Jean-Yves Leborgne, portfolio manager chez ING Luxembourg. (Photo: ING Luxembourg)

Jean-Yves Leborgne, portfolio manager chez ING Luxembourg. (Photo: ING Luxembourg)

La transition tant attendue d’un modèle de croissance basé sur les exportations et les investissements vers une économie reposant davantage sur la consommation n’a toujours pas eu lieu. Selon les derniers chiffres officiels, la consommation privée ne représente que 36% de l’activité économique, alors que la part des investissements s’est encore renforcée, à 46%. La faiblesse de la consommation se reflète également au niveau de l’inflation, similaire à celle observée dans les pays occidentaux (moins de 1% en annualisé en 2015) et ce, malgré une croissance économique nettement plus forte.

Il est évident que la croissance économique va continuer de ralentir. Sans transition, le niveau de croissance actuel sera intenable étant donné la faiblesse de la demande mondiale et les problèmes de surcapacité dans de nombreux secteurs. Même en se réorientant davantage sur la consommation, la Chine s’apprête à connaître un ralentissement vu que la croissance démographique stagne et que le revenu disponible par tête d’habitant progresse moins vite que la croissance du PIB. Pour cette année, le gouvernement table sur une croissance de 7%, soit moins que l’objectif de 7,5% qui avait été fixé pour 2014 et qui a été raté de justesse. Si l’objectif est atteint, il s’agirait du taux le plus bas en plus de 20 ans.

Pour les autorités chinoises, le défi consiste donc à gérer à la fois la transition et le ralentissement, sans mettre en péril la stabilité financière du pays. Au cours de ces dernières années, le taux d’endettement a énormément grimpé, surtout dans le secteur privé par le biais du système financier parallèle («shadow banking»), mais aussi au niveau des pouvoirs locaux. Il y a un an et demi, le parti communiste a, sous l’impulsion du nouveau président Xi Jinping, annoncé toute une série de réformes socioéconomiques destinées à freiner la croissance de l’endettement et à donner un rôle plus important à la dynamique de marché. Nous constatons aujourd’hui que plusieurs pas ont déjà été franchis dans la bonne direction. Certaines mesures ont ainsi été prises en vue d’encadrer le système bancaire de l’ombre et ont déjà permis de ralentir l’activité dans ce secteur au second semestre 2014. En ce qui concerne les pouvoirs locaux, leurs conditions de financement deviendront plus strictes et un marché obligataire où ils peuvent eux-mêmes lever des capitaux sera créé.

D’autres réformes se profilent également pour les grandes entreprises d’État et dans le domaine de l’environnement. La Chine semble aussi gagner en assurance sur la scène internationale, avec la mise en place de banques de développement alternatives telles que la New Development Bank (des pays Brics) et d’une nouvelle banque de développement asiatique pour les projets d’infrastructure.

Parallèlement, le pays joue aussi la carte de l’assouplissement monétaire. Ainsi, ces derniers mois, la banque centrale chinoise a décidé à deux reprises d’abaisser son taux directeur et de diminuer le ratio des réserves obligatoires des banques.

La Chine est tout à fait capable de réussir la transition de son économie. La traditionnelle réserve chinoise pourrait même constituer un atout de taille à cet égard. Mais face à l’ampleur du défi, le chemin s’annonce pour le moins chaotique et ses effets sur le reste du monde seront de plus en plus importants, vu le rôle croissant que joue la Chine dans l’économie mondiale.