René Elvinger, patron de Cebi International, passe encore beaucoup de temps  au sein de l’unité de production de Steinsel. (Photo: Jessica Theis )

René Elvinger, patron de Cebi International, passe encore beaucoup de temps au sein de l’unité de production de Steinsel. (Photo: Jessica Theis )

Le 2 mars dernier, René Elvinger aurait officiellement pu fêter son départ à la retraite. Champagne? Pas tout de suite! À la place, il s’est offert, en mai, un tour du monde professionnel, passant par Shanghai et le Mexique où il a inauguré la 11e unité de production du groupe, près de Puebla. Champagne quand même! Et le 14 juin prochain, il fêtera en grande pompe les 40 ans de son entreprise au Luxembourg, qui correspondent aussi à quatre décennies de carrière pour lui, d’autant plus qu’il en fut le premier employé! Champagne et re-champagne…

Naissance à Walferdange, éducation à Walferdange (avec, quand même, un passage par l’Université de Strasbourg pour un master en économie), résidence actuelle toujours à Walferdange et présidence du basket club de… Walferdange pendant de nombreuses années... Même s’il ressemble à un long fleuve tranquille sur les rives de l’Alzette, le parcours du patron de Cebi International est loin d’être banal.

Les grands débuts

Après deux premières années de carrière chez Goodyear, il rejoint Elth Luxembourg comme directeur adjoint en juin 1976, soit quelques jours après l’acte de naissance de l’entreprise. Il y fait toutes ses classes, obtenant le poste de directeur en 1985, et contribue largement à son développement. Celle-ci se concentre d’abord sur la production de thermostats bimétalliques pour l’électroménager, avant de s’orienter de plus en plus vers les thermostats et les petits moteurs (ouvertures de fenêtres, pompes lave-vitres, etc.) pour le secteur automobile.

Au cours des premières années, sa présence est surtout requise sur le site, situé à Steinsel. «Je ne suis pas ingénieur, mais j’ai quand même voulu comprendre la technologie présente dans nos produits. C’était sans doute plus facile il y a 40 ans», raconte-t-il, en faisant le tour du propriétaire, zigzaguant entre les robots recrachant à l’heure des dizaines de micro-moteurs. Des machines, précise-t-il, toujours conçues grâce à du savoir-faire maison. «Par la suite, les actionnaires ont repris d’autres sites à l’étranger et je me suis mis à voyager afin de mieux les intégrer.»

Mais le réel tournant de sa carrière, c’est en 2011 qu’il le vit, à une époque où beaucoup commençaient à lui demander comment il comptait occuper son temps après la retraite. À la mort de l’actionnaire principal de l’entreprise, son fils a posé la question à René Elvinger de savoir s’il ne serait pas intéressé de reprendre l’ensemble des activités. Sacré défi! «Je lui ai fait remarquer que lui n’avait que 30 ans, et donc toute l’énergie pour le faire, mais il m’a répliqué que j’avais toujours tout fait pour son père. C’était en quelque sorte un geste de reconnaissance de sa part.»

Faire ce qui est possible pour maintenir une activité industrielle au Luxembourg.

René Elvinger

Voilà comment le premier salarié de la firme de Steinsel s’est retrouvé, à 60 ans, à la tête d’un petit ensemble industriel qui emploie aujourd’hui près de 3.000 personnes et contrôle, depuis Steinsel, des usines en Italie, en Espagne, en Suisse, au Brésil, en Pologne, en Chine et, désormais, au Mexique. Et il continue à investir pour son développement. L’unité mexicaine, récemment inaugurée, a ainsi été décidée pour se rapprocher d’une importante usine Volkswagen et être près d’une future unité d’assemblage de l’Audi Q5. «En Chine, nous ne sommes pas suffisamment grands, analyse encore le patron luxembourgeois. Or, ce pays abrite un quart de la production mondiale de voitures. Nous avons donc pris des mesures pour augmenter la production.»

Apôtre de l’industrie

De cet ensemble orienté vers les mêmes types de production, mais peu intégré, il a rapidement fait un groupe cohérent, jusque dans son appellation. Depuis le 1er septembre 2015, toutes les activités sont regroupées sous le nom de Cebi International, déjà bien connu des clients. Rétrospectivement, le patron luxembourgeois n’émet aucun regret à avoir fait le grand saut. «Il faut encore faire ce qui est possible pour maintenir une activité industrielle au Luxembourg et en Europe de l’Ouest de manière générale», convient-il.

Or, en 2011, chez Elth, c’était lui… ou un groupe chinois. «À long terme, ils ne seraient pas restés chez nous.» Une décision rapidement saluée par l’attribution en 2013 du titre d’Entrepreneur de l’année (voir encadré). «En termes de marketing, ce n’était pas utile vu que nous exportons l’ensemble de notre production, mais c’est par contre une grande satisfaction personnelle», admet M. Elvinger.

Au moment du choix, il a aussi reçu le soutien unanime de sa famille. Et depuis, deux de ses trois enfants l’ont rejoint dans l’aventure. La troisième, Joëlle, est actuellement députée (DP), mais siège au conseil d’administration de Cebi. Lui succéderont-ils un jour? Actuellement ce n’est pas le propos. Parce que, même s’il se retire peu à peu de la gestion quotidienne, René Elvinger reste bel et bien à la barre.

Et parce que l’entreprise n’est pas dans la famille depuis suffisamment longtemps pour en faire une affaire de transmission familiale. «Mon père était cultivateur», rappelle-t-il. «Le business n’est pas une tradition dans la famille.»

Un jour pourtant, il songera à s’offrir plus de vacances – dans le sud de la France qui le séduit – et à reprendre avec plus d’assiduité les randonnées cyclotouristes. «L’entreprise doit pouvoir vivre sans moi», insiste-t-il. Depuis le début de l’année, il a d’ailleurs nommé un directeur général, alors que lui reste président et CEO. «Mais au-delà d’un certain montant, c’est toujours moi qui signe les investissements.»

Entrepreneur de l’année - Quel successeur pour René Elvinger?
Le 12 décembre prochain, le nom du cinquième lauréat du Prix de l’entrepreneur de l’année sera dévoilé. Organisé mondialement depuis 30 ans et décerné par le cabinet EY dans quelque 150 villes et 70 pays, il récompense des entrepreneurs qui détiennent une participation d’au moins 10% dans leur entreprise. Il faut aussi que leur société affiche trois ans d’existence et un chiffre d’affaires minimum de 2,5 millions d’euros.

Dans la plupart des pays, le prix est annuel. Au Luxembourg, la taille du pays ne permet pas la même fréquence. Depuis sa première édition, en 2004, il n’a donc encore couronné que quatre lauréats: Nicolas Buck (pour Victor Buck Services) a été le premier. En 2006, c’est Abbas Rafii (Ireco) qui l’a reçu, suivi en 2009 par Jacques Lanners (Ceratizit). Enfin, en 2013, c’est le patron de Elth (devenu depuis Cebi International), René Elvinger, qui l’a obtenu pour son coup d’éclat dans la reprise du groupe où il a fait l’ensemble de sa carrière.

Parmi les candidatures reçues (les inscriptions sont clôturées depuis le 27 mai), les six meilleurs dossiers seront retenus pour la finale. La sélection se fait sur des critères tels que l’esprit entrepreneurial, la capacité d’innovation, mais aussi la dimension sociale de l’entrepreneur.