Marc Giorgetti (Félix Giorgetti)  (Photo : Jessica Theis)

Marc Giorgetti (Félix Giorgetti)  (Photo : Jessica Theis)

Les promoteurs ont mauvaise presse. De manière tout à fait épisodique d’abord avec l’affaire Livange-Wickrange. Bien que ne les affectant qu’à la marge, puisque le gouvernement encaisse la plupart des coups, elle constitue une véritable cabale alimentant l’imaginaire collectif où promoteurs et politiques magouillent impunément – finalement jusqu’à un certain point, puisque la justice a été saisie – en coulisse.

Mais la méfiance du public envers les promoteurs est plus profonde, enracinée dans la conviction que chacun d’entre eux s’octroie un bénéfice indécent à chaque fois qu’un immeuble est vendu. Un commentateur du métier constate ainsi que « les gens font un calcul très simple et se disent : le terrain vaut tel montant, la construction autant… ‘la marge qu’ils doivent se faire ces méchants promoteurs!’ ».

Flight-to-quality

Car l’acquisition d’un bien immobilier constitue souvent un moment charnière dans la vie d’un particulier. Celui-ci s’endette énormément, parfois pendant des décennies. Le promoteur, lui, fait construire des dizaines d’appartements tous les ans. Un large fossé, symbolique, les sépare et alimente la crainte d’un déséquilibre des forces.

À cela s’ajoutent parfois des pratiques douteuses, notamment localement. Elles sont relevées par des acteurs du marché. « Au Luxembourg, on a connu une époque où il y avait beaucoup plus de demande que d’offre. Alors on y produisait un peu n’importe quoi pour être vendu à n’importe quel prix. Et les gens achetaient. » D’autres parlent d’une tendance, aujourd’hui révolue, au hit and run. Elle consistait à chasser les terrains pour construire dessus et revendre au plus vite sans effectuer de suivi.

Tout n’est plus si simple. « Autres temps, autres mœurs », voilà ce que la profession s’évertue à faire valoir. Le métier a changé. Même la définition, cinquantenaire, du Petit Robert faisant du promoteur « une personne assurant et finançant la construction d’immeubles » est devenue obsolète aux yeux des premiers intéressés. Ces derniers préfèrent lui adjoindre le concept de « développeur », pour insister sur l’implication dans la conception et le service après la livraison ou la vente, selon la destinée de l’immeuble.

Le mieux n’est pas l’ennemi du bien… immobilier. Les promoteurs s’attachent à produire de la qualité, poussés qu’ils sont par le marché. Et tous veulent rompre avec l’image du promoteur vénal peu intéressé par la conception en elle-même. À commencer par Flavio Becca qui voit sa « force dans la gestion du projet depuis le développement jusqu’à la livraison ».

Il aime se comparer à « un bon boucher » qui maîtriserait parfaitement la filière, depuis l’acquisition du terrain à la vente du produit.

Marc Giorgetti suit un peu le même raisonnement et lui se charge également de la construction. « Nous faisons tout nous-mêmes. Tout est intégré. Tout passe par nous. Nous ne laissons personne intervenir dans nos activités de promotion.» Pour l’intéressé, la réputation de l’entreprise est liée à la qualité de la prestation fournie. Éric Lux, CEO d’Ikogest, ne pense pas le contraire : la qualité des produits est une « carte de visite, cela montre ce que l’on peut faire. L’image de marque est très importante », insiste-t-il.

Puis l’information passe mieux entre les parties prenantes. Un abus ou même une erreur se paie cash, de surcroît au Luxembourg. Nik Coenegrachts, principal associé de Solum Real Estate, relève d’ailleurs que « l’acquéreur est devenu de plus en plus éduqué ». Ainsi Claude Konrath, promoteur, y va même de son slogan et met tout le monde d'accord : « Il n’existe qu’une seule façon de construire : construire correctement. » Et la régulation, avec la garantie décennale imposée au promoteur, vient renforcer cette velléité.

Mais ce n’est pas la seule loi jonchant le parcours procédural par lequel le promoteur doit passer. Georges Krieger, avocat réputé sur le marché de la promotion, parle même de « réglementation à outrance ». Le hic, selon l’intéressé, n’est pas tant la loi de 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, qui codifie le plan d’aménagement général (PAG) et le plan d’aménagement particulier (PAP) précédant toute construction. Chez Schuler, on admet qu’elle a posé « quelques problèmes aux acteurs du marché, mais sa modification en 2011 a permis d’y voir plus clair ». Cela coince davantage au niveau des règlements connexes : réglementation pour l’étude d’impact, loi instaurant le pacte logement, loi sur la protection de l’eau, réglementation sur les compensations environnementales, etc. « Tout ceci nécessite des études préliminaires, avant la procédure PAP. Vous ne pouvez pas vous imaginer le niveau de complexité auquel nous sommes arrivés », soupire Me Krieger.

Les développements immobiliers sont dorénavant le fruit d’une vision à long terme respectueuse de l’environnement. Ainsi, non pas forcément par idéologie, mais parce qu’un bâtiment doit être en conformité avec la législation luxembourgeoise (exigeante en la matière), parce que bien isolé, il générera moins de coûts énergétiques et qu’il plaira du même coup davantage aux investisseurs.

En réalité, les promoteurs essaient, bien légitimement, de calquer leurs développements sur les besoins des parties prenantes, en gardant, bien sûr, un œil sur les agrégats économiques nationaux et internationaux. Ils imaginent ainsi « les besoins des occupants d’ici cinq ans », selon les termes de Raffaele Guiducci, general manager de Codic Luxembourg. Mais ils conçoivent aussi (surtout ?) les vues des investisseurs. Par exemple, un immeuble de bureaux certifié HQE (haute qualité environnementale), doté d’un bailleur pour neuf ans, conviendra tout à fait à un groupe d’assurance ou un family office qui a une vision de long terme et qui donc pourrait se porter acquéreur.

« Les entreprises, elles, cherchent aujourd’hui plutôt des petites surfaces. » Ainsi, pour Jerry Wagner, responsable de la communication du groupe portant son patronyme, les promoteurs conçoivent des immeubles de bureaux davantage segmentés (bien que plus onéreux et plus consommateur d’espace) vendus lot par lot. Chez Solum RE, on justifie. « Il faut être inventif et chercher des produits qui même en temps de crise trouveraient des acquéreurs, comme par exemple un plateau de 1.000 m2 de bureaux bien placés (voir encadré 2) dotés d’un label HQE. »

Aujourd’hui, les deals dans le bureau sont moins nombreux et les comptes financiers des uns et des autres dégonflent. Puisque rares sont les promoteurs publiant leurs résultats, l’exemple de Codic représentera – tel un proxy – l’ensemble du corps de métier. En 2008-2009, les ventes et prestations du promoteur d’origine belge s’élevaient à 159 millions d’euros. En 2010-2011, le chiffre a chuté à 21 millions. Le résultat net du groupe n’a en revanche pas dégringolé huit fois, comme son chiffre d’affaires, mais trois fois. Il passe de 11,3 millions à 3,4. Ces chiffres laissent penser que l’offre et la demande décroissent.

Celle-ci a d’abord poussé les promoteurs à préférer la qualité – fut-elle coûteuse – à la quantité. La plupart rappellent à l’envi le précepte anglophone de la profession, les fameux « 3L », « location, location, location », et préconisent une installation dans le centre-ville. Mais dans le central business district (CBD), selon l’idiome consacré, les biens deviennent plus rares, et donc plus chers. Les rénovations et reconversions s’y multiplient, notamment le Pôle Nord (voir projet de Konrath page 104) et le Royal 32, une rénovation livrée par Schuler, qui abrite aujourd’hui le siège européen de la banque chinoise ICBC.

Mais le prime, très prisé, est de plus en plus difficile à trouver, comme le souligne Gérald Merveille, managing director chez CB Richard Ellis : « Le marché luxembourgeois est très limité en termes d’opportunités ». Le cas échéant, le prix du terrain est très élevé et difficile à amortir (entre 35 et 40 euros par mois par mètre carré hors TVA). Ce qui pousse certains promoteurs à regarder à l’extérieur de la ville. Jerry Wagner voit par exemple un potentiel autour de l’autoroute du nord, en cours d’achèvement. Et Wagner comme Ikogest ont pris ces risques en développant des immenses surfaces administratives dans la périphérie. Le groupe d’Éric Lux a par exemple installé 50.000 m2² de bureaux à Bourmicht (Bertrange), Wagner 65.000 m2 à la Cloche d’Or. Et Gérald Merveille leur donnerait raison puisque, en observant la chute du taux de vacance, il conçoit une pénurie de bureaux dans le centre d’ici trois ou quatre ans.

Ensuite, chacun évalue en fonction de la taille du projet et de ses capacités financières. Depuis la crise dite des subprimes, les promoteurs doivent travailler avec davantage de fonds propres. Ils utilisent moins facilement le levier de l’endettement (amoindrissant le coût du capital) du fait des réticences des banques à prêter outre mesure et sans garanties d’occupation, en tout cas au-dehors du CBD.

Diverses stratégies

Or, en cette période d’incertitude, tous s’accordent à dire que les locataires des bureaux sont difficiles à trouver au moment du commencement des travaux, soit en moyenne 18 ou 24 mois avant la livraison du bien. « Depuis quatre ans, la tendance est au plug and play, selon Jerry Wagner. On trouve les locataires après la livraison. Auparavant, on cherchait systématiquement un préfinancement », regrette-t-il.

Mais les promoteurs préviennent le ralentissement du marché du bureau en diversifiant leurs activités dans le résidentiel et le commercial. Et s’ils continuent de gagner leur croûte, cela s’explique certainement par leurs développements dans le résidentiel qui, lui, tire aujourd’hui son épingle du jeu. « La demande est carrément plus grande que l’offre », relève Marc Giorgetti. Par conséquent, « les prix montent et les marges sont bonnes », analyse Martin Heyse de BNP Paribas Real Estate.

Marco Sgreccia, Tracol, prévient néanmoins tout excès d’euphorie et préfère adopter une posture prudente devant l’augmentation des prix du foncier et des biens. « On se demande jusqu’où ça va aller. D’ailleurs il vaut mieux faire une affaire en moins qu’une mauvaise affaire », dit-il. Car au final, il faudra toujours vendre ou louer le bien, selon la stratégie de l’entreprise.

Pour le résidentiel, les particuliers doivent pouvoir acquérir le produit. Il faut donc que leurs revenus augmentent aussi rapidement que le prix du bien. Les investisseurs institutionnels veillent au prix de la production et à la hauteur des loyers que les entreprises sont prêtes à payer. Parmi eux, les fonds allemands occupent une bonne place dans les propriétaires de biens immobiliers luxembourgeois. Mais le profil des investisseurs évolue par rapport au contexte économique. Les fonds ouverts ont laissé la place aux closed end funds, aux family offices et aux compagnies d’assurance (voir encadré 4). Jean-Pierre Lequeux, directeur général de DTZ Luxembourg, évoque leur « intérêt à investir dans l’immobilier, car les rendements y sont supérieurs à ce que les banques offrent et moins risqués que les produits boursiers ». L’intéressé évoque même le retour au Grand-Duché de certificats immobiliers, permettant de vendre des parts de fonds à des petits porteurs. Il faut cependant que les immeubles gardent une vraie liquidité…

Par conséquent, la communication prend une place importante. Si on prétend chez Promobe que « la promotion n’a pas besoin d’image de marque et que seul le terrain compte », les acteurs doivent in fine commercialiser leurs produits… Ce que fait d’ailleurs le groupe Becca via l’agence immobilière Carré. D’autres promoteurs ont internalisé ce service, comme Kuhn et Giorgetti, ou s’associent avec elles, comme le groupe Wagner avec Espace Immo.

Prégnance du politique

Mais il faut aussi savoir projeter son image via des canaux externalisés. Comme l’explique Marc Clees, directeur chez Solum Real Estate, « il faut vendre quelque chose qui n’existe pas et pour ce faire, il convient d’abord de faire connaître la société de promotion, ensuite de mettre le projet en valeur puis de le différencier ». Seulement après intervient la communication pure et dure visant à sa commercialisation. Au Luxembourg, le canal principal est dorénavant AtHome.

Mais les investisseurs ne sont pas les seuls stakeholders auxquels les promoteurs doivent penser. Le politique exerce aussi un réel pouvoir sur l’agencement des nouveaux ensembles. Il privilégie dorénavant la combinaison entre habitat, travail et loisirs pour créer de la qualité dans les quartiers, en réduisant la circulation et en accroissant la praticabilité. Les projets Royal-Hamilius et Septfontaines (sur le terrain de Villeroy & Boch) ont justement et respectivement été attribués par la Ville de Luxembourg à Codic et Solum RE parce que les deux promoteurs avaient bien pris en compte ces considérations sociologiques, économiques et urbanistiques soutenues par la municipalité. Travailler sur la concertation entre les autorités politiques nationales et municipales, en amont et en aval, devient d’ailleurs un credo de plus en plus entendu au sein de la profession. Pour l’instant, les relations entre le politique et les promoteurs sont plutôt houleuses.

Outre l’affaire Livange-Wickrange, les promoteurs souffrent d’une réputation de spéculateurs auprès des élus. Du côté des développeurs, on s’en défend, notamment Marc Giorgetti : « Nous avons un grand stock de terrains, mais tous sont en cours d’autorisation. Nous ne spéculons pas ». Plus encore, c’est la gestion des réserves foncières par le gouvernement et les communes qui est mise à l’index par les promoteurs. On évoque pêle-mêle le faible rendement du fonds du logement pour construire les logements sociaux ou encore des changements d’affectations qui profiteraient à certains, et moins à d’autres.

Et aucun organe ne représente le corps de métier. Fonder une association semblable à ce qui existe en France, avec la Fédération des promoteurs immobiliers, ou en Belgique, avec l’Union professionnelle du secteur immobilier est une piste à explorer. Raffaele Guiducci, qui connaît bien le marché du Royaume voisin, indique qu’on pourrait envisager de « renforcer les prérogatives d’un LuxReal. Il y a un bon substrat, dit-il. Il faut rassembler tous les professionnels liés à la construction ».

Mais le métier est encore jeune au Grand-Duché. Méfiance et concurrence continuent de gouverner les relations entre les promoteurs. Or, selon Marco Sgreccia, « on peut s’entendre sur la philosophie de ce qu’on veut réaliser. Parfois il vaut mieux s’allier que de surenchérir. » La phrase s’appliquait à des projets ponctuels, mais pourquoi ne pas y réfléchir dans une acception plus large ?

 

1 - Contexte - Livange-Wickrange : mauvaise pub ?

Le projet de construction d’un ensemble immobilier comprenant le futur stade national et un centre commercial alimente la chronique politico-judiciaire, depuis l’automne 2011. À cette date, le public apprenait que le gouvernement luxembourgeois avait, en catimini, incité deux promoteurs à sceller un accord en vue de la construction du complexe. Selon les termes de l’accord, Flavio Becca, porteur du projet de stade à Livange, accepte que se joigne à lui Guy Rollinger et son centre commercial, dont l’installation était initialement prévue à Wickrange. Depuis, le choix du terrain (et donc du promoteur puisque celui-ci appartenait à M. Becca) et les conditions de financement sont sujettes à controverse(s), et M. Rollinger fait état de menaces du gouvernement pour qu’il abandonne son implantation à Wickrange, au profit de Livange.
L’intéressé n’a pas répondu à nos sollicitations, à l’inverse de Flavio Becca, qui se dit « très serein ». Pour lui, il n’y a pas d’équivoque sur le choix du terrain, partie qui le concerne le plus, « il répondait à tous les critères voulus par l’État, notamment sa facilité d’accès par la route et par le rail. »

2 - Vides locatifs - Le centre plébiscité

Au premier trimestre 2012, le CBD jouit d’un taux de vacance de 2 %, Luxembourg-ville de 4,6 %. Les développements en périphérie de la capitale souffrent, eux, d’un taux bien supérieur à la moyenne nationale, de 6,6 %. Dans la première couronne, Bertrange / Bourmicht (38,9 %) et la zone de l’aéroport (17,3 %) sont largement inoccupés. En deuxième couronne, Leudelange (25,3 %), Contern (14,7 %) et Capellen (14,2 %) sonnent le plus creux.

3 - Financement - Credit crunch ?

Les banques locales soutiennent traditionnellement le secteur de la promotion, autant dans la mise en place de financements spécifiques pour des développements immobiliers que pour l’acquisition de sites qui deviendront à un moment donné des lotissements. « Nous accompagnons les promoteurs depuis le début du projet jusqu’à la fin par des financements », indique Marcel Leyers, responsable Corporate banking à la BIL. De multiples instruments protègent sont censés protéger les parties prenantes : garanties d’infrastructure, de paiement, de bonne fin d’exécution, d’achèvement, etc. 
La facilité de financement dépend d’abord du secteur. M. Leyers explique : « En ce qui concerne la vente d’appartements ou de maisons unifamiliales, nous ne constatons pas de crise directement. Sur ce marché les ventes avancent assez bien. Ces dernières années, nous n’avons pas touché au taux de prévente pour émettre des garanties d’achèvement. Le taux de base est de 80% et baisse en fonction de la qualité du projet et du promoteur. »
En ce qui concerne le marché des bureaux, l’approche est différente. Actuellement, dit-on, très peu de promoteurs construisent à risque. Pour accompagner les projets de surfaces administratives, les banques se concentrent généralement sur l’analyse de la capacité de remboursement de l’investisseur ou les baux de location qui couvrent les charges de remboursement. « Le problème aujourd’hui est que les banques ne veulent plus financer si le projet n’est pas pré-loué à 75 %. Pour le marché, c’est dramatique et on rentre dans un cercle vicieux », témoigne Romain Muller, managing director de Jones Lang LaSalle. Enfin, les ratios de fonds propres sont fixés en fonction du projet. Cela dépend beaucoup du site. Plus c’est risqué, plus le ratio de fonds propre est élevé.

Les visages des promoteurs - Pas de portrait robot

Dans l’annuaire, on relève 283 promoteurs. Leur hétérogénéité attire l’attention. Seule leur taille, modeste, les rapproche. On ne dépasse pas les 30 personnes dédiées à la promotion. Pour les différencier, Raffaele Guiducci  relève que « chacun a des affinités sociétales propres, soit avec la construction, soit avec un assureur, soit fait partie d’un groupe beaucoup plus large, qui font qu’il y a un certain tropisme dans la manière de faire des développements. »
Parmi les « historiques » luxembourgeois, certains étaient initialement spécialisés dans la construction comme Félix Giorgetti ou le groupe Becca. Wagner opérait dans les installations électriques. Chez Schuler on transportait du charbon. Ces sociétés se sont développées autour des connaissances techniques, des réseaux tissés, mais aussi grâce à l’acquisition d’un stock de terrains, autrefois utilisés dans le cadre de l’exercice de leurs métiers originels. Le groupe Schuler possède même encore plusieurs hectares à Cessange. D’autres ont capitalisé progressivement: « Nous suivons une stratégie de très long terme pour toujours jouir de réserves foncières. Nous y avons engagé beaucoup de capitaux. Et je dois dire que la conjoncture m’a plutôt donné raison, si on considère le marché des actions ou des obligations », indique Flavio Becca.
Les promoteurs étrangers, notamment belges (Allfin, Atenor, CLE-CFE, CIP, Codic, Immobel, Pylos, Thomas & Piron), allemands (Hochtief, Somaco) ou néerlandais (Multiplan) ont traversé la frontière, attirés par le magot collecté par la place financière luxembourgeoise. Même si Olivier Bastin (Allfin) indique qu’il ne faut « pas arriver en conquérant et qu’il est nécessaire de connaître son marché ». Martin Heyse (BNP Paribas REIM) souligne d’ailleurs la polyvalence des promoteurs qui doivent maîtriser la technique, le droit, la vente et la finance.
Hugues Lermusiaux, project manager chez Atenor et proche du terrain se mouille : « Ce qui est important, c’est d’être bien reconnu dans le réseau. Certains projets sont plus attractifs pour des étrangers que pour des locaux qui font des opérations de plus petite envergure, des reconversions ou changent des affectations. C’est à mon avis un peu plus politisé », dit-il. Ainsi, les promoteurs belges privilégieront plus une approche par concours pour faire des sites hors des sentiers battus. Ils prendront plus de risques que les allemands ou les luxembourgeois qui sont davantage prudents, mais feront éventuellement des marges records. Bien sûr, on trouvera toujours quelques exceptions comme Éric Lux (Ikogest) qui souhaite continuer à sortir des projets à risque, comme il l’avait fait durant la crise avec l’Atrium (16.000 m²) et les services annexes (restauration, crèche…), à Bourmicht. Tels sont les « tropismes » de la promotion luxembourgeoise.

Devenir du produit - Vendre ou louer ?

Certaines sociétés de promotion répondent davantage à une philosophie de gestion patrimoniale. C’est le cas du groupe Schuler, dont le directeur
général, Xavier Delposen, indique qu’ils n’agissent « pas vraiment dans une logique de promoteur-spéculateur, la société ayant pour but premier de développer et de conserver en location les immeubles construits ». Le groupe Becca, lui, vend tout le résidentiel, mais loue les bureaux dans un premier temps. Codic, elle, les revend à des institutionnels.