Monsieur Steichen, l’ensemble des syndicats ont présenté avant les vacances les grandes lignes de leurs revendications avec pour ambition affichée de débuter les discussions à la rentrée. Où en est ce processus?
«Nous avons eu la première rencontre entre syndicats le 20 septembre avec comme objectif de fixer les idées principales de la future convention collective. Cette réunion aura duré au total une heure, mais une heure très professionnelle, constructive et chaleureuse. Car très bien préparée. Nous y avons discuté des neuf points que nous entendons défendre dans le cadre de la modernisation de la convention collective. Mais ce ne sont en aucun cas des revendications, car ce terme transmet une notion de conflit. Je préfère parler d’un carnet de bord qui met en avant de nouvelles alternatives, de nouvelles idées.
Quels sont donc ces fameux points?
«Nous avons l’intention d’aborder aussi bien la question de la fameuse prime de conjoncture, les congés extralégaux que la hausse salariale, par exemple. Mais nous allons aussi et surtout évoquer le maintien de l’emploi qui est un aspect crucial car nous sommes en train de vivre un changement démographique au sein du secteur bancaire où de plus en plus de personnes viennent des pays de l’est et du sud de l’Europe. Voire au-delà. Nous avons donc besoin d’un mécanisme qui permette aux salariés et aux établissements de s’adapter aux nouvelles réalités.
Le burn out impacte directement et négativement l’économie nationale.
Gilles Steichen, vice-président de l’Aleba
Parmi les changements observés ces dernières années, le glissement progressif des métiers traditionnels bancaires vers les fintech ou les fonds. La future convention collective devra-t-elle intégrer ces éléments?
«La convention collective en elle-même couvre le secteur bancaire, or il n’existe plus tellement à ce jour de banques qui ne touchent pas aux fonds. Pratiquement toutes ont des services de fonds d’investissement et l’activité principale est en train de se déplacer. C’est la raison pour laquelle je pense que nous avons une opportunité de nous remettre en question, aussi bien patronat que salariés, pour s’interroger sur la direction que nous souhaitons prendre pour la convention collective. Le vrai challenge repose donc sur le fait de trouver ceux et celles qui ont intérêt à s’investir dans le secteur financier, notamment les plus jeunes, car la convention collective actuelle n’est pas très attrayante. C’est une jungle qui doit être revue, simplifiée et modernisée dans le but de la rendre bien plus attractive. C’est dans l’intérêt de tous.
Les dernières prévisions du Statec pour 2016 et 2017 font état d’une croissance de 3,1% et 4,6%. Ces chiffres vous donnent-ils confiance dans la signature d’un accord plus favorable aux salariés?
«Est-ce que le contrat collectif n’est là que pour parler d’argent et garantir les acquis ou existe-t-il pour améliorer par exemple les conditions sociales des salariés de la Place? J’estime que ce dernier point prend une place de plus en plus importante. Cela se traduit notamment par la prise en compte du développement du burn out, qui est, à mon avis, un point qui doit faire partie intégrante de la convention collective, car ce sujet impacte directement et négativement toute l’économie nationale. Elle concerne non seulement la victime, mais aussi ses collègues et l’organisation de la société dans laquelle il travaille, elle influe sur la Caisse nationale de santé via les congés longue maladie, la vie de famille, etc.
Pour revenir sur les chiffres du Statec, nous devons dire que nous sommes dans une situation très saine, car les salariés travaillent et s’investissent beaucoup, alors même que leur niveau de salaire n’a pas bougé depuis cinq ans. Il serait cependant stupide de demander mordicus une forte augmentation des rémunérations, mais il faut que la future convention soit un mélange intelligent d’aspects sociaux – comme une révision des jours pour raisons familiales par exemple – et de revalorisation salariale. Car il faut que les salariés qui ont la trentaine et qui viennent d’arriver aient la possibilité de faire leur vie ici. Bien évidemment, cette volonté de repenser le modèle ne doit pas se faire en enlevant autre chose.
Les négociations de 2014 étaient un peu trop dirigées politiquement.
Gilles Steichen, vice-président de l’Aleba
L’absence de ces éléments dans le texte final serait-elle purement et simplement rédhibitoire pour l’Aleba?
«Cette logique, pour moi, ne correspond plus à notre époque. Il faut parler avant tout et surtout venir avec des solutions car le patronat a également tout intérêt à attirer au Luxembourg les spécialistes et les jeunes gens dont nous avons besoin. Selon moi, il est trop tôt pour se crisper sur tel ou tel élément car la première réunion plénière entre l’ABBL et les syndicats n’est qu’un comité paritaire qui va accepter les grandes lignes d’alternatives et de propositions et qui fait suite à beaucoup de travail mené en groupes de travail de part et d’autre. La première étape va donc être de discuter avant d’argumenter et de défendre telle ou telle position.
Selon vous, le prochain texte ne devrait donc pas être signé uniquement entre l’ABBL et l’Aleba, comme ça a été le cas dans un premier temps en 2014…
«Toutes les parties étaient d’accord jusqu’au matin même de la signature de l’actuelle convention collective. Et puis, au dernier moment, les autres ont changé d'avis. Je ne sais pas qui les a appelés pour les faire changer d’avis, même si tout cela semblait un peu trop dirigé politiquement. L’Aleba, en tant que syndicat indépendant, se réfère uniquement sur le mandat obtenu du comité d’administration et de nos membres. Ce qui est très important...»