Début août, dans l'affaire des dysfonctionnements du service de renseignements luxembourgeois – qui a fait tomber la coalition gouvernementale –, l’ex-chef des opérations du Srel, Frank Schneider, livrait sa version à paperJam.lu.
L’ex-espion pointait notamment les auteurs du rapport de la Commission d’enquête parlementaire qui l’ont mis en cause. En s’appuyant, disait-il, sur une note «très personnelle» d’un ancien fonctionnaire au ministère de l’Économie luxembourgeois, négative envers lui et Sandstone, la société de renseignement économique qu’il a développée.
L’auteur de ladite note, Jean-Claude Knebeler, actuellement consul du Luxembourg à New-York, n’a pas tardé à réagir. Cette note, précise-t-il, n’avait «rien de personnel».
Du secret public à l’intelligence privée
«La rédaction d’une note interne, établie pour les besoins et dans le cadre de l’analyse d’un projet de création ou d’implantation d’une nouvelle société, surtout lorsque les promoteurs de projets demandent des appuis financiers publics ou sollicitent des entrevues avec le ministre du ressort, relève d’une pratique administrative tout à fait normale», confie M. Knebeler à paperJam.lu.
À partir de 2007, Frank Schneider (à qui la commission d’enquête parlementaire reproche d’avoir profité de sa position au Srel et d’avoir utilisé des informations classifiées pour servir des intérêts personnels) envisage de créer une société privée active dans le renseignement économique.
«Son idée, à l’époque, résidait dans le développement d’une émanation du Srel, appuyée par le ministre de l’Économie et le Premier ministre, qui pourrait rendre des services à l’État. Je me suis directement inquiété du possible ‘transfert de savoir’ du renseignement vers le projet privé de M.Schneider, sur lequel l’État n’aurait aucun contrôle», précise Jean-Claude Knebeler. «En revanche, je pensais qu’une entreprise active dans les renseignements économiques, délivrant des services à des acteurs privés au Luxembourg, avait sans doute sa place au Luxembourg.»
Soutien financier
Vu la demande de financement public introduite auprès de la Société nationale de crédit et d'investissement (SNCI), le fonctionnaire a donc émis la proposition qu’il y avait lieu d’analyser le projet de création de cette société, «sur base de seules considérations d’ordre économique et non pas de le juger comme une émanation qui serait souhaitée par certaines autorités publiques». Sandstone a d’ailleurs pu bénéficier d’un soutien financier non négligeable.
Aussi, aujourd’hui, Jean-Claude Knebeler s’étonne de la violence des propos de l’ex-espion dans la presse à son égard. Et précise, contrairement à ce que prétend M. Schneider, n’avoir été «mis en panique à aucun moment».
La note de M. Knebeler comportait une autre mise en garde: «Il faut tenir compte du fait que M. Schneider était directeur des opérations du Srel pendant huit ans et va très probablement, en tant que défense désespérée, essayer d’utiliser des informations dont il a eu connaissance durant cette période contre des décideurs impliqués.»
Devoir de citoyen
L’ancien fonctionnaire juge que la Commission a appuyé ses conclusions sur des éléments autrement plus tangibles que sa seule note de trois pages. «Il y a bien d’autres affaires dans lesquelles le nom de Frank Schneider apparaît», glisse-t-il.
Il reste que la stratégie de défense de M. Schneider comprend aussi une plainte pour diffamation déposée au parquet de Luxembourg. Elle vise quatre personnes, parmi lesquelles Jean-Claude Knebeler. Frank Schneider a ainsi fait savoir au parquet qu’il est prêt à faire «des révélations relatives à de graves faits d’espionnage et de corruption», concernant au moins une des personnes visées par la plainte, pour des dossiers qui n’auraient pas été évoqués jusqu’ici.
«J’ai découvert l’existence de cette plainte par la presse», assure Jean-Claude Knebeler. «Je ne peux donc pas savoir de quoi il parle. Mais M. Schneider, par le passé, a souvent fait état de révélations de ce genre… Qui se sont souvent révélées infondées. En tant que citoyen luxembourgeois, s’il a des révélations à faire, il est de son devoir d’approcher la Justice et de les partager sans attendre. De mon côté, je suis extrêmement serein.»