Christian Heinzmann: «Nous préparer pour mieux travailler dans le futur.» (Photo: Frédéric Di Girolamo)

Christian Heinzmann: «Nous préparer pour mieux travailler dans le futur.» (Photo: Frédéric Di Girolamo)

Alors que s'achève l'année commémorant le 40è anniversaire du premier vol d'un avion opérant sous pavillon Luxair (Luxembourg-Paris, le 31 mars 1962), la compagnie aérienne ne se porte pas trop mal. Christian Heinzmann, Directeur Général, et Président du Comité de Direction est même confiant: sauf imprévu de dernière minute - ce qui reste encore dans le domaine du possible compte tenu du risque persistant d'actions terroristes, d'une part, et de déclenchement d'un conflit armé en Irak, d'autre part - les prévisions  ‡ ‡de début d'année sont en passe d'être dépassées.  Un nouveau nombre record de passager devrait être enregistré, puisque le cap du million a déjà été atteint pour l'ensemble des neuf premiers mois. Le sommet de 2001 (1,142 million, dont près de 75% issus de la clientèle ‘affaires’) ne sera bientôt plus qu'un souvenir...

 Ainsi, la grande opération de redressement déjà engagée au cours de l'année 2001 permet-elle à la compagnie de passer sans trop d'encombres les fortes turbulences économiques actuelles. "Ça va mieux, mais il reste beaucoup de choses à faire tempère néanmoins Christian Heinzmann. Nous avons adopté plusieurs stratégies à moyen terme, avec, comme mot d'ordre, la simplicité: essayer de faire encore mieux ce qu'on fait bien aujourd'hui".

 Si la croissance de la fréquentation est un signe indéniable de bonne santé, les autres métiers de Luxair ont plus ou moins souffert de la conjoncture délicate. Les domaines les plus touchés ont incontestablement été les activités aéroportuaires, qui ont eu à subir directement les conséquen- ‡ ‡ces de la 'disparition' de la Swissair, de Sabena, et du retrait de Tarom ou de TunisAir: moins de passage, moins de clientèle, moins de catering, moins de shopping: l'impact a donc été global.

En revanche, les activités Cargo n'ont pas été spécialement affectées, pas plus que la branche Luxair Tours, qui a su renouveler son offre, créer des produits sur mesure pour les marchés limitrophes français et allemand, que ce soit des produits de luxe ou des produits "premier prix", le client ayant ainsi à sa disposition une gamme la plus vaste possible.

 "Et puis, c'est généralement à la veille de la crise que ça va mal. Une fois que la crise est là, les gens commencent à bouger, les sociétés commencent à respirer et à devenir très agressives pour reprendre des parts de marché. Cela se traduit par des fréquences de voyages multipliées. Nous sommes un peu au pied de la colline et prêts à la remonter. Mais malheureusement, des événements comme l'attentat de Bali montrent combien la situation est précaire et peut basculer à nouveau à chaque instant" s'inquiète M. Heinzmann.

Mot d'ordre: diversification

 Pas question, donc, d'afficher une euphorie excessive et débordante. La maîtrise des coûts d'exploitation, via une meilleure rentabilisation des vols, est plus que jamais d'actualité. Une réflexion qui, progressivement, va amener la compagnie à modifier son plan de vol traditionnel, préférant les vols moyen courrier aux petits trajets, et sans remettre en cause en aucune façon, les longs courriers. "Il est important de diversifier nos destinations, tout en ayant à l'esprit que les avions coûtent cher et qu'il faut vraiment les utiliser d'une façon très efficace. Les moyens courriers se prêtent plus à l'aviation que les petits courriers" explique M. Heinzmann, conscient de la nécessité de trouver des créneaux dans lesquels Luxair ne se retrouve pas en concurrence avec le train ou le réseau autoroutier, comme cela peut être le cas sur des courtes distances. "Dans un rayon traditionnel de 1.500 nautiques (2.800 km environ, NDLR) l’air apporte clairement une plus-value par rapport aux autres modes de transport. Nous sommes donc en train de réfléchir sur une série de destinations potentielles telles que Varsovie, Prague, Moscou ou Athènes. Cela ne veut évidemment pas dire que nous n'allons pas continuer à voler sur Paris ou Francfort, mais nous développons une stratégie vraiment marquée par une diversification poussée, tant au niveau des activités aériennes qu'aéroportuaires". Première 'nouvelle' destination à venir: Dubrovnik, qui sera reliée une fois par semaine, sans doute à partir du mois d'avril 2003.

 Il ne s'agit là que d'un volet de l'ambitieux programme en cours de développement: nouveaux produits Luxair Tours plus "sexy"; diversification de l'offre "handling"; promotion accrue au niveau des stations Luxair à l'étranger: la liste est certainement non exhaustive et un groupe de travail "customer care" a d'ailleurs été constitué afin de se poser les bonnes questions et réfléchir sur un ensemble de dispositions permettant d'améliorer davantage le service apporté à la clientèle.

 "J'avais annoncé que je voulais le faire, mais nous ne sommes toujours pas arrivés à notre but. Nous devons parvenir à proposer des produits meilleurs, encore plus alléchants" estime M. Heinzmann, qui souhaite placer l'informatique au cœur des développements en cours, sans pour autant renier les circuits commerciaux traditionnels: "Nous avons évidemment besoin des agences de voyages et nous allons travailler de plus en plus avec elles. Mais nous sommes aussi conscients qu'il y a une cible de gens désireux de procéder directement par Internet. Il nous faut donc développer les deux axes afin de se positionner d'une façon tout à fait correcte dans tous les segments de marché".

 Si les sujets de réflexion sont encore nombreux en la matière, une première réalisation concrète a récemment vu le jour, avec la possibilité donnée aux passagers de Luxair Tours de choisir, en ligne, les sièges qu'ils veulent occuper dans l'avion, grâce à une interface qui permet de visualiser la cabine de l'avion et son état de remplissage, siège par siège, avec prise en compte des contraintes d'occupation particulières, notamment pour les enfants.

Savoir-faire et faire-savoir

 C'est aussi par le biais de l'outil informatique que Luxair entend trouver quelques parades à la concurrence de plus en plus agressive des compagnies "low cost", à la tête desquelles on peut évidemment citer Ryanair, très présente sur les sites aéroportuaires voisins de Charleroi et de Hahn. Les experts en aviation estiment d'ailleurs qu'à l'horizon 2006, les compagnies de ce genre seront susceptibles de détenir une part de marché de 25% dans le ciel européen.

 Si Luxair n'a jamais revendiqué être une compagnie "bon marché", Christian Heinzmann regrette que tout une série de tarifs avantageux ne soient pas suffisamment mis en valeur. "Nous aussi nous offrons de nombreux prix intéressants, mais peut-être ne les avons-nous pas toujours bien annoncés, quand bien même ils ont toujours existé. Nous disposons désormais d'une informatique puissante qui, non seulement nous permet d'être en mesure d'offrir à notre clientèle ces prix très intéressants, tout à fait dans le même esprit que ces low costs, mais également de mieux le faire savoir. De gros efforts seront réalisés dans la communication".

 Pour autant, le Directeur général de Luxair ne voit pas, dans ces compagnies low costs une menace pertinente et réelle sur le long terme, en dépit des nombreuses aides de la part des régions où elles ont établi leurs points de chute que de la part de la Commission européenne. "Dans l'aviation, il n'y a pas de miracle martèle M. Heinzmann. Les compagnies low costs payent très mal leurs employés. Elles sont actuellement subsidiées et ont des avantages logistiques énormes, mais ça ne pourra pas toujours être le cas ! Dans quelques années, lorsque la reprise économique battra son plein, de telles sociétés auront moins de débouchés qu'elles n'ont aujourd'hui. Et même si c'est, aujourd'hui, un avantage pour la clientèle, un jour quelqu'un paiera les pots cassés et ce sera toujours le contribuable. Car une faillite, il faut bien que quelqu'un la paie, et ce seront toujours les mêmes".

S'adapter à l'air du temps

 Incontestablement, Luxair vit actuellement une période charnière, et le cap passé de la quarantaine va être l'occasion pour elle de s'offrir comme une seconde jeunesse. Du côté de la direction, on planche ainsi très assidûment sur une série de réflexions stratégiques, avec le soutien d'experts de l'aviation anglo-saxons, afin de faire un bilan complet de l'existant et de jauger la faisabilité des objectifs fixés. "Il ne s'agit pas, pour nous, de faire machine arrière, mais simplement déjà nous préparer pour mieux travailler dans le futur. On pourrait assimiler la période que nous vivons à une sorte de retraite, un temps de méditation, où l'on apprend d'abord à mieux nous connaître nous-mêmes".

 Pour une société qui a une si longue existence, le changement des mentalités n'est pas particulièrement aisé à l'heure où il convient de se demander si ce qui est fait aujourd'hui est toujours à la hauteur de ce qui devrait être fait. Au sein du comité stratégique qui réfléchit à la question, la formule visée consiste à prendre tout ce qu'il y avait de bon dans le passé, de concret aujourd'hui et de visionnaire pour le futur: "on combine ces trois ingrédients afin de tendre à une situation que nous souhaitons idéale, même si on sait qu'elle n'existe pas".

 Ce n'est évidemment pas en quelques mois que l'image véhiculée par la compagnie depuis 40 ans va changer. Néanmoins, de nombreux efforts sont encours pour modifier l'image de marque peut-être un peu "vieillotte" actuellement. Un premier pas a été franchi avec la "colorisation" du nom "Luxair" sur les carlingues des avions, passé du noir au bleu-vert symbole de la compagnie.

 Mais il y a beaucoup plus spectaculaire à attendre dans un prochain temps, avec l'annonce d'un relookage plus en profondeur des couleurs de la compagnie: le logo, très style "années 60", va ainsi subir un lifting, en même temps que la "fadeur" sera revue et corrigée, afin d'épouser "un coloris et un style tout à fait adaptés à l'air du temps".

 Ce profond bouleversement, qui va également se répercuter sur la couleur des sièges mais aussi de tous les supports de communication, n'est toutefois pas programmé dans l'immédiat. Sans doute pas avant le début du processus de changement de la flotte, autre grand chantier crucial pour la compagnie.

Actuellement, le parc d'avions de Luxair se compose de 4 Fokker 50, 8 Embraer ERJ-145 et 5 Boieng (3 du type 737/500 et 2 737/400). Il est prévu, dans un délai de 18 mois, de se séparer des Fokker, mais rien n'est encore décidé quant au profil de la flotte à venir. L'idée, un temps évoquée, d'une flotte unique, n'étant plus tellement d'actualité, il convient donc de trouver une solution qui permette un maximum de souplesse compte tenu de l'étroitesse du marché "local": Airbus, Boeing, Canadair, Dornier, Embraer... Les candidats ne manquent pas, mais il n'existe pour l'instant aucune offre convenable dans une configuration modulable entre 70 et 120 places, adaptables. Le marché est, certes, actuellement plutôt attractif pour les acheteurs d'avions, mais la précipitation n'est pas dans les habitudes de la maison.

 Ainsi la compagnie sera-t-elle sans doute largement fin prête dans son nouveau costume lorsque l'extension de l'aérogare du Findel sera achevée, à l'horizon 2007. Un dossier qui avait provoqué, en son temps, quelques remous suite au désormais légendaire "aéroport africain" dont Christian Heinzmann avait gratifié les actuelles infrastructures de l'aéroport de poche luxembourgeois. "On a passé un creux avec l'interruption des travaux pour cause de procédure commodo-incommodo. Aujourd'hui, tout le monde est enthousiaste à l'idée que les choses bougent à nouveau. Quand on voit comment Charleroi, Hahn ou Metz-Nancy investissent beaucoup dans leurs infrastructures, il n'est de toute façon pas concevable que Luxembourg loupe, aujourd'hui, cette occasion de faire quelque chose. Il faut clairement que son aéroport reflète le haut standing du pays".