Le fonds luxembourgeois se proposait d'investir dans des projets de plantation de forêts éthiques. (Photo: aquaverde.org)

Le fonds luxembourgeois se proposait d'investir dans des projets de plantation de forêts éthiques. (Photo: aquaverde.org)

Global Green Management, société de gestion du fonds d’investissement spécialisé (FIS) luxembourgeois Global Green Fund 1, dédié à des investissements dans la plantation de forêts éthiques, notamment au Brésil, avait sorti le grand jeu en novembre 2012 lors du lancement de son produit phare. Un salon de l’hôtel Park Hyatt de Dubai avait été réservé pour présenter un projet d’investissement censé avoir un impact positif sur la déforestation en Amazonie.

Mieux que l’or ou que n’importe quelle action, les instigateurs du projet promettaient des rendements à mettre les livrets d’épargne définitivement au rebut de l'histoire.

Cinq mois après que le fonds d’investissement spécialisé a obtenu une autorisation de la part de la Commission de surveillance du secteur financier, les premières fissures sont apparues.

En avril 2013, l’avocat luxembourgeois Robert Hoffmann – Loyens&Loeff –, qui avait fait le relais avec le bureau de Dubai de cette étude, démissionne de son mandat d’administrateur, alors qu’un contrat avait été signé deux mois plus tôt.

Le coup de grâce arrive le 24 mars 2014 avec la démission de Sanne Group, le domiciliataire et agent de la société de gestion, qui met lui aussi fin au contrat, sans que les responsables du fonds ne pourvoient à son remplacement.

Le Serious Fraud Office s’en mêle

C’est à ce stade que la CSSF intervient et décide, le 10 avril 2014, le retrait du FIS de la liste officielle des fonds, que personne ne conteste d’ailleurs. Dans le même temps, le régulateur luxembourgeois saisit le Parquet – une première fois le 18 avril et une seconde fois le 28 mai – pour dénoncer la violation de la réglementation financière, en raison de l’absence d’administration centrale de Global Green et de siège statutaire.

En parallèle à ces démissions successives et à l’intervention de la CSSF, les investisseurs avaient donné l’alerte et constitué un collectif de défense pour mettre en cause deux hommes d’affaires britanniques, principaux instigateurs des investissements amazoniens à travers notamment la société britannique Global Forestry International. On trouve également leurs noms dans le conseil d’administration de Global Green Management.

Selon le site internet du collectif qui cite la presse britannique, le Serious Fraud Office, l’agence du gouvernement anglais chargée des enquêtes et poursuites des cas graves et complexes de fraudes, s’est intéressée à l’affaire, après que des petits épargnants, ne voyant pas arriver leur retour sur investissement, ont saisi les autorités, y compris la CSSF au Luxembourg.

Télescopage

Les liquidations judiciaires de la société de gestion ainsi que du fonds éthique ont été demandées par la CSSF et, le 10 juillet 2014, la 6e chambre du Tribunal de commerce a prononcé la liquidation. Et a nommé un juge commissaire, en l’occurrence Thierry Schiltz, et une liquidatrice, l’avocate Laurence Jacques.

Mais, signe qu’il y a comme un dysfonctionnement au niveau du Tribunal de commerce, le 11 juillet, un autre jugement intervient, prononcé par la 2e chambre (en charge des faillites, alors que la 6e chambre s’occupe spécifiquement des liquidations judiciaires) le 11 juillet dernier, soit le lendemain de la première décision, qui déclare Global Green Management en état de faillite et nomme une juge commissaire, Nathalie Hilgert, ainsi qu’un liquidateur, l’avocat Yann Baden.

Un télescopage que le Tribunal de commerce devra en tout cas justifier devant les créanciers et, peut-être aussi, une nouvelle fois arbitrer puisqu’il ne peut y avoir deux juges commissaires et deux liquidateurs différents sur une même société.

En principe, le 1er vice-président du Tribunal de commerce, Jean-Paul Hoffmann, qui a rendu cette curieuse décision, aurait dû dire l’assignation irrecevable.

L'intermédiaire a mis la pression

La demande en faillite avait été introduite le 3 juin (le procureur d’État avait introduit la demande en liquidation le même jour) par un consultant luxembourgeois en poste dans le Golfe qui avait signé avec Global Green Management un accord pour faire partie du comité de conseil du FIS contre une rémunération de 25.000 dollars par an.

Le consultant n’ayant jamais vu ses commissions, il avait d’abord tenté de négocier leur paiement avec les deux hommes d'affaires britanniques, lesquels s’étaient engagés à le payer en plusieurs fois, avec, à la clef, s’ils ne s’y tenaient pas, des pénalités de retard.

Lassé d’attendre, l’intermédiaire a mis la pression sur ses débiteurs en introduisant une requête en faillite pour des impayés de 79.500 dollars, comprenant ses prestations en 2013 et jusqu’en juin 2014 (37.500 dollars). Ce à quoi il fallait ajouter 42.000 dollars de pénalité de retard (1.000 euros par semaine à partir du mois d’août 2013).

Reste à savoir maintenant qui, de Yann Baden ou de Laurence Jacques, aura la charge de la liquidation d’une société de gestion qui pourrait se révéler complexe en raison des victimes potentielles des investissements dans la forêt éthique. La question sera aussi de déterminer si le FIS luxembourgeois, normalement réservé aux seuls investisseurs avertis, a été commercialisé auprès d’épargnants au-delà de ce cercle.

En tout cas, la forêt éthique devait cacher un produit toxique...