David Seban-Jeantet: «Alors que l’économie américaine a retrouvé son niveau de plein emploi, la politique budgétaire et fiscale expansionniste menée par l’administration Trump, combinée à la réduction du bilan de la Réserve fédérale (Fed), crée les conditions d’une remontée des taux.» (Photo: Société Générale Private Wealth Management)

David Seban-Jeantet: «Alors que l’économie américaine a retrouvé son niveau de plein emploi, la politique budgétaire et fiscale expansionniste menée par l’administration Trump, combinée à la réduction du bilan de la Réserve fédérale (Fed), crée les conditions d’une remontée des taux.» (Photo: Société Générale Private Wealth Management)

Les taux d’intérêt obligataires aux États-Unis ont engagé un fort mouvement de hausse pour avoisiner aujourd’hui le niveau de 3%, une progression de près de 100 points de base depuis septembre dernier. Pour mémoire, le point bas avait été atteint en juin 2016 lors du référendum britannique sur le Brexit à un niveau de 1,40%.

Alors que la hausse des taux d’intérêt de long terme peut être préoccupante tant elle remet en cause les équilibres de valorisation sur les marchés financiers, c’est le signe d’une santé retrouvée de l’économie, après une longue phase de soutien monétaire. Une moindre remontée des taux longs qui conduirait rapidement à une inversion de la courbe des taux serait d’ailleurs bien plus préoccupante. Les situations de courbe de taux inversée sont en effet souvent annonciatrices d’un retournement cyclique.

Alors que l’économie américaine a retrouvé son niveau de plein emploi, la politique budgétaire et fiscale expansionniste menée par l’administration Trump, combinée à la réduction du bilan de la Réserve fédérale (Fed), crée les conditions d’une remontée des taux. En effet, le financement du déficit budgétaire conduit le Trésor à émettre une quantité supplémentaire d’obligations qui pousse les rendements à la hausse.

De plus, cette relance budgétaire est menée alors que l’économie est au voisinage du plein emploi, ce qui tend à stimuler l’inflation et s’accompagne d’une hausse des taux nominaux. Le contexte est donc propice à la poursuite de la hausse des taux d’intérêt. À ce titre, la règle de Taylor indique un niveau d’équilibre des taux directeurs fixés par la Fed entre 5 et 6% contre 1,75% aujourd’hui. Si cette relation a largement perdu son caractère prédictif depuis la mise en place de la politique d’assouplissement quantitatif par la Réserve fédérale, la réduction du bilan de la banque centrale devrait rendre une meilleure efficacité à cet indicateur.

Si cet aplatissement peut sembler inquiétant, c’est que l’inversion de la courbe des taux est souvent annonciatrice d’un retournement cyclique.

David Seban-Jeantet, CIO à la Société Générale Private Wealth Management

Si la hausse des taux longs présente un risque pour les valorisations, l’aplatissement et surtout l’inversion de la courbe sont tout aussi préoccupants. En effet, la hausse des taux d’intérêt courts conduit à un mouvement d’aplatissement de la courbe qui pourrait conduire à une inversion prochaine de la pente. L’écart de rendement entre les taux d’intérêt à 10 ans et les taux à deux ans se situe aujourd’hui à moins de 50 points de base.

Si cet aplatissement peut sembler inquiétant, c’est que l’inversion de la courbe des taux est souvent annonciatrice d’un retournement cyclique. Nous avons analysé plus de 60 années d’historique des taux d’intérêt aux États-Unis et force est de constater que l’efficacité de l’indicateur est assez élevée. Au cours de cette période, une courbe des taux inversée a correctement prédit une récession au cours des 12 mois suivants dans six cas sur dix. Il faut cependant noter que ce seul indicateur peut également donner de faux signaux comme en novembre 1965 ou en février 1998. S’agissant de la performance des marchés, l’efficacité de l’indicateur est plus faible. En moyenne, après une inversion de courbe, la performance de l’indice S&P500 s’établit à 1,3% pour une performance médiane de -3,2%.

Au regard de la durée exceptionnelle du cycle d’expansion économique aux États-Unis, il est normal que l’éventualité d’une inversion prochaine de la courbe des taux inquiète les marchés. Néanmoins, l’analyse d’un large éventail d’indicateurs avancés confirme plutôt un scénario de croissance soutenue et une reprise graduelle de l’inflation qui va de pair avec une poursuite de la hausse des taux longs.

Il faut donc se préparer à une poursuite de la hausse des rendements obligataires aux États-Unis, mais gageons que ces incertitudes sur le niveau des taux et la position cyclique des États-Unis vont continuer à nourrir au cours des prochains mois la hausse de la volatilité déjà constatée depuis début 2018.