Le site de Bonn, Schmitt & Steichen porte encore les stigmates du divorce de l’été dernier. (Photo: Maison Moderne)

Le site de Bonn, Schmitt & Steichen porte encore les stigmates du divorce de l’été dernier. (Photo: Maison Moderne)

La guéguerre des communiqués pour annoncer les naissances officielles et les perspectives des cabinets d’avocats Bonn & Schmitt et Bonn, Steichen & Partners remet sur le devant de la scène « la révolution arabe » décrite dans les colonnes du Lëtzebuerger Land en juillet 2011.

La métaphore illustrait alors le départ, à grand fracas, de sept associés (sur dix) réunis autour d’Alain Steichen d’un des plus grands cabinets d’affaires du Luxembourg : Bonn, Schmitt et Steichen, BSS pour les initiés. La raison invoquée par les mutins : une méthode de gouvernance hors d’âge des deux associés historiques de la société, Alex Schmitt et Guy Arendt. En 1999, Me Steichen avait rejoint les deux associés fondateurs (en 1988 avec Alex Bonn) du cabinet.

L’été dernier, la rubrique people de la place judiciaire luxembourgeoise était donc alimentée par ce divorce volontairement médiatisé. Il avait nécessité l’intervention du Conseil de l’ordre des avocats. L’épisode, inhabituel dans ce milieu généralement feutré, lui faisait mauvaise presse, d’autant que l’élection du bâtonnier approchait.

Bonn contre Bonn

Il lui fallait donc, au Conseil de l’ordre, se prononcer sur la lutte des anciens associés qui, tels Kramer contre Kramer, se battaient pour avoir la garde de l’appellation, le nom de l’avocat à l’origine de BSS, celui d’Alex Bonn, figure emblématique du droit luxembourgeois ayant exercé au barreau pendant plus de 75 ans.

Au moment de la séparation, le nom constituait un actif incorporel garant de la continuité et de la crédibilité des nouvelles sociétés. Il s’agissait de jouir de l’aura d’un cabinet qui avait, entre autres, conduit l’OPA de Mittal sur Arcelor puis la fusion des deux géants de l’acier. Il avait également dirigé, d’un point de vue juridique, l’intégration de Fortis dans BNP-Paribas. Puis, parmi ses plus récents faits d’armes, BSS s’était chargée de l’acquisition de 35 % des parts de Cargolux par Qatar Airways. Bref, les transactions à neuf zéros faisaient quasiment leur pain quotidien. Luc Frieden, aujourd'hui ministre des Finances, y a en outre fait ses classes.

Déménagement en mars

L’appellation « Bonn » revenait in fine aux deux parties. Bonn & Schmitt s’adjugeait le domicile de Clausen. Le clan Steichen déménagera en mars dans ses nouveaux locaux de Howald. On imagine l’ambiance sur les rives de l’Alzette depuis l’été dernier. Les noms d’oiseaux avaient fusé lors de la dispute.

Ce mardi, au cours d’un déjeuner de presse organisé par l’agence de communication Binsfeld, mandaté par le cabinet Bonn & Schmitt, on essayait de ne pas remettre de l’huile sur le feu. Alex Schmitt se disait simplement, au nom de tous les associés de la nouvelle structure présents (Guy Arendt, Alain Grosjean, Marcus Peter et Lionel Noguera), « très fier d’être là sous l’ancienne bannière ».

Son nouveau cabinet souhaite s’agrandir vite via une politique de recrutement résolument active. Trois avocats arrivent en janvier, trois autres suivront en février et ils seront 60 ou 70 à la fin 2012, selon les plans de la nouvelle équipe dirigeante. Le cabinet en compte aujourd’hui une quarantaine. BSS en regroupait environ le double.

Le bâton de Damoclès

Le cabinet de l’étage du bas, Bonn, Steichen & Partners regroupe, lui, à l’heure actuelle, 51 avocats. Une quinzaine a rejoint les rangs des sécessionnistes depuis le divorce de l’été dernier. Le staffing sera moins intense durant l’exercice. Alain Steichen s’avoue à l’heure actuelle « très confortable », mais ne ressent pas le besoin de recruter intensément. Il jugera en fonction de la charge de travail.

Ainsi, les deux parties cherchent aujourd’hui à tourner la page sans trop charger le camp adverse. Le Conseil de l’ordre a demandé la plus grande mesure dans les propos de chacun pour ne pas subir les conséquences des luttes intestines de BSS. Sa traditionnelle quiétude de façade avait explosé l’an passé lors de l’élection du bâtonnier, qui avait vu Guy Harles succéder à Gaston Stein. Le vice-bâtonnat n’avait pas échu au seul candidat, Alex Schmitt. La bataille de la jeune contre la vieille école avait contaminé l’ordre et la majorité absolue n’avait pu être atteinte. Il n’y a donc, pour la première fois en deux siècles, pas de vice-bâtonnier à Luxembourg cette année.