Savoir bien s'entourer fait partie des atouts essentiels à la réussite d'un entrepreneur. René Elvinger l'a bien compris… (Photo: Sven Becker)

Savoir bien s'entourer fait partie des atouts essentiels à la réussite d'un entrepreneur. René Elvinger l'a bien compris… (Photo: Sven Becker)

Naît-on entrepreneur ou le devient-on? Presque aussi récurrente que celle de la poule ou de l’œuf, cette question a toujours occupé les esprits dès qu’il s’agit de creuser un peu la thématique et d’identifier les vents porteurs qui poussent les créateurs (ou repreneurs) d’entreprises.

Dans leur étude menée en marge de l’organisation, en 2013, de la quatrième édition de l’Entrepreneur de l’année, et publiée en cette rentrée d’automne, les analystes d'EY ont néanmoins répondu à cette question: on devient bel et bien entrepreneur. «Cela veut dire consentir d’énormes efforts, être passionné et convaincu de son idée, mais aussi accepter de prendre des risques, y compris personnels, et savoir s’entourer de personnes compétentes pour ne pas le faire seul. Même en grandissant dans une famille entrepreneuriale, on n’est pas automatiquement entrepreneur», résume Yves Even, entrepreneurship, SME and family business leader chez EY Luxembourg, en charge du programme «Entrepreneur de l’année» au Grand-Duché. Et de constater que plus de la moitié des entrepreneurs ayant participé à l’étude a effectué une transition par (au moins) un poste en entreprise avant de monter leur propre affaire.

Difficile de ne pas reconnaître le caractère essentiel de l’entrepreneuriat au sein d’une économie, surtout au regard des taux de chômage toujours plus élevés dans les États de l’Union européenne. L’une des réponses à cette situation réside dans la capacité – mais aussi la volonté – de chacun de prendre son destin en mains et de s’approprier soi-même son futur, plutôt que d’attendre qu’il lui soit plus ou moins imposé. Dans une économie aussi géographiquement concentrée que celle du Luxembourg, le phénomène prend sans doute d’autant plus d’ampleur. «Qui donne les emplois, ici? Ce ne sont pas uniquement les multinationales, fait remarquer M. Even. Au Luxembourg, 45% des emplois sont apportés par l’entrepreneuriat en général… N’oublions pas qu’il y a 30.000 PME au Luxembourg qui emploient environ 170.000 personnes et cumulent un chiffre d’affaires de près de 60 milliards. L’entrepreneuriat est donc nécessaire ici.»

Du reste, une autre étude, internationale, le Global entrepreneurship monitoring, présentée début juillet par la secrétaire d’État à l’Économie, Francine Closener, montre qu’en matière d’entrepreneuriat, la perception des atouts que représente le fait de se lancer à son propre compte est bien réelle.Ainsi, 45,6% des personnes interrogées au Grand-Duché (un échantillon de 2.005 personnes) dans le cadre de cette étude y voient-elles une réelle opportunité. Cela place le Luxembourg en 3e position du classement international! Mais ils ne sont dans le même temps que 39,4% à estimer que cela constitue un bon choix de carrière, soit un des plus faibles totaux de l’échantillon.

Ce paradoxe se retrouve dans une autre paire de chiffres: 19% des personnes interrogées se déclarent prêtes à lancer leur entreprise dans les trois ans à venir, mais ils ne sont que 10,9% à être en passe de, concrètement, devenir leur propre patron.

Le taux d’activité entrepreneuriale au Luxembourg (8,7%) est néanmoins jugé «encourageant» par Mme Closener, puisqu’il est supérieur à la moyenne communautaire et à ce qui est observé chez les proches voi<sins (moins de 5% pour la France, la Belgique ou encore l’Allemagne). Mais il ne masque pas le fait que, comme le souligne Yves Even, «l’esprit entrepreneurial est sous-développé au Luxembourg et il ne faut pas arrêter de le mettre en évidence. Le modèle luxembourgeois, celui où l’on fait de l’argent avec de l’argent, ne peut pas continuer. Le temps a changé et l’esprit entrepreneurial doit revenir au Luxembourg.»

Il faut pour cela être en mesure de surmonter bon nombre d’obstacles. Ce n’est pas un hasard si le volet luxembourgeois du GEM indique qu’ils sont plus de la moitié (54%) à estimer qu’il est «difficile», voire «très difficile» de démarrer un business au Luxembourg.

Les moyens d’investir

Ces obstacles sont connus et mis en exergue par l’analyse réalisée par EY et qui se base, lui, sur un échantillon de quelque 685 entrepreneurs, ainsi que sur des entretiens approfondis parmi les candidats et les finalistes du Prix (décerné, au final, en décembre dernier, à René Elvinger, CEO du groupe Cebi International, alors que Norbert Friob – Prefalux – a reçu le prix spécial du jury).

Le financement, les ressources humaines et le savoir-faire sont ainsi identifiés comme étant les principales embûches rencontrées sur la route entrepreneuriale.

L’argent reste, bien évidemment, l’un des principaux nerfs de la guerre. «Les sociétés établies, en particulier les structures familiales, se financent essentiellement via leurs banques, relève Yves Even (EY). Mais les jeunes qui se lancent ne peuvent pas vraiment le faire. Avec les nouvelles dispositions réglementaires concernant les fonds propres, les banques sont de plus en plus amenées à investir dans des portefeuilles sûrs, composés d’obligations d’États ou d’actions de sociétés disposant d’un bon rating. Il existe bien sûr quelques initiatives au Luxembourg, via la SNCI, par exemple, ou certains investissements de type private equity, mais elles ne sont pas suffisantes.»À noter tout de même que la santé financière des entrepreneurs repris dans l’étude d’EY est plutôt bonne, puisque leur structure laisse apparaître un ratio de dette à long terme d’à peine 20% du bilan, et des capitaux propres de 36% du bilan. «Cela donne une énorme stabilité financière à ces entreprises, note M. Even. Ces sociétés et ces entrepreneurs ont les moyens pour investirdans leur développement. Et ils le font!»

Pour accéder aux capitaux, les pistes ne manquent pas: venture capital, business angels, crowd-financing, microfinance… mais elles ne sont pas toujours connues ou toujours accessibles. «L’impulsion doit venir de tous les niveaux de la chaîne, y compris du secteur public qui devrait davantage promouvoir les possibilités de financement qui existent, estime M. Even. Il ne s’agit pas uniquement de subventionner l’une ou l’autre machine, mais aussi les compétences.»

Valoriser l’humain

Le capital humain constitue évidemment un autre des piliers majeurs de la problématique entrepreneuriale. Savoir s’entourer des bonnes personnes, les attirer et les retenir… «Les entrepreneurs rencontrés ont tous conscience que pour faire évoluer leur société, il faut capitaliser sur l’humain, confirme Nicolas Manconi, EoY responsible manager chez EY Luxembourg. Cela passe par une adhésion à la culture d’entreprise, une flexibilité, une capacité d’adaptation aux changements et, évidemment, une véritable expertise.»Et de noter que le management des entreprises a davantage le souci d’une plus grande visibilité et transparence vis-à-vis des employés. «Nous sommes de moins en moins dans un schéma de transmission d’informations de type ‘top-bottom’. Au contraire, on écoute aussi davantage ce que le personnel a à dire pour faire avancer la société. Cela passe également par la mise en place d’outils internes de communication tels les intranets ou les messageries internes.» Et cela se traduit aussi par une plus grande attention dans le développement des compétences et une meilleure motivation par la valorisation de leurs tâches.Une fois l’assise financière et humaine bien en place, les entrepreneurs ont, évidemment, pour ambition de générer de la croissance, aussi bien pour assurer la pérennité de leur entreprise que pour répondre à une ambition personnelle. Une croissance que les intéressés définissent prioritairement par une augmentation de la valeur ajoutée, du savoir-faire et de la qualité. Parallèlement à ces facteurs «internes», les grands sujets récurrents relatifs à l’environnement des affaires reviennent régulièrement au premier plan. «Plus de la moitié des entrepreneurs estime que leur écosystème pourrait s’améliorer s’ils étaient directement impliqués ou consultés pour l’élaboration des réglementations les concernant», note M. Even.

Le dépôt, en juillet, du projet de loi omnibus sur la simplification administrative constitue, certes, un premier pas, «mais il est encore loin d’être suffisant. Il y a un certain nombre de propositions qui avaient été faites en amont qui n’y ont pas été reprises», regrette M. Even.