«Le Grand-Duché constitue une plateforme très intéressante pour les fintech», analyse Luc Holper, managing director chez Six Payment Services. (Illustration: Maison Moderne)

«Le Grand-Duché constitue une plateforme très intéressante pour les fintech», analyse Luc Holper, managing director chez Six Payment Services. (Illustration: Maison Moderne)

Alors que le développement des fintech dans leur ensemble s’est accéléré ces dernières années, certaines jeunes pousses ont choisi d’investir plus particulièrement le créneau du paiement. Avec des solutions innovantes, elles facilitent les transactions, transforment nos habitudes de consommation. Si la carte bancaire demeure le moyen de paiement le plus utilisé au Luxembourg, de nombreuses solutions de paiement alternatives entrent aujourd’hui en concurrence avec elle. Ces dernières répondent à de nouveaux besoins exprimés par les clients et les marchands, en s’appuyant sur les récentes évolutions technologiques.

Sur tous les canaux, et vite

Les nouvelles technologies, et particulièrement la généralisation de l’usage du smartphone, ont contribué à transformer les modes de paiement, chaque transaction pouvant désormais être effectuée via une large variété de canaux. D’après la dernière enquête annuelle Digital Payments Study menée par Visa, 60% des résidents luxembourgeois ont déjà utilisé un service «card on file», un service de paiement mobile ou un portefeuille numérique tel que PayPal. «Aujourd’hui, le client veut pouvoir payer où qu’il soit, à n’importe quel moment, non plus seulement en passant par un terminal physique, mais également via le web ou une application mobile», explique Damien Estrade, head of business development chez 3C Payment. Du côté des commerçants, les attentes sont similaires. «De plus en plus de marchands vendent désormais à la fois en magasin physique et à travers une plateforme e-commerce. Ils souhaitent donc pouvoir s’appuyer sur des solutions qui leur permettent de gérer plus facilement l’ensemble de leurs flux de paiement», précise Luc Holper, managing director de Six Payment Services.

Quel que soit le canal privilégié, le paiement doit aussi pouvoir être effectué le plus simplement et rapidement possible, sans délai. «On va vers une ‘instantanéité transactionnelle’, tout en prenant en compte les fortes contraintes sécuritaires», déclare Damien Estrade. La mise en place, l’an dernier, du paiement sans contact au Luxembourg est un premier pas vers une expérience utilisateur améliorée, plus fluide. Avec les cartes équipées de la technologie NFC émises par les banques, fini de valider la transaction via un code. Il suffit de passer la carte à moins de 10 centimètres d’un terminal de paiement compatible pour qu’elle soit débitée.

Le développement du paiement biométrique, à travers des cartes intégrant un lecteur d’empreinte digitale ou des terminaux dotés d’un logiciel de reconnaissance faciale ou d’authentification de l’iris, par exemple, permettrait également de mieux sécuriser, mais aussi de faciliter et accélérer le processus de paiement. Les géants du web l’ont bien compris. Amazon et Alibaba, notamment, testent depuis plusieurs années déjà ces nouveaux modes de paiement. Dans ce contexte, «le challenge, pour les entreprises actives dans le domaine du paiement, et particulièrement pour les fintech, consiste à trouver le bon équilibre entre innovation, sécurité maximale, rapidité de paiement, confort d’utilisation et valeur ajoutée pour le consommateur», souligne Luc Holper.

Blockchain, machine learning et big data

Si la carte bancaire évolue, c’est aussi pour mieux faire face à la concurrence induite par le paiement mobile. «Nous sommes entrés dans une ère de dématérialisation des cartes et des terminaux», indique Luc Holper. «On prévoit une forte croissance des méthodes de paiement alternatives. Apple Pay, Android Pay, mais également les solutions WeChat Pay ou Alipay, tout droit venues du marché chinois, sont en pleine expansion, avec toutes les opportunités que cela représente pour le marché», ajoute Damien Estrade. La directive européenne PSD2, qui oblige notamment les banques à ouvrir l’accès aux données des comptes de leurs clients à des acteurs tiers, va d’ailleurs dans ce sens. «Le texte cherche à créer un marché unique au niveau des paiements et, d’une certaine façon, à permettre le déploiement de nouveaux moyens de paiement. On devrait donc voir apparaître des alternatives à la simple carte de crédit, qui est aujourd’hui encore utilisée dans la majorité des cas, que l’on réalise des transactions sur internet ou en magasin», souligne David Hagen, premier conseiller de direction à la CSSF.

Au cours des prochaines années, le domaine du paiement devrait encore connaître d’importantes évolutions. Cloud, big data, blockchain, intelligence artificielle… Toutes ces technologies émergentes, bien représentées à Luxembourg, constituent un levier de croissance important pour les acteurs de la fintech qui imaginent de nouveaux moyens de paiement. «Comme de nombreux acteurs économiques, les fintech ont un intérêt à se positionner désormais sur l’exploitation des données, pour notamment mieux aider les marchands à améliorer l’expérience offerte au client», indique Damien Estrade. La société HiPay, par exemple, s’est engagée dans cette voie. En exploitant la puissance des données, cet acteur français fait du paiement non plus une simple étape dans le processus d’achat, mais un véritable moyen, pour le marchand, d’optimiser ses performances commerciales. Parallèlement, l’intelligence artificielle pourrait devenir un outil d’assistance pour les opérateurs de paiement. «Certains commencent à proposer un support lié aux problématiques de paiement ou concernant les terminaux via des robots intelligents, plutôt que via un customer service traditionnel, tel que nous le connaissons», souligne encore Damien Estrade.

Le Luxembourg, un terreau fertile

L’utilisation de ces technologies amène toutefois son lot d’interrogations, notamment en matière de régulation des acteurs, de protection et de sécurité des données. Le Luxembourg, soucieux de développer un cadre légal régissant clairement tous les acteurs du paiement, n’a pas attendu pour se pencher sur la question. «Face aux produits fintech que l’on voit apparaître sur le marché, liés à la blockchain, aux robo-advisors, au data mining, etc., nous avons constitué un groupe de travail afin de discuter de la nécessité ou non de les réguler et, dans l’affirmative, de voir comment nous pouvons le faire, explique David Hagen. Au cas par cas, nous regardons les éventuels risques que peuvent présenter ces nouvelles initiatives, nous étudions ce qui les différencie d’une activité financière traditionnelle et, sur cette base, nous déterminons si l’on peut utiliser des cadres réglementaires existants, ou bien s’il faut les adapter ou en définir de nouveaux.»

Si la CSSF opte pour une position ouverte à l’égard de ces évolutions technologiques et des nouveaux modes de paiement, c’est toujours en veillant à garantir le respect du cadre réglementaire en place. «Nous ne sommes pas en train de détourner l’esprit des directives ou de mettre en place des cadres spécifiques pour les fintech au Luxembourg, précise David Hagen. Les acteurs innovants qui s’installent au Grand-Duché sont plus intéressés par le passeport européen que par le marché local. C’est donc notre interprétation de la réglementation européenne qui compte.»

Alors que plusieurs capitales rivalisent pour devenir attractives aux yeux des fintech, le Luxembourg, outre sa proactivité en matière de réglementation, dispose des atouts nécessaires pour devenir l’un des principaux hubs dans le domaine du paiement. «Place financière reconnue et pôle de référence dans l’IT, le Grand-Duché regroupe des acteurs bien établis dans le secteur financier et des jeunes pousses innovantes, créant ainsi un mélange dynamique, commente Luc Holper. À cet égard, le Grand-Duché constitue une plateforme très intéressante pour les fintech désireuses de développer les solutions de paiement de demain et de les exporter dans d’autres pays européens.»