La table ronde organisée par Legitech a réuni deux DRH du Grand-Duché et deux avocats spécialisés en droit du travail. (Photo: Legitech)

La table ronde organisée par Legitech a réuni deux DRH du Grand-Duché et deux avocats spécialisés en droit du travail. (Photo: Legitech)

«Les employeurs comme les salariés doivent faire attention aux traces écrites, à tout moment d’un recrutement ou dans la vie de l’entreprise.» Ce constat de Yuri Auffinger, avocat au sein du cabinet Linklaters, a été fait ce jeudi, lors d’une table ronde organisée par Legitech.

Le thème? «Embaucher, débaucher, fidéliser». L’idée était de partager les points de vue en matière de ressources humaines entre des avocats spécialisés en droit du travail et des DRH d’entreprises luxembourgeoises. Face aux intervenants, des professionnels du recrutement étaient également présents dans la salle.

«Ce qui n’est pas interdit est permis»

Pour intervenir sur ce sujet: Nicole Dochen, DRH de la Banque de Luxembourg, Pascal Marchesin, DRH chez Saint-Paul Luxembourg, Yuri Auffinger, qui est également le rédacteur en chef de la «Revue pratique de droit social» – dont la première édition est sortie en ce mois d’octobre, et éditée par Legitech – et Louis Berns, associé au sein du cabinet Arendt & Medernach.

«D’un point de vue général, ce qu’employeurs et salariés doivent garder à l’esprit, c’est que ce qui n’est pas interdit est permis», a noté Yuri Auffinger.

Refus d’écourter le délai de préavis

Lorsqu’un salarié a trouvé un nouvel emploi et demande à son entreprise d’écourter son délai de préavis, l’employeur peut tout à fait lui demander une indemnité compensatoire. «Mais dans la pratique, il vaut mieux trouver un terrain d’entente», affirme Pascal Marchesin.

«L’entreprise doit se demander si le jeu en vaut la chandelle, complète Louis Berns. Certains employeurs refusent que le salarié ne respecte pas le délai de préavis pour donner un exemple aux autres collaborateurs.»

Des limites au débauchage

Les avocats ont rappelé la nécessité de bien border, à la fois l’offre d’emploi – sur l’obligation d’être titulaire d’un permis de conduire par exemple – mais également le contrat de travail – notamment avec l’engagement de réaliser des formations si cela est prévu.

Et lorsqu’un de ses salariés est «débauché» ou au contraire, qu’une entreprise souhaite débaucher une personne, que dit le droit? «Le débauchage de salariés est limité, d’un côté, par les formalités à respecter par le salarié pour quitter son employeur, et d’un autre côté, par d’éventuelles restrictions pour entrer au service d’un concurrent», précise Jean-Luc Putz, magistrat au tribunal d’arrondissement de Luxembourg dans la «Revue pratique de droit social».

À qui appartient le client?

Il existe bien une clause de non-concurrence dans le Code du travail luxembourgeois, mais elle ne peut en fait viser que l’«exploitation d’une entreprise personnelle». Un salarié embauché par une entreprise concurrente, où qui crée une société n’est donc pas concerné par cette clause. 

Dans les domaines commerciaux, et notamment les gestionnaires de patrimoine ou de fortune salariés dans le secteur bancaire, une question se pose souvent: «à qui appartiennent la clientèle et le portefeuille client? Au salarié ou à l’entreprise?»

Un lien de fidélité

«La jurisprudence est très réticente à condamner sur cette question, répond Louis Berns. Elle ne considère pas que les clients appartiennent à une banque par exemple. Il y a un lien de fidélité à l’égard du gestionnaire, et ce n’est pas pénalisable en soi qu’il informe ses clients de son départ de l’entreprise.» 

«La CSSF est, elle, plus sensible sur ce sujet. Si elle reçoit une dénonciation, elle va interpeller le salarié pour lui rappeler les règles déontologiques, mais d’un point de vue juridique, le Code du travail n’interdit pas que le salarié changeant d’employeur garde son portefeuille client. Et là encore, il faut des preuves.»

Une «véritable» guerre des talents

La réponse de Nicole Dochen est différente, puisqu’elle est «plutôt d’avis que le client appartient à la banque, nous ne manquons jamais de le rappeler à nos gestionnaires. Mais nous ne pouvons bien entendu pas interdire à un client de quitter notre établissement.» 

En ce qui concerne la fidélisation des salariés, pour Nicole Dochen, «nous sommes confrontés à une nouvelle génération que nous devons comprendre. Nous sommes aujourd’hui dans une véritable guerre des talents, notamment dans les domaines de l’informatique, de la compliance, ou des data.» 

«Avoir des bases solides avant d’embaucher»

«Les jeunes veulent avoir un métier qui fait sens et qui a un impact au niveau de la banque. Cela nous demande un minimum de remise en question, et pour l’instant, nous ne sommes pas encore arrivés à maturité. On ne peut pas dire que ce sont le salaire ou l’ambiance au travail seulement qui les retiennent, il faut vraiment analyser leurs besoins», a ajouté la DRH de la Banque de Luxembourg.

«Et ne pas les privilégier non plus par rapport aux anciens de l’entreprise», concède-t-elle. «Avant de penser à embaucher, il faut analyser la société avec la pyramide de Maslow, et voir si on a déjà des bases solides en termes de besoin des salariés, de représentation salariale, etc.», complète son homologue de Saint-Paul Luxembourg.