Hervé Burger: «Attention à ne pas trop attendre» (Photo: paperJamTV)

Hervé Burger: «Attention à ne pas trop attendre» (Photo: paperJamTV)

Jusqu’où descendront les taux d’intérêt dans la zone euro? Après la baisse, début juin, du principal taux directeur de la Banque centrale européenne à 0,15%, la question n’a plus beaucoup de sens pour les taux à court terme déjà à zéro, voire négatifs pour certains bons du Trésor allemands (le trois mois se traitant à -0,03%, la qualité allemande se paye…). La question est plus pertinente pour les taux longs dont la baisse continue inexorablement; à ce titre, un événement un peu passé inaperçu s’est déroulé fin juin: le taux à 10 ans moyen de l’Eurozone (le taux de chaque pays étant pondéré par son PIB) vient de passer en dessous de 2%. Le taux à 10 ans allemand (1,25% à fin juin) est le principal meneur, suivi par la France (1.70%), mais ce sont aussi du côté des pays périphériques qu’il faut aller chercher l’explication. L’Espagne et l’Italie (voir graphique) viennent de connaître une détente des taux exceptionnelle: 2,66% et 2,85% respectivement à fin juin, contre plus de 4% en début d’année (sans parler des niveaux records atteints à l’été 2012).

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Nous passerons sous silence la Grèce, dont les obligations à 10 ans offraient à fin juin un rendement de 5,95%, le Portugal avec un taux de 3,65%, et l’Irlande à 2,36% (exit la crise bancaire). Pour les courageux acheteurs d’obligations de ces pays lors des périodes de stress de 2011 et 2012, la fortune était au bout du chemin. Si les inquiétudes sur la solvabilité de ces pays s’est estompée (la Grèce affiche maintenant un solde public primaire positif!), une autre menace plane à l’horizon expliquant le niveau très bas des taux longs: la faiblesse de la hausse des prix, voire un danger déflationniste. Rappelons que selon Eurostat, le dernier indice des prix à la consommation fait état d’une progression annuelle de 0,5% pour l’ensemble de la zone euro; mais ce chiffre est négatif pour la Grèce (-2,1%), le Portugal (-0,3%), et les Pays-Bas frôle le niveau zéro (+0,1%). C’est finalement l’Allemagne avec un indice à +0,6% qui tire l’indice global de l’Eurozone (+0,5%) vers le haut… quelle époque! Quant aux prix à la production, ils sont déjà dans le rouge (-1%) sur un an glissant.

Action de la BCE

La menace déflationniste a fait agir la BCE le 5 juin, celle-ci proposant diverses mesures comme un taux négatif sur les réserves excédentaires ou des prêts de long terme aux banques contre l’engagement de prêter au secteur privé (TLTRO). Cependant, point de véritables mesures de «quantitative easing», via l’achat d’obligations du Trésor ou de titrisations de type ABS: ce sont simplement des projets à l’étude, comme viennent encore de le confirmer récemment des membres du directoire de la BCE. Il est certain que l’achat d’actifs risqués par la Banque centrale européenne n’est pas vu d’un bon œil du coté de Berlin. La BCE pourra-t-elle cependant faire l’économie d’une véritable politique d’assouplissement monétaire quantitatif pour relancer l’activité économique? Il sera difficile d’y échapper.

Attention cependant à ne pas trop attendre, sous peine de voir les taux de l’Eurozone se «japoniser»: on remarque déjà que tous les taux du Bund allemand jusqu’à des maturités de 4 ans collent aux taux japonais. La prochaine étape pourrait être un Bund allemand de maturité 10 ans offrant une rémunération inférieure à 1%.