Gabriel Bleser (Allen & Overy Luxembourg) (Photo: Olivier Minaire)

Gabriel Bleser (Allen & Overy Luxembourg) (Photo: Olivier Minaire)

Dans la décision concernant le marché de la pose et de la vente de carrelages, rendue en mars 2010, le Conseil de la concurrence rappelait la fonction du droit de la concurrence: «[il] prohibe d’une façon générale tous les comportements sur les marchés, tels que des ententes, qui sont de nature à diminuer l’incertitude dans laquelle les entreprises doivent se trouver placées concernant le comportement de leurs concurrents. Cette incertitude est la seule contrainte de nature à pousser des opérateurs concurrents à faire le maximum d’efforts en termes de qualité et de prix pour obtenir le marché. A l’inverse, toute limitation de cette incertitude abaisse le niveau de concurrence entre les offreurs et pénalise l’acheteur. Le droit de la concurrence vise ainsi toutes pratiques qui tendent à supprimer ou à amenuiser dans une vision anticoncurrentielle l’autonomie décisionnelle ou commerciale des entreprises.»

Cette définition, pour juridique qu’elle soit, pose clairement les objectifs de la législation. Mais, bien évidemment, tout ne se trouve pas uniquement dans les textes. Pour Gabriel Bleser, d’Allen & Overy Luxembourg, les entreprises l’ont intégrée dans leur fonctionnement.

Monsieur Bleser, compte tenu de sa relative jeunesse, y a-t-il une véritable ‘jurisprudence’ dans le domaine de la concurrence au Luxembourg?

«La législation luxembourgeoise sur la concurrence a aujourd’hui six ans. Il faut reconnaître qu’il n’existe malheureusement, après autant d’années, que peu de décisions du Conseil de la concurrence. Nous avons certaines affaires qui ont été jugées, ce qui constitue donc le début d’une jurisprudence administrative. Le problème, c’est que ce sont des jurisprudences qui portent sur la procédure et non sur le fond. Ceci était prévisible. Par exemple, dans l’affaire des carreleurs, beaucoup de recours ont été introduits...

Les entreprises sont-elles suffisamment sensibilisées aux questions de concurrence? Et ce, dans les deux sens: la capacité de se défendre, mais aussi le risque d’adopter des pratiques anticoncurrentielles?

«J’ai pu constater une prise de conscience de beaucoup d’entreprises luxembourgeoises ces dernières années. L’affaire des carreleurs, ainsi que les condamnations d’autres entreprises luxembourgeoises par la Commission européenne, ont fait évoluer les mentalités. Pour le moment, les entreprises purement luxembourgeoises, c’est-à-dire celles qui ne sont pas intégrées dans un groupe international, ne sont pas, à mon avis, encore aussi sensibilisées aux risques. En tous les cas, elles le sont moins que les filiales des grands groupes internationaux implantées dans le pays. Conséquence évidente: elles sont donc moins bien armées pour se défendre...

L’effort de sensibilisation aux risques me paraît donc important, surtout que les temps où l’on pouvait dire ‘de toute façon, rien ne va se passer’ sont définitivement révolus...

Quelles sont les perspectives d’évolution de la législation? Va-t-on vers plus de dureté, ou plus de souplesse?

«Le projet de réforme visant à dynamiser le droit de la concurrence, s’il est adopté tel qu’actuellement proposé par la Commission parlementaire, ne va très probablement pas introduire plus de souplesse. Les entreprises doivent s’attendre à des procédures certes plus rapides, mais il est permis de douter que le respect de l’égalité des armes soit pleinement respecté...

La protection des droits de la défense, prônée par les auteurs et responsables politiques du projet de réforme, n’est pas un obstacle à l’efficacité, mais bien au contraire une condition...»