou de délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d’une peine privative de liberté supérieure ou égale à trois ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés», conclut Marie-Claude Frank.

Nouveautés législatives et réglementaires

Évolution récente de la législation en matière de publicité

Depuis le 1er janvier 2012, la diffusion de la publication légale a été accélérée par la mise en place de la plateforme électronique centrale de publication officielle, appelée «Plateforme électronique de collecte de données financières» (eCDF ou Centrale des bilans).

Le projet de loi no6624 déposé le 4 octobre 2013 vise à améliorer la procédure de publication. Le projet de loi no6625 déposé le 4 octobre 2013 souhaite imposer de nouvelles obligations pour la tenue des registres de titres au porteur et actions nominatives, cela dans un souci de transparence accrue.

Protection des tiers

  1. La société commerciale est une personne morale avec des droits et des obligations propres.
  2. Est considérée tierce par rapport à la société toute personne n’agissant pas en qualité d’associé.
  3. Extrait RCS, statuts coordonnés et comptes annuels sont disponibles auprès du RCS.
  4. Le certificat dit «négatif» émis par le RCS confirme que la société n’est pas en faillite.
  5. Un tiers n’a pas besoin de deviner ce qui n’est pas (encore) publié.
  6. À vérifier: la qualité de dirigeant et le pouvoir de signature des personnes agissant pour la société.
  7. En cas de doute, il faut demander conseil sur la compatibilité d’une transaction avec l’objet social.
  8. Pour agir en responsabilité civile, la faute est présumée en cas de violation de la loi de 1915 ou des statuts.
  9. Le curateur représente les créanciers dans toute action en responsabilité spéciale à la faillite.
  10. Le dirigeant et la société elle-même peuvent être poursuivis pénalement.