«Après les investissements très importants réalisés après 1995 pour créer des infrastructures culturelles, d’autres lieux ont émergé dans la foulée de 2007, mais sont pour la plupart précaires et éphémères», a commencé à rappeler Robert Garcia, qui animait la soirée. Il cite ainsi Carré, Hariko, Banannefabrik, Luca, Bamhaus, 1535°…
Pénurie d’espaces de travail
Or, le nombre d’acteurs travaillant dans le domaine de la création artistique et de la culture ne cesse de croître, ce dont chacun se félicite. Mais les espaces de travail de création manquent cruellement, en particulier à des tarifs abordables. Avec le ton provocant qu’on lui connaît, il lance le débat: «Est-ce que le marché immobilier doit décider de la création artistique?»
Plusieurs pistes et réflexions ont été soulevées de part et d’autre. La mise en place d’un inventaire des lieux vides qui pourraient se prêter à des ateliers serait une première étape, avec une mention claire du propriétaire des lieux, car bon nombre de ces bâtiments industriels sont à des mains privées, ArcelorMittal notamment. «L’État et les communes ne sont pas propriétaires des lieux, mais peuvent faire pression sur eux lors de négociations ou lors de l’établissement de PAG», pointait François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures.
Plusieurs lieux ont été évoqués de manière précise. La Hall des soufflantes de Belval continue à diviser un ministère de la Culture qui ne veut pas y investir et se retranche derrière des questions budgétaires, alors que de nombreux acteurs culturels, dont Esch 2022, y voient un espace de création idéal. «À titre personnel, je pense que le Hall des soufflantes doit être réservé à la culture», a jeté dans la marre le ministre écologiste.
L’ancien Laboratoire national de santé, à Bonnevoie, semble attiser les convoitises, mais vient à peine de se libérer et n’a pas encore de destination, alors que Lydie Polfer, bourgmestre de Luxembourg, a annoncé que les anciens abattoirs seraient destinés à la création après le déménagement du Service des sports, d’ici trois ans. Une annonce qui reste à clarifier, puisque l’endroit était plutôt promis à l’installation de start-up.
L’expérience du 1535° de Differdange pourrait servir d’exemple pour le mélange d’industries créatives qui y prennent place. Les chiffres présentés par sa directrice, Tania Brugnoni, sont à ce titre éloquents: «458 personnes travaillent au 1535°, dont une centaine pour le studio d’animation Fabrique d’images. Ces activités génèrent 1 million d’euros de loyer à la Ville de Differdange, qui a investi 13 millions, et rapportent entre 3 et 3,5 millions à l’État en fiscalité.»
«Une plus-value sociale»
Les créatifs peuvent donc aussi rapporter. Et pas seulement en taxes et impôts. «Nous ne sommes pas seulement demandeurs», a insisté Andrea Rumpf, directrice du Luca. «Nous apportons une plus-value sociale aux lieux où nous sommes: une vie de quartier, une occupation qui freine le vandalisme, des emplois induits dans le commerce et la restauration…» «Un apport social non négligeable pour des populations qui n’ont pas - ou peu - accès à la culture», a renchéri Marianne Donven, qui gère de Hariko, qui devra bientôt quitter le bâtiment qu’il occupe.
«Le but de la table ronde était de lancer le dialogue entre les créatifs qui sont demandeurs et les décideurs et maîtres de lieux», résumait Robert Garcia pour Paperjam.lu. En effet, la rencontre a permis, d’une part, aux politiques d’«initier une prise de conscience sur les besoins réels d’un secteur trop souvent réduit à une vision romantique et de mesurer l’importance de la demande en termes d’aménagement du territoire».
D’autre part, pour les artistes et créatifs, «il est apparu essentiel de se mobiliser, se rassembler, se coordonner et mutualiser les demandes pour être plus fort et plus précis».