Martine Solovieff espère que l'amélioration des procédures civiles soumises au ministre de la Justice pourront être inscrites dans une loi avant les prochaines élections législatives. (Photo: Nader Ghavami)

Martine Solovieff espère que l'amélioration des procédures civiles soumises au ministre de la Justice pourront être inscrites dans une loi avant les prochaines élections législatives. (Photo: Nader Ghavami)

Vous avez obtenu la création de nouveaux postes de magistrats d’ici 2020. Vous évoquiez également la nécessité de revoir certaines procédures. Qu’en est-il?

«Nous collaborons avec les avocats et le ministère de la Justice au sein d’un groupe de travail qui réfléchit depuis des années sur une réforme des procédures pénales. Et à notre niveau, nous sommes en train de revoir éventuellement la composition en juge unique. Elle est de plus en plus répandue en France et en Belgique, surtout en première instance, pour les affaires les plus simples. Au Luxembourg, la compétence du juge unique en matière pénale est assez limitée. Nous voudrions essayer de faire le maximum en tant que juge unique. Cela aura pour conséquence d’avoir davantage d’audiences, mais surtout que plus de magistrats seront disponibles pour d’autres tâches qu’avec une composition collégiale à trois juges.

Le groupe de réflexion sur la réforme des procédures civiles – celles où on entend le plus qu’elles prennent un certain temps avant d’aboutir – a finalisé son rapport d’une cinquantaine de pages en avril et l’a présenté début mai au ministre de la Justice qui devrait choisir quelle piste il va retenir en définitive.

Est notamment évoquée l’augmentation du taux de compétence pour la justice de paix. Elle n’a pas été adaptée depuis un certain nombre d’années et s’élève à 10.000 euros. Le cas échéant, elle pourrait être portée à 25.000 euros.

Nous sommes largement associés aux travaux de réflexion du ministère de la Justice en ce qui concerne l’élaboration des projets de loi.

Martine Solovieff, procureur général d’État

Nous avons surtout proposé un cycle court. La majorité des procédures civiles sont écrites: les avocats échangent des conclusions, cela met du temps et la mise en état est appliquée de façon différente suivant le président de chambre. Nous avons envisagé un cycle court pour les affaires moins complexes.

Une autre piste serait de limiter le volume et le contenu des conclusions écrites. Il y a toujours une partie intéressée à faire traîner et une autre plus diligente. L’idée serait d’imposer des conclusions récapitulatives à tous les niveaux pour éviter des redites. La procédure devant la Cour d’appel le prévoit, mais cela n'a pas été repris légalement pour la première instance devant le tribunal d’arrondissement. Ainsi les avocats seraient obligés de faire un travail de synthèse et cela faciliterait nettement le travail de lecture et de réflexion des magistrats.

Quand attendez-vous le retour du ministre, sachant qu’il reste moins d’un an avant les prochaines élections législatives?

«En effet cela commence à être juste (rire). Toutefois j’ai demandé au groupe de travail de proposer concrètement quelles dispositions devraient être revues et adaptées. Les magistrats en tant que tels sont les mieux placés pour savoir à quel niveau envisager une amélioration des procédures actuelles. C’est une des caractéristiques du Luxembourg: nous sommes souvent largement associés aux travaux de réflexion du ministère de la Justice en ce qui concerne l’élaboration des projets de loi. Ensuite, s’il y a une décision politique à prendre, le ministre de la Justice la prendra.

Quelles sont les dernières avancées législatives?

«La justice est en train de s’adapter aux nouvelles technologies. Depuis le mois de mai, la transmission des procès-verbaux de police peut se faire de manière électronique. Les PV électroniques ont désormais la même valeur que sur papier. Cela améliore et accélère les procédures.

En matière pénale, les avocats et leurs clients ont maintenant le droit d’avoir une copie intégrale du dossier pénal en numérique. Le dossier pénal est mis sur le système informatique de la justice OTX, l’avocat ou le client reçoit un lien et peut consulter et imprimer son dossier.

Ils peuvent même consulter le dossier au fur et à mesure de l’instruction selon la loi dite ABC. Cela va réduire la masse de papier que nous consommons par an. Les compagnies d’assurances sont également très demandeuses de PV pour pouvoir indemniser leurs clients. Cela nous permet d’économiser et d’être plus efficaces.

Il faut recruter massivement [au niveau de] la police judiciaire.

Martine Solovieff, procureur général d’État

Comment a évolué le travail des magistrats?

«Il a évolué avec les nouvelles technologies. Nous avons des difficultés à combattre efficacement la criminalité. Nous avions déjà l’impression d’être derrière, mais avec les nouvelles technologies, la criminalité organisée n’utilise plus de téléphone portable ou fixe. Nous n’arrivons pas à intercepter les nouveaux genres de communications.

Le problème se pose surtout au niveau des enquêteurs. Il y a quelques années, ils trouvaient des documents et des pièces à conviction lors des perquisitions. Maintenant, tout est sur ordinateur et les informations se retrouvent dans un nuage quelque part. Nous sommes très contents de la section Nouvelles technologies de la police judiciaire qui fait du beau travail. C’est une perspective du futur.

Lors du procès LuxLeaks en première instance, le procureur d’État confiait justement que le service Nouvelles technologies n’aurait pas eu les moyens de mener les investigations informatiques que PwC a diligentées en interne. Est-ce une réalité?

C’est une évidence. C’est une demande de la justice que la police judiciaire soit renforcée à tous les niveaux, pas seulement le service Nouvelles technologies, mais aussi les services économique et financier et les autres.

La réforme de la police va être finalisée. Une fois que la loi sera votée, on s’occupera du personnel nécessaire. Il faut recruter massivement et il faut des personnes d’expérience. Lorsqu’on a une place financière importante, il est crucial d’avoir du personnel qualifié à tous les niveaux. Nous en sommes automatiquement tributaires. Toutes les instructions sensibles et d’envergure en criminalité organisée et économique sont confiées à la police judiciaire. Si elle ne fonctionne pas et n’a pas de moyens, si les instructions n’avancent pas, nous restons bloqués, indépendamment des difficultés qui se posent dans beaucoup de dossiers comme l’entraide judiciaire qui fonctionne avec les pays limitrophes, mais beaucoup moins bien au-delà.