Yves Baden, directeur des ressources humaines du groupe CFL et Sandrine Boucquey, head of HR and legal au sein d’EBRC. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Yves Baden, directeur des ressources humaines du groupe CFL et Sandrine Boucquey, head of HR and legal au sein d’EBRC. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Dans un monde qui évolue sur un tempo de plus en plus soutenu, il est devenu illusoire de penser que sa formation initiale – un master universitaire par exemple – procure des compétences suffisamment complètes pour relever les défis changeants qui se présentent tout au long d’une carrière. Aujourd’hui, les candidats, quel que soit leur âge, en sont bien conscients. Lorsqu’ils postulent, ils se renseignent donc sur les possibilités de formation proposées par l’entreprise, afin de s’assurer de pouvoir maintenir leurs compétences à niveau aussi longtemps que durera leur contrat de travail.

Les entreprises n’ont donc plus d’autre choix que de mettre en place des programmes de formation étoffés pour attirer des talents qui, dans certains secteurs plus que d’autres, sont devenus une denrée rare… «Pour une entreprise qui vise une croissance importante comme la nôtre, dans un environnement très concurrentiel, et qui a besoin de profils très spécifiques, l’offre de formations est en effet un élément très important, estime Sandrine Boucquey, head of HR and legal au sein d’EBRC, société spécialisée dans la mise à disposition de solutions informatiques sécurisées. Il s’agit d’ailleurs d’un des vrais points d’attention des candidats, mais aussi d’un argument de fidélisation pour nos employés.»

Le fait de monter en compétences fait partie de notre stratégie globale, de notre culture.

Sandrine Boucquey, head of HR and legal au sein d’EBRC

Des besoins changeants

Toutefois, la présence d’une offre de formations de qualité n’est pas seulement un enjeu de recrutement. «Le fait de monter en compétences fait partie de notre stratégie globale, de notre culture, poursuit Sandrine Boucquey. Dans notre secteur, nous avons besoin de compétences de plus en plus pointues pour rester au top techniquement. Cela nous impose de former constamment nos équipes pour répondre aux nouveaux besoins de nos clients. Les journées de formation dispensées sont donc assez nombreuses puisque, au total, nous comptabilisons environ sept jours de formation par personne chaque année.»

Concevoir un programme de formation dans cet univers changeant peut vite devenir un casse-tête. «Nous devons effectivement rester très agiles dans la conception de nos programmes, ajoute Sandrine Boucquey. Il nous faut constamment rebondir sur les évolutions rapides de la technologie et les nouveaux besoins qu’elles suscitent chez nos clients. Heureusement, de nombreux organismes soutiennent aujourd’hui les besoins en formation au Luxembourg, sans jouer le jeu de la surenchère sur les prix.»

C’est une particularité de notre domaine: certaines compétences et métiers que nous recherchons ne sont pas disponibles sur le marché.

Yves Baden, directeur des ressources humaines du groupe CFL

Former ce qui ne peut être acheté sur le marché

Du côté de la société nationale des Chemins de fer Luxembourgeois (CFL), l’optique est différente. Structure de grande envergure (4.580 collaborateurs), le groupe CFL ne connait pas de vrai problème pour fidéliser son personnel. «Bon nombre de nos employés font toute leur carrière chez nous, indique ainsi Yves Baden, directeur ressources humaines et organisation. Cela dit, nous sommes évidemment, nous aussi, confrontés à l’évolution rapide des technologies, qu’il s’agisse des technologies digitales partagées par d’autres secteurs ou d’évolutions plus propres au monde ferroviaire. Les formations sont donc de mise pour s’adapter à la digitalisation d’installations, aux trains guidés et surveillés en permanence par l’électronique, à l’implémentation du wifi dans les trains et les gares, aux systèmes d’information des clients etc.»

Les formations métiers ferroviaires sont pour une grande partie réalisées en interne, dans un centre de formation propre, ou directement sur le terrain pour les parties pratiques. C’est aussi dans cette structure interne qu’ont lieu les formations initiales dédiées aux nouveaux salariés, qui constituent une partie importante des huit jours de formation par an et par collaborateur dispensés en moyenne par le groupe CFL. «C’est une particularité de notre domaine: certaines compétences et métiers que nous recherchons ne sont pas disponibles sur le marché. Il nous faut donc former en interne les candidats qui nous rejoignent pour leur apprendre les techniques propres au secteur ferroviaire», explique Yves Baden.

Nous allons bientôt mettre en avant nos formations sur notre site web consacré aux jobs disponibles.

Yves Baden, directeur des ressources humaines du groupe CFL

Savoir et savoir-être

Le groupe CFL compte néanmoins, lui aussi, se servir de son importante offre de formations comme une vitrine. «Nous allons bientôt mettre en avant nos formations sur notre site web consacré aux jobs disponibles, poursuit Yves Baden. Il s’agit d’un investissement important que nous consentons par rapport à nos salariés et il serait dommage de ne pas en parler. Lors du recrutement, nous sentons bien que les candidats et candidates ont l’envie de pouvoir se former de manière continue. Le développement professionnel est devenu un critère d’attractivité.»

Au sein des CFL comme chez EBRC, les formations prennent des visages très divers. «Au-delà des formations initiales vraiment liées au domaine ferroviaire ou aux métiers logistiques, nous proposons évidemment toute une gamme de formations qui portent non seulement sur des savoirs, mais aussi sur les soft skills – le management d’équipe, le leadership, etc.», explique encore Yves Baden. «À côté des formations techniques très pointues ou aux langues, nous proposons également beaucoup de formations liées au savoir-être, embraye Sandrine Boucquey. Je pense par exemple à celles consacrées à l’expression en public. En réalité, chacun de nos collaborateurs est responsable de son plan de formation: il est invité à faire son autocritique et à évaluer ses points faibles pour demander les formations adéquates.»

Le problème, c’est que nous avons énormément d’expertises différentes et que certaines formations sont tellement spécialisées qu’elles ne concernent qu’un seul de nos employés.

Sandrine Boucquey, head of HR and legal au sein d’EBRC

Le casse-tête des formations externes

Si, pour dispenser ces différentes formations, les CFL font assez régulièrement appel à leur pôle interne, ce n’est pas le cas d’EBRC. Pour cette dernière société, l’organisation des formations peut alors devenir compliquée, surtout si l’on ajoute à la collaboration avec un prestataire externe la nécessité de réserver un hôtel et un moyen de transport (pour les formations à l’étranger). «Le problème, c’est que nous avons énormément d’expertises différentes et que certaines formations sont tellement spécialisées qu’elles ne concernent qu’un seul de nos employés, indique Sandrine Boucquey. Il faut donc déjà pouvoir trouver suffisamment de personnes tierces pour que la formation soit maintenue. Et puis, dans certains cas, nous sommes obligés d’aller voir plus loin car l’offre de formations pour certaines compétences très spécialisées n’est simplement pas suffisante au Luxembourg…»

Le problème se pose donc moins pour le groupe CFL, même si, comme toute entreprise, il est également amené à aller chercher plus loin les ressources nécessaires pour former ses équipes, qui sont constituées de plus de 100 métiers différents. «Pour le funiculaire par exemple, nous avons dû faire appel à des spécialistes suisses pour former nos équipes, explique Yves Baden. Nous n’avions pas les compétences nécessaires, ni en interne, ni même au Luxembourg. Cela nous arrive aussi lorsque de toutes nouvelles technologies arrivent sur le marché. En effet, nos formateurs doivent bien être formés à ces nouveautés, dans un premier temps, pour pouvoir ensuite dispenser des formations au reste des équipes.»

Le travailleur se sentira toujours mieux dans son job s’il peut mieux répondre aux tâches qui lui sont demandées.

Yves Baden, directeur des ressources humaines du groupe CFL

Booster du bien-être

Indispensable pour suivre l’évolution de la technologie et garder sa place dans un marché concurrentiel, incontournable pour engager et fidéliser certains profils, la formation aurait aussi, selon nos interlocuteurs, des vertus plus insoupçonnées sur les employés: elle serait une vraie plus-value pour le bien-être au travail. «Nous l’avons constaté, abonde le directeur des ressources humaines des CFL. Le travailleur se sentira toujours mieux dans son job s’il peut mieux répondre aux tâches qui lui sont demandées, s’il travaille de manière plus sûre et efficace, s’il est plus à l’aise. Il est donc particulièrement important que les formations portent leurs fruits. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un système de feedback à chaud et d’adaptation des formations en fonction des évaluations de chacun.»

Sandrine Boucquey évoque également ce bienfait de la formation sur le personnel, en insistant sur l’implication réelle des employés dans leur processus de formation continue. «Nous interrogeons aussi nos employés, notamment à travers le questionnaire à remplir pour l’enquête “Great Place To Work”, pour savoir ce qu’ils ont pensé de leur formation, explique-t-elle. Les retours sont souvent très positifs et on voit que nos employés apprécient beaucoup qu’une formation soit bien organisée. En fait, c’est là que l’on constate que ça a une grande importance pour les gens!»

Comment choisir les bonnes formations?

Ces feedbacks permettent également de mieux sélectionner, d’année en année, le catalogue de formations proposé aux employés. «Plusieurs éléments entrent en ligne de compte, indique Sandrine Boucquey. Nous prenons effectivement en compte les feedbacks par rapport aux formations déjà dispensées, mais nous devons aussi, chaque année, évaluer les nouveaux besoins qui se présentent. Sur cette base, nos experts, dans chaque secteur, choisissent les organismes les plus réputés pour leur domaine d’activité. Ils sont très impliqués dans le choix de partenaires de qualité. De notre côté, nous contactons aussi les organismes que nous connaissons déjà et qui organisent une nouvelle formation. Nous visons le Luxembourg mais aussi, pour certaines technologies plus spécifiques, des pays voisins.»

Nous considérons que l’apprentissage par la pratique est très important.

Yves Baden, directeur des ressources humaines du groupe CFL

Les experts, dans chaque métier, sont également à la manœuvre au sein du groupe CFL, puisqu’ils sont les mieux placés pour évaluer les nouveaux besoins du métier et la qualité des formations qui sont proposées. Mais les CFL ont aussi pour particularité de mettre en place, en interne, des processus de coaching qui permettent aux nouveaux venus d’être plus à l’aise dans leur métier en les accompagnant dans les premiers temps. «Nous considérons que l’apprentissage par la pratique est très important, estime Yves Baden. En travaillant de la sorte, nous plongeons nos nouveaux employés dans le bain après un apprentissage théorique et ils apprennent rapidement à développer les compétences les plus importantes. Nous fonctionnons aussi avec des simulateurs pour les conducteurs de train: lorsqu’un événement se produit sur les voies, nous pouvons le recréer plus tard sur le simulateur et évaluer ce que la réaction du conducteur avait de positif ou de négatif.»

On le voit, le spectre de la formation est large et il répond à l’évolution constante et de plus en plus rapide des technologies. La mise en place de stratégies de formation complexes au cœur même des entreprises montre en tout cas que celles-ci ont bien saisi l’importance vitale de ce processus continu, tant pour le bien-être de leurs employés que pour celui de leur business.