L’écologie se mange désormais à toutes les sauces et le secteur de la construction ne déroge pas à ce régime. Les concepts de l’habitat passif et son frère cadet (plus performant encore) d’habitat à énergie positive sont maintenant présents sur toutes les lèvres, réchauffement anthropique du climat oblige. Pourtant, le concept d’habitat passif ne date pas d’hier. Il a été mis en œuvre dans les années 70, notamment dans les pays nordiques et l’Allemagne. Il est toutefois resté soigneusement rangé dans les tiroirs, notamment dans nos contrées où les considérations énergétiques et environnementales n’étaient pas à l’ordre du jour.
Après Kyoto, ces projets ont néanmoins refleuri dans l’esprit de nos politiques et se sont conceptualisés. Mais qu’est-ce qu’une habitation passive? Si d’aucuns l’imaginent tel un bâtiment sans système de chauffage actif, seuls le soleil, l’isolation et les gains intérieurs (énergie corporelle, système de cuisson des aliments, etc.) permettant une température agréable même en hiver, Olivier Henz, architecte de FHW Architectes, tempère: «Ce type d’habitation est techniquement envisageable, mais il ne permet guère de jouer sur la température intérieure. Si vous avez par exemple 19°C dans votre maison et que vous souhaitez 20 ou 21°C, sans chauffage d’appoint, il n’y a pas de possibilité de régulation.»
Le confort interne en pâtit alors. Et avec un chauffage supplémentaire, plus question de parler d’habitation passive. C’est pourquoi, même si «certains mettent la définition qui leur convient», un standard est né, reposant sur trois critères d’objectifs et non pas de moyens. Ainsi, en tout premier lieu, une habitation passive doit avoir un besoin en énergie de chauffage de moins de 15 kWh/m2/an. A titre de comparaison, les bâtiments «anciens» (de plus de 15 ans) consomment en moyenne entre 200 et 300 kWh/m2/an, tandis que les bâtiments plus récents (de moins de 15 ans) oscillent entre 80 et 120 kWh. Les maisons à faible consommation, construites après 2000, pointent pour leur part autour de 70 kWh…
Le deuxième critère de référence concerne l’étanchéité à l’air. «Pour connaître l’étanchéité d’un bâtiment, il faut procéder à un test qui consiste à mettre ce bâtiment en surpression ou en dépression par rapport à la pression extérieure, puis d’observer en combien de temps l’air intérieur se renouvelle, en ayant pris soin de calfeutrer les systèmes de ventilation», explique Olivier Henz. Aucune infrastructure n’étant totalement étanche (il y a toujours des infiltrations par les portes d’entrée notamment), l’air va donc s’introduire plus ou moins rapidement. Pour une maison passive, le volume d’air intérieur ne doit pas excéder un renouvellement de 60% de son volume total par heure, soit un coefficient de 0,6. Les maisons actuelles ont un coefficient d’étanchéité allant de 1 pour les plus performantes à 10. Plus cet indice est important, plus il faut chauffer…
Enfin, le troisième critère d’une maison passive est qu’elle doit avoir une consommation totale d’énergie primaire (incluant l’électroménager, le chauffage de l’eau chaude sanitaire, etc.) inférieure à 120 kWh/m2/an.
Pour atteindre ces trois objectifs, tous les moyens sont bons, puisqu’un bâtiment passif ne nécessite pas nécessairement l’utilisation de matériaux écologiques. «Peu importe que l’on utilise de la laine de mouton ou du polyuréthane pour l’isolation par exemple», confirme M. Henz. La maison passive ne prend donc pas en considération l’énergie grise générée par les matériaux, pas plus que leur transport ou leur recyclage.
Des critères aux moyens
Construire passif, c’est donc penser avant tout à une très bonne isolation, à une aération performante, et à une implantation judicieuse tenant compte de l’orientation et de l’ensoleillement. Ces différents aspects, s’ils sont scrupuleusement mis en place, sont la garantie d’une habitation passive… et sont une base nécessaire au développement d’une habitation à énergie positive. Dans ce cas, l’énergie générée par la maison doit être, sur base annuelle, supérieure à l’énergie consommée.
Mais comment produire de l’énergie? Il existe plusieurs méthodes: la biomasse, l’énergie hydraulique, éolienne ou solaire. Si les trois premières possibilités s’avèrent marginales, on constate depuis quelques années une tendance à voir les toitures se parer de panneaux solaires ou photovoltaïques.
Les premiers nommés ont vocation à chauffer l’eau; les seconds sont conçus pour produire non plus simplement de la chaleur, mais aussi de l’électricité. Mais est-ce intéressant dans notre pays guère réputé pour son ensoleillement? Oui, si l’on en croit Frank Minette, du CRP Henri Tudor, qui considère que «tout le pays se prête à l’utilisation de l’énergie solaire à l’exception de certaines vallées», notamment dans le nord du pays, à l’exposition limitée.
Construire une habitation passive, c’est donc possible tout comme produire sa propre électricité. Est-ce pour autant financièrement acceptable?
Un investissement qui refroidit
Oui, si l’on ne se focalise pas simplement sur le coût à l’investissement. Effectivement, le surcoût pour une maison passive est estimé à 10% de plus par rapport à une maison basse consommation, ce qui semble encore freiner de nombreux futurs propriétaires. Toutefois, «il faut avoir une vision globale, considère Olivier Henz. Car sachant que le coût de l’énergie est de plus en plus important, construire une maison passive doit, à terme, revenir moins cher que de construire une maison standard aux coûts de départ, il est vrai, moins importants».
Le jeu en vaut également la chandelle pour qui souhaite revendre son bien immobilier. Depuis le 1er janvier 2008, chaque nouvelle construction doit se voir délivrer un Certificat de performances énergétiques (CPE). Ce dernier, gradué de A (maison passive) à F (maison très énergivore) va s’installer dans le marché immobilier comme un élément indispensable à toute transaction. Une maison passive ou à énergie positive bénéficiera d’une plus-value indéniable.
Les primes versées par l’Etat sont également non négligeables et réduisent de fait l’investissement de départ. Les subventions distribuées par le gouvernement concernent les maisons et appartements à basse consommation d’énergie et les maisons passives. Dans ce dernier cas, l’aide fluctue entre 160 euros/m2 pour les maisons individuelles n’excédant pas 150 m2, à 57 euros/m2 pour certains types d’appartements avec néanmoins un plafond par logement de 50.000 euros.
Concernant les panneaux photovoltaïques, l’aide étatique est de 30% des coûts éligibles avec un maximum de 1.650 euros par kWp (kilo Watt peak). Le tarif de rachat de l’électricité générée et injectée dans le réseau est de 0,395 euro/kWh. Pour une installation solaire thermique, l’aide financière atteint 50% des coûts éligibles avec un maximum de 3.000 euros pour des installations de production d’eau chaude sanitaire (ECS) et 5.000 euros pour des installations cumulant l’ECS et le chauffage.
Grâce à ces subsides, ajoutés aux réductions des frais et aux rachats de l’électricité produite, une maison à énergie positive, et dans une moindre mesure, une maison passive, peuvent, dans certains cas, s’avérer un investissement intéressant à moyen ou long terme. «D’ailleurs, conclut Olivier Henz, si au départ, les personnes intéressées par les maisons passives étaient essentiellement motivées par des considérations environnementales, aujourd’hui, ce sont des raisons purement financières qui conduisent les intéressés vers une construction passive.»
Au Luxembourg, si la volonté est bien là, et que les premiers bâtiments, en version «passive», sont déjà sortis de terre, ou sont programmés, ils restent toutefois encore marginaux. Mais comme l’explique l’architecte, «les gens, particuliers comme entreprises, commencent à se renseigner sur ces nouveaux types de constructions».
Il faut maintenant embrayer et passer des intentions aux actes. Pour créer une nouvelle dynamique, c’est aux professionnels de la construction de s’investir plus avant dans cette voie. Si certains s’en sont d’ores et déjà spécialisés dans ce contexte, il s’agit essentiellement de filiales de sociétés pionnières dans ce domaine et en provenance de pays scandinaves. Ces dernières se comptent cependant sur les doigts d’une main.
Mais plus les entreprises de construction seront nombreuses à proposer des maisons passives et à énergie positive, plus le surcoût à l’investissement se réduira. Reste maintenant à ces dernières à s’informer et, surtout, se former dans ces nouvelles disciplines et techniques. Elles sont en effet encore trop peu nombreuses à prendre ce virage qui pourtant va s’imposer d’ici peu…