Marielle Stevenot, associée MNKS (Photo: MNKS)

Marielle Stevenot, associée MNKS (Photo: MNKS)

La période d’essai obéit à des règles particulières tant au regard de sa mise en place que de la résiliation du contrat de travail pendant la période d’essai. «La période d’essai est notamment régie par les dispositions des articles L. 121-5 du Code du Travail pour les contrats à durée indéterminée et L. 122-8 et L. 122-11 du Code du Travail pour les contrats à durée déterminée», introduit Marielle Stevenot, associée (MNKS).

Comment s’établit la période d’essai?

«S’agissant d’une simple faculté pour l’employeur et le salarié, la fixation d’une période d’essai doit être prévue par une clause expresse. Soit dans le contrat de travail (CDD ou CDI), et à ce moment-là, au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié; soit dans la convention collective applicable à la société. Dans ce cas, la pratique est d’informer le salarié dans le contrat de travail de l’existence d’une période d’essai conventionnelle applicable à tout salarié nouvellement embauché.

Que se passe-t-il en l’absence de clause?

«À défaut de clause expresse, le contrat de travail est réputé conclu pour une durée indéterminée, la preuve du contraire n’étant pas admissible. Aucune période d’essai ne peut en conséquence être convenue oralement sous peine de nullité.

Est-il possible de fixer une nouvelle période d’essai en cas de modification du contrat de travail ou de changement des responsabilités?

«La période d’essai ne peut être prévue qu’en début de relation de travail. Il convient, donc, d’exclure la fixation d’une période d’essai dans les cas suivants: en cas de changement de fonctions ou de responsabilités au cours d’un même contrat de travail; en cas de changement d’employeur au sein d’un même groupe de sociétés; en cas de conclusion d’un contrat à durée indéterminée à la suite d’un contrat à durée déterminée; en cas de conclusion d’un contrat à durée déterminée ayant le même objet que le précédent contrat à durée déterminée et qui n’en constitue dès lors que la continuation; et en cas de succession rapprochée dans le temps de contrats à durée indéterminée. Seule l’existence d’une véritable césure contractuelle, de plusieurs mois, voire années, entre les deux contrats de travail permettrait de justifier la fixation d’une nouvelle période d’essai.

Cela est-il vrai pour le travail intérimaire?

«Un régime particulier s’applique à l’embauche d’un salarié intérimaire. Selon l’article L. 131-10 (2) du Code du Travail, la durée des missions accomplies par le salarié intérimaire au cours de l’année qui précède l’embauche doit être déduite de la période d’essai éventuellement prévue.

Quelle est la durée à respecter?

«Les parties peuvent convenir de la durée de la période d’essai en respectant les limites légales applicables selon les qualifications ou le salaire. Pour un salarié sans qualification, la durée de la période d’essai doit être de deux semaines minimum et ne pas dépasser les trois mois. Pour un salarié ayant le CATP/DAP ou un niveau de formation équivalent ou supérieur, la période d’essai doit être comprise entre deux semaines et six mois. Toutefois pour un salarié dont le salaire mensuel de début atteint ou dépasse le niveau fixé par règlement grand-ducal, c’est-à-dire 4.154,91 euros (à l’indice 775,17), la période d’essai peut aller jusqu’à 12 mois.

À noter que la période d’essai n’excédant pas un mois doit être exprimée en semaines entières alors que la période d’essai excédant un mois doit être exprimée en mois entiers.

Que se passe-t-il si l’employeur ne respecte pas le cadre légal?

«En cas de fixation d’une durée excessive de période d’essai, la clause n’est pas nulle, mais ramenée à la durée régulière immédiatement inférieure. En pratique, l’employeur a intérêt à proposer la durée maximale de période d’essai applicable au salarié, dans la mesure où celle-ci ne peut pas être renouvelée, même en cas d’accord des deux parties.

Dans quel cas, la période d’essai peut-elle être prolongée?

«Uniquement en cas de suspension du contrat de travail, c’est-à-dire principalement en cas de maladie, pour une durée égale à la suspension dans la limite d’un mois. La période d’essai est, en outre, suspendue lorsqu’une salariée tombe enceinte, à compter de la remise à l’employeur du certificat médical attestant de la grossesse jusqu’au début du congé de maternité. Selon l’article L. 337-3 du Code du Travail, la fraction de la période d’essai restant à courir reprend son cours à la fin de la période d’interdiction de licenciement, soit après 12 semaines suivant l’accouchement.

L’employeur et le salarié peuvent-ils résilier le contrat pendant la période d’essai?

«Pendant la période d’essai, l’employeur et le salarié peuvent résilier le contrat de travail selon des modalités simplifiées. Ainsi l’employeur ayant plus de 150 salariés n’est pas tenu de procéder à un entretien préalable au licenciement. L’employeur n’est pas non plus tenu de fournir un motif de résiliation, sauf en cas de faute grave. Le salarié a la possibilité de contester la résiliation, mais devra supporter l’intégralité de la charge de la preuve du caractère abusif de la rupture. Enfin, les durées de préavis sont raccourcies.

Quelles sont les règles légales et jurisprudentielles à respecter?

«Premièrement, il ne peut être mis fin unilatéralement au contrat de travail pendant les deux premières semaines de période d’essai, sauf en cas de motif grave imputable à l’employeur ou au salarié.

Deuxièmement, la résiliation et le préavis sont notifiés par lettre recommandée ou remise en main propre avec apposition de la signature du destinataire sur un double exemplaire. À la différence du licenciement ou de la démission où le préavis commence à courir le 1er ou le 15 du mois, le point de départ du préavis en cas de résiliation pendant l’essai est le lendemain du jour de notification de la résiliation.

Troisièmement, le préavis doit prendre fin au plus tard le dernier jour de l’essai. Si le préavis continue à courir au-delà du terme de la période d’essai, le contrat de travail serait considéré comme étant conclu pour une durée indéterminée à partir du jour de l’entrée en service.

Enfin, la protection du salarié en arrêt maladie est selon la jurisprudence limitée dans le cadre de la période d’essai. En effet, après un mois, période maximale pendant laquelle peut être prolongée la période d’essai du fait de la maladie, si le salarié est toujours en incapacité de travail, l’employeur retrouve le droit de rompre l’essai, sous réserve de respecter les règles de résiliation en cours de période d’essai.

Fin de période d’essai

Rupture ou poursuite du contrat?

La période d’essai est parfois trop courte pour que l’employeur puisse juger des véritables qualifications du salarié pour le poste requis. Ne pouvant être renouvelée, en cas de doute, celui-ci n’a d’autres choix que de rompre le contrat avant le terme de la période d’essai ou de le poursuivre avec le risque de devoir ultérieurement le résilier selon des règles plus contraignantes.

Du point de vue de l’employeur, la période d’essai doit être mise à profit pour lui permettre de vérifier si le salarié possède les compétences, l’aptitude et le comportement requis pour le poste de travail.

Cependant, en pratique, l’employeur n’est pas toujours en mesure d’apprécier pleinement les compétences du salarié au terme de la période d’essai, par exemple en cas de postes techniques ou complexes nécessitant un processus plus long d’assimilation ou lorsque la prestation du salarié n’est pas encore au niveau attendu, mais pourrait être perfectible si le salarié disposait de quelques mois supplémentaires pour mieux appréhender son poste.

Dans ces situations, le cadre légal de la période d’essai offre peu de solutions à l’employeur dans la mesure où la période d’essai ne peut pas être renouvelée.

L’employeur pourrait être tenté de rompre la période d’essai conformément aux dispositions légales et de signer un nouveau contrat de travail à durée indéterminée comportant une nouvelle période d’essai. Néanmoins, cette solution exposerait l’employeur à un risque de requalification ab initio de la deuxième relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée. En effet, les juges tendent à considérer que la clause d’essai fixée dans le deuxième contrat de travail est nulle puisque le deuxième contrat n’est que la continuation du premier et concerne la même prestation. Il s’agirait, en outre, d’un détournement des règles légales de la période d’essai.

L’employeur est donc contraint de prendre position avant l’expiration de la période d’essai, soit en résiliant la période d’essai conformément aux dispositions légales, ce qui peut engendrer des coûts indirects pour le recrutement et l’intégration d’une autre personne, soit en laissant le contrat de travail se poursuivre afin de permettre au salarié d’améliorer ses performances, en prenant le risque de devoir résilier le contrat peu de temps après, en respectant les règles de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée (licenciement sur base d’un motif réel et sérieux, respect d’un préavis de licenciement de deux mois minimum, etc.).

Dans l’hypothèse où l’employeur déciderait de poursuivre la relation contractuelle avec le salarié et, finalement, de le licencier pour insuffisance professionnelle quelques mois après le terme de sa période d’essai, l’employeur devra être en mesure de bien étayer et établir l’insuffisance professionnelle invoquée, sous peine de requalification en licenciement abusif.

En effet, il a déjà été jugé que le licenciement intervenu pour performance insuffisante très peu de temps après la fin de la période d’essai n’était pas fondé sur un motif réel et sérieux. La juridiction a considéré qu’il eût appartenu à l’employeur de rompre le contrat de travail au moment de la période d’essai s’il avait jugé le salarié incompétent pour le poste occupé.

En pratique, afin de limiter ce risque, il est recommandé de convenir d’un entretien de fin de période d’essai destiné à acter le fait que le salarié ne répond pas à toutes les attentes requises pour le poste, et de définir des objectifs précis d’amélioration pour les semaines ou mois à venir. L’objectif étant d’être en mesure de produire des éléments matériels de preuve en cas de licenciement ultérieur, il est conseillé de faire signer un document par le salarié listant de manière précise les lacunes à améliorer et les délais fixés pour remplir les objectifs.

Ce que dit la loi

L’essentiel à savoir sur la période d’essai

La fixation d’une période d’essai doit être prévue par une clause expresse du contrat de travail ou de la convention collective, au plus tard au moment de l’entrée en service du salarié.

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La durée minimale de la période d’essai est de deux semaines. Elle ne peut dépasser trois, six ou 12 mois selon le niveau de qualification et le salaire du salarié.

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La clause de période d’essai ne peut pas être renouvelée. En revanche, elle peut être prolongée en cas de maladie du salarié dans la limite d’un mois.

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Les parties peuvent résilier le contrat de travail après les deux premières semaines de période d’essai sans fournir de motifs (sauf faute grave), sous réserve de respecter un préavis légal, qui doit prendre fin au plus tard le dernier jour de la période d’essai, sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée dès l’entrée en service.