François Bausch a répété son idée de tram rapide entre Luxembourg et Esch-Belval. (Photo: Matic Zorman / archives)

François Bausch a répété son idée de tram rapide entre Luxembourg et Esch-Belval. (Photo: Matic Zorman / archives)

«‘Grande Région’ ou ‘Grand Luxembourg’? Les nouvelles frontières de la croissance.» C’était le sujet du débat organisé ce mardi par la Fondation Idea à la Chambre de commerce. 

Et la question n’a au final pas été tranchée, puisque plusieurs thèmes ont mobilisé cet échange de plus de deux heures entre Michèle Detaille, dirigeante du groupe Alipa, et vice-présidente de la Fedil, Christian Eckert, ancien secrétaire d’État français chargé du budget et député de la Meurthe-et-Moselle de 2007 à 2014, ainsi que François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures, et co-tête de liste Déi Gréng dans le Centre aux élections législatives le 14 octobre prochain au Luxembourg.

La mobilité a naturellement pris une place prépondérante dans le débat. Les derniers chiffres publiés par le Statec tablent sur une augmentation de 102.000 frontaliers d’ici 2035 pour atteindre près de 270.000 frontaliers au Grand-Duché. Et de 96.600 actuellement, le nombre de frontaliers français devrait passer à 153.100 dans 17 ans.

«Une vraie politique d’aménagement du territoire»

«La question n’est plus de savoir combien de voitures une autoroute peut déplacer, mais bien combien de personnes une voiture peut transporter», a insisté François Bausch, actant le fait que «durant de nombreuses années, les différents gouvernements à la tête de notre État ont sous-estimé la croissance des travailleurs frontaliers».

Et pour le ministre luxembourgeois, «la mobilité ne peut pas être pensée seule, il faut mettre en place une vraie politique d’aménagement du territoire. La meilleure mobilité est l’absence de mobilité, lorsque le logement est à côté du lieu de travail, mais ce n’est pas toujours faisable dans la réalité.» 

Interrogée sur la voiture individuelle, souvent proposée en avantage en nature au sein des entreprises luxembourgeoises, venant s’ajouter à la file de véhicules congestionnant les routes du pays, Michèle Detaille a justifié son intérêt: «Cela dépend de l’entreprise et du secteur concernés. Pour les salariés qui vivent à la campagne ou avec des horaires décalés en production, c’est plus compliqué. Les idées de transports en commun sont belles, mais dans la réalité, le pragmatisme fait que l’on ne peut pas forcément l’adapter à chaque situation. Mais le covoiturage est par contre à privilégier.»

«Non» à la rétrocession fiscale pour Bausch

Plusieurs personnalités de la Grande Région assistaient également à ce débat organisé par la Fondation Idea, chacune intervenant lors des questions-réponses sur son cas propre. Alain Casoni, maire de Villerupt, est par exemple revenu sur l’idée d’une rétrocession fiscale pour les villes frontalières, ce à quoi François Bausch et Christian Eckert se sont montrés fermement opposés.

«On peut encore discuter 20 ans du sujet, vous ne trouverez pas un gouvernement luxembourgeois qui vous dira oui», a ainsi répondu le ministre Déi Gréng. Face à l’argument avancé par le maire de Villerupt de prendre comme exemple le Fonds Reynders – fonds de compensation mis en place entre le Grand-Duché et la Belgique pour les communes frontalières –, l’ancien député français s’est lui aussi montré ferme sur son point de vue: «Les frontaliers qui vivent en France, même s’ils n’y paient pas d’impôt sur le revenu, reversent tout de même une taxe foncière et une taxe d’habitation, ressources pour les communes. Ce n’est pas le cas en Belgique, donc la situation n’est pas la même.»

Le monorail est un système de très haute capacité, largement supérieure à ce dont on a besoin.

François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures

Christian Eckert et François Bausch s’accordent sur une autre solution pour le développement du territoire: celle des zones franches. «Nous pourrions trouver une entente de gestion commune de cette zone» – celle des Terres Rouges, entre Belval et Audun-le-Tiche, a ainsi appuyé le ministre luxembourgeois, «il faut mettre en place des projets pilotes, je pense que c’est une gestion gagnant-gagnant». 

Vincent Magnus, bourgmestre d’Arlon, a, lui, posé une question concernant les travaux qui vont débuter la semaine prochaine sur la E411. «Une troisième voie pour le covoiturage et les transports en commun sera opérationnelle, mais arrivés à la frontière luxembourgeoise, les véhicules devront repasser à deux voies, les bouchons ne seront donc que déplacés», a-t-il regretté.

Pas encore de consensus sur les sujets essentiels

François Bausch a également été sollicité par un élu du conseil municipal de Thionville au sujet d’un monorail entre Thionville et Luxembourg – idée émise par Anne Grommerch, ancienne maire de la ville décédée en 2016. «Cela n’a pas de sens. Votre monorail a une emprise au sol. Certains m’ont dit qu’il pourrait être installé entre les 2x2 voies sur l’autoroute, mais avec la largeur des pieux et la distance de sécurité, nous aurions besoin de sept à huit mètres.»

François Bausch en a d’ailleurs profité pour rappeler son projet de «tram rapide» entre Esch et la capitale, expliquant que «nous avons justement analysé trois options, dont celles d’un monorail et d’un bus à haut niveau de services». Pour le ministre Déi Gréng, «le monorail est un système de très haute capacité, largement supérieure à ce dont on a besoin. Il est plus adapté à des villes comme Singapour, qui ont besoin de transporter des millions de personnes sur un seul axe.»

Plus de deux heures de débat, donc, et d’échange d’idées, qui ont montré qu’un consensus n’est pas encore à l’ordre du jour au sein de la Grande Région sur certains sujets essentiels pour son développement dans les années à venir.