Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, avait accueilli lui-même les premiers réfugiés relocalisés depuis la Grèce en novembre 2015. (Photo: MAEE)

Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, avait accueilli lui-même les premiers réfugiés relocalisés depuis la Grèce en novembre 2015. (Photo: MAEE)

La Slovaquie et la Hongrie ont définitivement perdu leur bras de fer contre leurs pairs européens. Un bras de fer qui a commencé durant l’été 2015, lorsque les pays de l’UE ont été confrontés à un afflux massif de réfugiés provenant principalement de Syrie et d’Irak, fuyant la guerre et les exactions de Daech.

La décision du Conseil adoptée le 22 septembre 2015 prévoyait qu’«[au] cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés.» Elle avalisait la relocalisation de 120.000 demandeurs de protection internationale vers d’autres pays européens alors que la Grèce et l’Italie étaient submergés de personnes à accueillir et de dossiers de demande de protection internationale à traiter.

Quatre pays contre la relocalisation

Une mesure contestée par la Slovaquie, la Hongrie, la République tchèque et la Roumanie, qui ont voté contre l’adoption de la décision. Les deux premiers pays sont allés plus loin en portant ce litige devant la Cour de justice de l’UE, demandant à l’institution d’annuler la décision en invoquant des erreurs procédurales et la non-pertinence de cette réponse à la crise migratoire.

Au cours de la procédure, c’est finalement seulement la Pologne qui est intervenue pour soutenir les deux pays requérants, tandis que la décision du Conseil était défendue par le Luxembourg, la Belgique, l’Allemagne, la Grèce, la France, l’Italie, la Suède et la Commission.

La CJUE a finalement rejeté les recours de Bratislava et Budapest, suivant les conclusions de l’avocat général Yves Bot. Tant du point de vue de la procédure choisie que du fond, le Conseil était habilité à prendre la décision de relocalisation obligatoire des demandeurs de protection internationale. «L’objectif du mécanisme de relocalisation que prévoit la décision attaquée […] est d’aider la République hellénique et la République italienne à affronter une situation d’urgence, caractérisée par un afflux soudain, sur leur territoire respectif, de ressortissants de pays tiers ayant manifestement besoin d’une protection internationale, en allégeant la pression considérable pesant sur les régimes d’asile de ces deux États membres», rappelle la Cour.

«Or, il ne saurait être considéré que le mécanisme de relocalisation d’un nombre important de demandeurs ayant manifestement besoin d’une protection internationale que prévoit la décision attaquée est une mesure qui serait manifestement impropre à contribuer à cet objectif.» La Cour souligne encore que, contrairement à ce qu’affirment les requérants, la relocalisation n’est pas la seule mesure prise pour pallier les «faiblesses structurelles en termes d’accueil et de capacité de traitement des demandes de protection internationale» de l’Italie et de la Grèce.

1,83 million de réfugiés arrivés en 2015

Mettant en exergue la «situation d’urgence grave, existant à l’époque en Grèce et en Italie, caractérisée par un afflux massif et soudain de ressortissants de pays tiers durant les mois de juillet et d’août de l’année 2015», la Cour valide les mesures prises par le Conseil et balaie les arguments de Budapest et de Bratislava selon lesquels «le nombre peu élevé de relocalisations ayant été effectuées à ce jour démontrerait que le mécanisme de relocalisation prévu par la décision attaquée était, dès son adoption, impropre à atteindre l’objectif escompté».

«Il apparaît que [ce nombre peu élevé] peut s’expliquer par un ensemble d’éléments que le Conseil ne pouvait prévoir au moment de l’adoption de celle-ci dont, notamment, le manque de coopération de certains États membres», tranche la CJUE.

Cet arrêt valide ainsi sur la forme comme sur le fond la décision du Conseil marquant la solidarité des pays européens face à une situation d’urgence. Selon des données statistiques de l’agence Frontex, avancées par le Luxembourg lors de son intervention devant la Cour, 1,83 million de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE ont été dénombrés en 2015 contre 283.500 en 2014. Et près de 1,3 million de migrants ont demandé une protection internationale dans l’UE en 2015 contre 627.000 en 2014 selon Eurostat.