Keith O’Donnell (Atoz) estime que certaines sociétés vont revoir leur intérêt pour le Luxembourg. (Photo: Maison Moderne / Archives )

Keith O’Donnell (Atoz) estime que certaines sociétés vont revoir leur intérêt pour le Luxembourg. (Photo: Maison Moderne / Archives )

Après un vote en conseil de gouvernement la semaine dernière, le projet de loi visant la transposition dans la législation luxembourgeoise de la directive européenne anti-évasion fiscale Atad (Anti-Tax Avoidance Directive) a été déposé à la Chambre des députés cette semaine.

Selon les exigences de la Commission européenne, les États doivent l’appliquer au 1er janvier 2019. Entre-temps, une directive Atad 2 est déjà dans le circuit pour corriger la première version. Ce second texte sera applicable en droit national un an plus tard, en janvier 2020.

«Globalement, le Luxembourg a pris les devants et a déjà prévu dans sa loi les dispositions de la seconde directive», pointe Keith O’Donnell, managing partner d’Atoz Tax Advisers. Un choix qui pourrait d’ailleurs susciter le débat: «Faut-il vraiment mettre en place des mesures restrictives avec un an d’avance?»

De Beps à Atad

Mais revenons à la base. La directive Atad est avant tout la traduction en droit européen du projet Beps (Base Erosion and Profit Shifting), mis en œuvre par l’OCDE à la demande du G20. Beps a proposé un ensemble de règles désormais admises au niveau international pour en finir avec les stratégies d’optimisation fiscale des multinationales.

Atad reprend ses grands principes (limitation de la déduction des intérêts, imposition à la sortie, introduction d’une clause anti-abus générale et adoption de règles spécifiques aux sociétés étrangères contrôlées), tout en prévoyant certaines options que les États membres sont libres d’adopter.

«Dans l’ensemble, le Luxembourg a choisi les options les plus favorables pour le contribuable. Il aurait pu prendre une ligne plus dure, mais s’est bien gardé de le faire, ce qui semble logique», note Keith O’Donnell.

Le Luxembourg a choisi les options les plus favorables pour le contribuable.

Keith O’Donnell, managing partner d’Atoz

Au niveau de la déductibilité des intérêts, par exemple, la directive prévoit une limite maximale de 3 millions d’euros. Le projet de loi prévoit cette limite maximale, mais a aussi fait le choix de l’appliquer à chaque entité et non pas au niveau du groupe, ce qui offre un périmètre nettement plus avantageux.

«Mais dans l’ensemble, la philosophie du projet de loi a été de ne pas trop s’écarter des lignes majeures de la directive. Il a choisi les options favorables, mais ne prétend pas en faire plus ni moins», précise l’expert en fiscalité.

La Commission européenne surveille d’ailleurs de très près le processus de transposition par les États, et celui qui tenterait de trop s’en écarter se fera rappeler à l’ordre. En plus, l’actuel gouvernement, pour en finir avec le passé, a voulu se montrer bon élève et a soutenu le projet Beps depuis le début.

«Il est clair que ça a joué au niveau de la transposition. Il fallait se montrer cohérent avec le discours, même si le Luxembourg veut rester attractif pour les entreprises», commente monsieur O’Donnell.

Des départs à envisager

Au niveau de l’impact que la directive aura sur les entreprises installées au Grand-Duché, il estime que certaines sociétés qui bénéficiaient jusqu’à présent de certains avantages vont quitter le pays. Ou, en tout cas, déplacer certaines activités. «Il est délicat d’en estimer l’ampleur. Je ne vois pas une vague de départs massive, mais sans doute significative quand même.»

Mais pour Keith O’Donnell, le véritable enjeu, une fois la directive transposée et donc la base taxable harmonisée avec les autres pays de l’UE, sera de rester compétitif au niveau fiscal. «La question est donc désormais de voir ce que le Luxembourg va prendre comme mesures au niveau du taux d’imposition pour rester concurrentiel. Ce sera un enjeu pour le prochain gouvernement.»